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Corso se força à jeter un œil au visage pixellisé qui ne ressemblait plus qu’à un morceau de barbaque suspendu au croc d’un boucher. Il gifla l’Indien avec le canon de son calibre et le plaqua contre le mur.

— Écoute-moi bien, ma salope. Je suis pas venu ici pour prendre un cours de droit, encore moins pour écouter tes conneries sur le SM et l’Europe. En février 2012 et en mai 2013, tu as fait bosser Sophie Sereys, alias Nina Vice, dans plusieurs de tes films. Qu’a-t-elle fait pour toi ?

— Sophie Sereys ? Nina Vice ? Vraiment, je ne vois pas, je…

Corso lui balança un coup de crosse et lui brisa le nez.

Il laissa le triste sire s’effondrer sur le sol avant d’ajouter :

— Elle a été assassinée y a dix jours. Les news n’ont parlé que de ça pendant une semaine. Son portrait est partout sur le Web. T’es du genre bien informé et tu as dû tout de suite la reconnaître !

— Ni… Nina appartenait à notre club… Elle… elle travaillait régulièrement pour nous…

— On n’a trouvé que deux fiches de paie dans ses comptes. Le reste du temps, tu la payais au black ?

Malgré son nez brisé et ses lèvres tuméfiées, Akhtar réussit à sourire.

— Vous avez rien compris… Nina jouait bénévolement. Pour son plaisir ! Ma philosophie a converti les cœurs et les esprits. Nous ne faisons pas des films, nous communions… Nous…

Corso lui en remit une dans la mâchoire, histoire de lui montrer qu’il avait bien saisi sa pensée.

— Nina, elle jouait dans quel type de films ?

— Le genre que vous venez de voir.

— Tu mens ! Nina était strip-teaseuse. Jamais elle n’aurait pris le risque d’être blessée ou défigurée dans tes séances de cinglés.

— Elle travaillait à l’intérieur, répondit l’Indien d’un ton placide. Les membres de notre réseau peuvent choisir les instruments ou les outils avec lesquels nos « officiants » travaillent le sujet et…

Corso allait lui en coller une autre mais il s’arrêta net, la main levée. Émiliya, nue, dans la salle de bains, alors qu’elle se… Son cerveau refusa d’aller plus loin et se concentra sur le moment présent.

— Où sont ses films ?

— Il faut que je fasse des recherches. Tout est référencé mais… je produis beaucoup.

— Qui étaient ses partenaires ?

— Même réponse, fit l’Indien en essuyant le sang et la morve qui lui coulaient du nez. Je peux pas de mémoire…

Corso le releva et le poussa à nouveau sur son fauteuil. Il attrapa son portable et composa le numéro de Stock. Il était sidéré d’avoir ouvert une telle brèche en quelques heures seulement. Bornek avait une bonne équipe mais pas de petit génie aux collants troués.

— J’ai retrouvé la trace de Nina Vice dans un réseau un peu spécial, expliqua-t-il à Stock sans quitter des yeux l’Indien qui reniflait comme un gosse. Barbie t’expliquera. Tu lâches tout et tu te radines avec les autres. Vous venez aussi avec des techniciens…

Akhtar fit mine de se lever.

— Vous n’avez pas le droit. Pour une perquisition, vous devez avoir une…

Corso l’attrapa par les cheveux — leur contact huileux lui répugna — et l’enfonça dans son fauteuil, lui barrant la gorge avec sa crosse.

— Vous ramassez tous les disques durs, les fichiers, continua-t-il au téléphone, la compta, tout. Vous embarquez le guignol qui dirige tout ça et vous lui faites cracher ses codes et ses références. Vous matez tous les films où Nina a joué. Vous retrouvez ses partenaires de scène, les techniciens présents lors du tournage, et surtout la liste des malades qui ont maté ces séquences. Je vous donne l’adresse par SMS. Envoyez-moi en urgence des bleus pour surveiller le suspect et magnez-vous le fion !

