— Même si vous pouvez déterminer que c’est de l’eau, s’obstina Tim, vous ne pouvez pas être sûr qu’elle vient de votre voiture.
— De quelle autre chose voulez-vous qu’elle vienne ?
— C’est un facteur inconnu. Vous vous fondez sur une preuve indirecte ; vous n’avez pas vu l’eau s’écouler de votre voiture.
— Bon, alors, dans ce cas, mettez le moteur en route, laissez-le tourner et observez ce qui se passe. Regardez s’il y a des gouttes qui tombent.
— Est-ce que ça ne prendrait pas longtemps ? demanda Tim.
— Eh bien, il faut savoir. Vous devriez vérifier aussi le niveau de votre Lockheed, votre niveau d’huile et votre niveau d’eau, ainsi que la boîte automatique ; c’est le genre de vérifications qu’on devrait faire régulièrement. Pendant que vous y êtes, vous pourriez en profiter pour ça. Et aussi pour contrôler la pression de vos pneus. Vous les gonflez à combien ?
— Je gonfle quoi ? questionna Tim.
— Vos pneus. » Bill eut un sourire. « Vous en avez cinq. En comptant celui de la roue de secours. Et celui-là, vous oubliez sans doute de le vérifier en même temps que les autres. Et le jour où vous aurez un pneu crevé, vous vous apercevrez peut-être qu’il est dégonflé. Est-ce que votre cric s’adapte à l’essieu ou au pare-chocs ? Au fait, quelle marque de voiture avez-vous ?
— Je crois que c’est une Buick, dit Tim.
— Non, c’est une Chrysler, précisai-je doucement.
— Ah ? » fit Tim.
Après le départ de Bill, Tim et moi restâmes seuls dans le salon, et il s’ouvrit à moi avec franchise. « Kirsten et moi, me confia-t-il, connaissons quelques difficultés. » Il s’assit près de moi sur le canapé, parlant à voix basse pour que Kirsten, dans la pièce à côté, n’entendît pas.
« Elle prend beaucoup de barbituriques ? demandai-je.
— Je ne sais pas vraiment. Son médecin lui donne tout ce qu’elle veut. Du Séconal. Et elle a aussi de l’Amytal. Je crois que l’Amytal vient d’un autre médecin.
— Vous devriez contrôler sa consommation. »
Tim changea de sujet. « Pourquoi Bill n’accepte-t-il pas l’idée du retour de Jeff parmi nous ?
— Dieu seul le sait, répondis-je.
— Le but de mon livre est de procurer du réconfort aux gens qui ont le cœur brisé après la perte d’un être cher. Quoi de plus rassurant que de savoir qu’il y a une vie après le traumatisme de la mort, tout comme il y en a une avant le traumatisme de la naissance ? Jésus nous assure qu’une vie future nous attend ; c’est de là que dépend toute la promesse du salut. Je suis la Résurrection. Quiconque croit en moi vivra même s’il meurt, et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Et ensuite Jésus dit à Marthe : Crois-tu en ceci ? Ce à quoi Marthe répond : Oui, Seigneur. Je crois que vous êtes le Christ, le Fils de Dieu, Celui qui devait venir en ce monde. Plus tard, Jésus dit : Car ce que j’ai dit ne vient pas de moi ; ce que j’ai à dire m’est commandé par le Père qui m’a envoyé, et je sais que ce commandement signifie la vie éternelle. Attendez que je prenne ma Bible. » Il saisit le volume qui se trouvait sur une table basse. « Première Épître aux Corinthiens, chapitre XIV, verset 12. Si le Christ ressuscité d’entre les morts est ce qui a été prêché, comment certains de vous peuvent-ils soutenir qu’il n’y a pas de résurrection ? Si la résurrection n’existe pas, le Christ lui-même n’aurait pu ressusciter et si le Christ n’avait pas ressuscité, alors notre prédication serait sans objet et votre croyance sans objet ; en vérité, nous sommes des témoins qui avons commis un parjure devant Dieu, parce que nous avons juré devant Dieu qu’il avait ressuscité le Christ à la vie. Car si les morts ne sont pas ressuscités, le Christ n’a pas été ressuscité, et si le Christ n’a pas été ressuscité, vous êtes toujours dans vos péchés. Et ce qui est plus sérieux, tous ceux qui sont morts dans le Christ ont péri. Si notre espoir a été placé dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus infortunés de tous les hommes. Mais le Christ a bien ressuscité d’entre les morts, les premiers fruits de tous ceux qui se sont endormis. » Tim referma sa Bible. « C’est énoncé clairement, conclut-il. Il ne peut y avoir le moindre doute.
— Je suppose que oui, dis-je.
— On a trouvé tellement de preuves dans le wadi zadokite. Tant de choses qui jettent de la lumière sur tout le kêrygma des débuts du christianisme. Nous en savons tellement, désormais. Saint Paul ne parlait absolument pas par métaphores ; l’homme ressuscite d’entre les morts au sens littéral. Ils possédaient les techniques. C’était une science. Aujourd’hui nous appellerions cela de la médecine. Ce qu’ils avaient, c’était l’anokhi.
— Le champignon », fis-je.
Il me dévisagea. « Oui, le champignon.
— Le pain et le bouillon, dis-je.
— Oui.
— Mais nous ne l’avons plus maintenant.
— Nous avons l’Eucharistie.
— Mais, observai-je, vous savez tout comme moi que la substance n’est pas présente dans l’Eucharistie. C’est comme le cargo culte où les indigènes construisent de faux avions pour leur rendre hommage.
— Pas du tout.
— En quoi est-ce différent ?
— Le Saint-Esprit…, commença-t-il, avant de s’interrompre.
— C’est ce que je veux dire », fis-je.
Tim déclara : « Je crois que c’est le Saint-Esprit qui est la cause du retour de Jeff.
— Donc vous jugez que le Saint-Esprit existe toujours, qu’il a toujours existé et qu’il est Dieu, l’une des formes de Dieu.
— Maintenant, oui, répondit Tim. Maintenant que j’ai vu les preuves. Je n’y croyais pas avant d’avoir vu les preuves, les pendules arrêtées à l’heure de la mort de Jeff, les glaces brisées, les cheveux roussis de Kirsten, les épingles sous ses ongles. Vous avez vu ses vêtements complètement en désordre l’autre jour ; nous vous avons fait venir pour que vous le constatiez par vous-même. Ce n’est pas nous qui avons fait ça. Personne au monde n’a pu le faire ; nous n’irions pas fabriquer des preuves. Est-ce que vous nous croyez capables de manigancer une supercherie ?
— Non, dis-je.
— Et le jour où ces livres ont quitté l’étagère et sont tombés par terre… il n’y avait personne sur les lieux. Vous les avez vus de vos propres yeux.
— Pensez-vous que le champignon, l’anokhi, existe toujours ? questionnai-je.
— Je l’ignore. Il y a un champignon du nom de Vita verna qui est mentionné dans le livre VIII de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien. Ce dernier vivait au Ier siècle de notre ère… l’époque concorde. Et il n’en cite pas l’existence d’après Théophraste ; c’est un champignon qu’il avait vu de ses yeux, dont il avait eu connaissance par ses observations des jardins de Rome. Ce pourrait être l’anokhi. Mais ce n’est qu’une supposition. » À ce moment-là, selon son habitude, il changea de sujet ; l’esprit de Tim ne s’attardait jamais longtemps sur le même point. « Bill est psychotique, n’est-ce pas ?