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— Bill Nolan s’est servi d’elle pour sortir des documents de Langley. Elle pensait qu’ils étaient destinés à une commission sénatoriale et qu’il le faisait par amitié pour Barry Goldwater. Ensuite, il les photocopiait et les mettait en micro-films chez lui.

» Le reste nous l’avons découvert : il remplissait l’intérieur d’un de ses stylos avec le micro-film et l’enterrait le long de la pierre tombale de son fils. Harry Feinstein n’avait plus qu’à le récupérer.

— Elle vous a donné une idée de la raison pour laquelle il aurait trahi ?

— Non, pas vraiment ! Elle prétend qu’il n’en avait aucune, qu’elle le connaît depuis vingt ans, que c’est l’homme le plus intègre qu’elle ait jamais croisé… Qu’elle le défendra jusqu’au bout. Il vivait dans le souvenir de son fils tué au Vietnam, il avait horreur de la violence. Espérait beaucoup dans les conférences sur le désarmement…

Un angle qu’on n’avait jamais exploré.

Les deux hommes se regardèrent, aussi épuisés l’un que l’autre. Malko n’aurait pas voulu être dans la peau de Franck Woodmill.

— Et Harry Feinstein ?

— Son arme n’avait pas de numéro, on ne la tracera pas. Sinon, rien. Le FBI est en train d’interroger sa femme. Au mieux, on l’expulsera. Les perquisitions n’ont rien donné. J’ai presque l’impression qu’il ne connaissait pas Bill avant de l’avoir vu ce soir. Le cloisonnement.

Dehors, il faisait froid et Malko se sentait moralement glacé. Le mystère demeurait entier et ils étaient au bout du rouleau.

* * *

Le docteur Thorpe, le médecin de la CIA, attendait dans le couloir, en grande conversation avec deux confrères, lorsque Franck Woodmill et Malko débarquèrent au Georgetown Hospital. Malgré ses quelques heures de sommeil, Malko se sentait épuisé et Franck avait des yeux de lapin russe.

— Ça a été dur, annônça-t-il. J’ai cru que le DCI allait tomber raide. Et même maintenant, il ne me croit pas encore. J’ai réussi à lui faire jurer de ne rien dire à personne tant que nous ne serons pas fixés sur l’état de Bill. Même le Président sera tenu dans l’ignorance… Allons voir Thorpe. J’ai fait installer des micros dans la chambre, à tout hasard.

Le docteur Thorpe s’approcha d’eux, le visage sombre.

— Les nouvelles sont mauvaises, dit-il. L’état de Bill Nolan ne cesse de décliner. Le cerveau a été trop endommagé.

Franck Woodmill le regarda comme s’il avait proféré une obscénité.

— Vous voulez dire qu’il va mourir ?

Le médecin inclina la tête affirmativement.

— Est-ce qu’il peut s’exprimer ?

— Non. Nous avons fait des tests. Il essaie, mais c’est incompréhensible.

— Est-il toujours conscient pour le moment ?

— Oui. Mais cela ne durera pas.

Ils pénétrèrent dans l’antichambre, puis dans la grande chambre. Bill Nolan était appuyé à ses oreillers, les yeux ouverts, le visage tordu sur le côté droit. En voyant Franck Woodmill, il essaya de dire quelques mots, mais il ne sortit de ses lèvres que des borborygmes indistincts. Thorpe se pencha à l’oreille du Directeur adjoint des Opérations.

— C’est tout ce qu’il peut faire.

Bill Nolan fixait Franck. Des larmes venaient d’apparaître dans ses yeux. Il fit un signe de la main gauche, répété, presque un tremblement. Franck se pencha sur lui et posa un bloc-notes sur ses genoux.

— Bill, dit-il, nous devons savoir. Nous connaissons maintenant vos liens avec les autres. Pourquoi ? Dites-nous pourquoi.

La moitié gauche du visage de Bill Nolan se crispa. Avec peine, il écrivit quelques lettres sur le bloc et referma les yeux. Malko lut :

— F… a… w… n.