Il raccrocha et menotta le producteur au radiateur le plus distant de la console de montage. Il ouvrit la fenêtre pour chasser l’odeur entêtante du curry et se servit du thé sur un plateau d’argent posé par terre. Il retourna à la fenêtre et but son chaï à petites goulées en essayant de se calmer.

Enfin, il revint vers Akhtar qui gémissait dans son coin. Le scarabée s’était transformé en limace. Corso attrapa un pouf de cuir râpé et s’assit près de lui, sans lâcher sa tasse.

— File-moi ton portable.

De sa main libre, l’Indien attrapa son cellulaire dans sa poche de tunique et le tendit au flic.

— En attendant mon équipe, reprit Corso en empochant l’appareil, tu vas me donner quelque chose, un nom, un détail, une circonstance qui me permette d’avancer tout de suite.

Akhtar reniflait du sang et crachait des glaires rougeoyantes.

— Je vois pas ce que vous voulez dire… Je…

Sans se lever, le flic lui balança un coup de talon dans les côtes.

— Un nom, enfoiré. Un partenaire, un gars avec qui Nina partageait ses goûts tordus, un technicien qui l’aurait sautée, n’importe qui. Trouve, nom de Dieu, ou je te jure que mes collègues vont te ramasser à la petite cuillère.

L’autre cracha encore sur ses tapis puis haleta :

— Allez voir Mike… Un hardeur… Il a travaillé avec elle. Je crois… je crois qu’ils sont liés…

— Liés comment ?

— Ils sont sur la même longueur d’ondes. C’est lui qui l’a fait rentrer dans notre réseau.

— Où je peux le trouver ?

— Je… j’ai pas ses coordonnées…

Corso leva encore sa botte — il n’avait pas à beaucoup se forcer pour torturer le salopard.

L’autre se ratatina dans un coin de la pièce.

— Au… au Vésinet. Y a un tournage aujourd’hui… Je vais vous donner l’adresse…

— Son vrai nom, c’est quoi ?

— Faudrait que je retrouve sa fiche. De toute façon, tout le monde l’appelle Freud.

— Freud ?

— C’est un intellectuel.

À cet instant, on tambourina à la porte en criant : « Police ! »

— On se revoit au 36, conclut Corso en se levant. Tu donnes tous tes codes à mes collègues, tu réponds à toutes leurs questions, et le reste du temps, tu la fermes.

— Je… je veux appeler mon avocat, susurra-t-il entre ses dents déchaussées.

Le flic lui balança un dernier coup de pied dans le ventre avant d’aller ouvrir aux bleus. Akhtar éclata en sanglots.

— Pour un maître SM, j’te trouve bien sensible.

15

— Docteur ? (Corso roulait plein ouest tout en téléphonant au légiste de l’IML) Commandant Stéphane Corso, de la Crime. J’ai repris l’affaire de la strip-teaseuse assassinée.

— Et alors ?

Visiblement, il dérangeait. La résonance de la voix trahissait l’écho de la chambre froide. Le médecin était un nouveau que Corso ne connaissait pas.

— Vous avez autopsié Sophie Sereys y a une dizaine de jours. J’aurais besoin d’une précision.

Le toubib soupira. Il l’entendit donner des ordres à ses assistants, à la manière d’un réalisateur qui dirait « Coupez ».

— Je vous écoute.

— J’ai lu plusieurs fois votre rapport et je n’ai vu aucune mention concernant des lésions vaginales.

— Je l’ai dit et répété : cette femme n’a pas été violée.

— Je veux parler d’anciennes lésions, des cicatrices peut-être.

— C’est-à-dire ?

La curiosité du médecin semblait éveillée.

— Nous avons aujourd’hui la preuve que Sophie Sereys tournait dans des films porno à tendance SM. Vous n’avez rien remarqué ?