— Il veut sa secrétaire, dit l’officier de la sécurité. Il faut demander une autorisation au DCI.

Le docteur Thorpe s’approcha et murmura à l’oreille de Franck Woodmill :

— Dépêchez-vous, je ne suis pas certain qu’il passe la journée.

Le Directeur adjoint des Opérations se retourna et lança sèchement :

— Prenez un hélico et allez chercher Miss McKenzie. J’appelle le DCI.

Il se pencha vers le lit.

— Bill, Fawn va venir.

* * *

Le regard de Malko croisa celui de Fawn et y lut toute la détresse du monde. Depuis une heure, elle serrait sans parler la main de Bill Nolan. Ce dernier ouvrait parfois les yeux et lui adressait un regard embué. Mais il avait repoussé toutes les demandes concernant sa trahison. De temps à autre, le docteur Thorpe regardait les écrans des moniteurs d’un air inquiet : Bill Nolan s’affaiblissait sans cesse.

Malko sourit à Fawn McKenzie.

— Je peux vous parler ?

Elle le suivit dans le couloir.

— Vous pouvez rendre un dernier service, dit-il. Bill Nolan va mourir.

— Je le sais, dit-elle, je le sens.

— Demandez-lui de nous dire la vérité. Pourquoi il a trahi. Sinon, cette histoire empoisonnera la CIA pendant des années.

Elle le fixa longuement.

— D’accord, mais ensuite, vous me laissez seule avec lui.

— Vous avez ma promesse.

Elle revint dans la chambre et s’approcha de Bill Nolan. Pendant plusieurs minutes, elle lui parla à l’oreille. Malko guettait le visage tordu du Directeur adjoint. Finalement, il inclina lentement la tête et Fawn McKenzie annonça :

— Vous pouvez le questionner.

Malko écrivit sur le papier.

— Pourquoi avez-vous trahi votre pays ?

Bill Nolan lut et s’agita. De la main gauche, il se mit à écrire quelques mots laborieux. Malko lut au fur et à mesure.

« La… paix… Plus de conflits. Je n’ai pas trahi. »

Sa main retomba. Malko écrivit à côté.

« C’est à cause de votre fils ?»

Les yeux de Bill Nolan s’emplirent de larmes. Presque avec fermeté, il écrivit :

« Oui… mon fils… Les autres. Il faut éviter une nouvelle guerre. Ils sont sincères… »

Malko écrivit :

« “ Ils ” : les Soviétiques »

« Oui. »

On aurait entendu une mouche voler dans la chambre. Franck Woodmill reniflait et Fawn McKenzie avait le visage inondé de larmes.

« Depuis combien de temps ?» écrivit Malko.

« Douze ans… Je ne regrette rien… »

Cela correspondait au passage en Libye de William Nolan.

Il retomba épuisé, et Malko prit les feuilles de papier. Fawn se précipita sur lui.

— Je vous en prie, laissez-le, laissez-le-moi.

Elle les poussait presque hors de la pièce. Le docteur Thorpe se pencha sur le blessé, l’auscultant rapidement.

Il se redressa et chuchota à un agent de la CIA :

— Allez chercher un prêtre.

Bill Nolan les rappela soudain avec des gargouillis horribles, et reprit la feuille de papier. Fébrilement, il écrivit :

« Je ne voulais plus de sang… Pardon pour Jes… Je n’ai pas pu… »

Le docteur Thorpe les poussa hors de la pièce. Malko sortit le dernier. Il se retourna. Fawn McKenzie avait pris la main de Bill Nolan entre les siennes et l’embrassait.

Un garde de la CIA referma la porte et se planta devant.

* * *

William Nolan mourut à 11 heures 55, sans avoir pu parler. Il fut inhumé deux jours plus tard au cimetière de Georgetown, en présence du Président des États-Unis, du Directeur de la CIA et des membres les plus importants de la communauté du Renseignement.