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– Bon Dieu, s'impatiente Vals, faites ce que je vous ordonne et ne cherchez pas à comprendre... Allez profiter du temps libre que je vous accorde !

Le surveillant, d'abord indécis, finit par obtempérer et, attrapant sa veste, ses magazines, sa bouteille thermos, sort précipitamment, conscient que l'on ne contrarie pas le professeur Vals quand ce dernier a le visage ravagé de tics.

Vals referme à clé derrière lui et commence à manipuler de la main droite une molette qui active la caméra plongeant sur le hall, tout en téléphonant de la main gauche. Sur un écran apparaissent les intrus.

– Nom de Dieu ! Voilà l'équipe au grand complet, avec cette folle de télépathe en tête !

Puis, son interlocuteur ayant décroché :

– Les flics investissent la clinique ! Vous étiez au courant ? Non ? C'est invraisemblable ! Ils n'ont pas le droit ! C'est encore un coup du commandant Servaz, c'est lui qui a pris cette initiative ! Vous ne deviez pas le maîtriser ?

À l'autre bout du fil, l'inconnu s'emporte. Vals ponctue d'un « oui, oui ! » chacune de ses interventions, puis raccroche pour composer aussitôt un second numéro.

– Allô ? Virgile ? Les flics sont dans la place... C'est bien ce que je pensais, leur présence n'est absolument pas légale. Le parquet n'était même pas prévenu. Il n'empêche que nous ne devons prendre aucun risque. On exécute le plan...

Un temps.

– Aucun témoin ne doit survivre ! scande Vals avant de raccrocher.

Il réfléchit un long moment tout en suivant la progression Martin et Seignolles, la petite meute s'étant scindée en deux groupes. Il frappe d'un violent coup de poing le pupitre de commande, se dresse, comme mû par une décharge électrique, et sort de la salle de contrôle.

Il connaît la position des policiers entre ses murs ; il a le temps de passer à son bureau en empruntant l'escalier de service.

Parvenu à son bureau, il enfile sa veste, avale deux comprimés d'Alprazolam, fourre la boîte dans l'une de ses poches, ouvre son coffre, tire plusieurs casiers pour en extraire des dossiers dont il gave son porte-documents et, après un dernier coup d'œil sur cet univers qu'il abandonne à tout jamais, file par le couloir jusqu'à une sortie de secours qu'il ouvre avec un passe.

Il dévale un étroit escalier avec son allure d'échassier bancal, débouche dans le parc, à l'arrière de la clinique, prend sur la gauche pour traverser une courette et atteindre une porte métallique qui donne sur la forêt.

Là, il respire enfin et ralentit l'allure. Cependant, son esprit est en feu, tourmenté par une angoisse dont il sait qu'elle ne le quittera plus. « Ça ne devait pas se passer de la sorte ! »

Il n'ignore pas qu'il est condamné. « Il en est ainsi et il en sera toujours ainsi ! »

Combien de temps ? Combien de temps lui reste-t-il à vivre ?

Combat

Virgile avait raccroché. Ses mains tremblaient.

Il était resté un instant à se demander s'il avait bien compris : « Aucun témoin ne doit survivre ! »

La voix de Vals n'était pas habituelle. Il y avait plus que de la peur dans chacune de ses intonations. Cela ressemblait à de l'hystérie.

Virgile venait d'allonger Mélisse sur la table de la petite pièce à peine éclairée par son néon rouge. Il s'apprêtait à lui administrer son « traitement » lorsqu'il avait reçu l'appel de son supérieur.

Maintenant il se tient là, debout devant la table, dominant la gamine nue qui repose sur l'alèse. Il ne l'a pas encore sanglée... C'est inutile puisque, cette fois, elle ne se débattra pas. L'injection létale qu'il va lui faire l'emportera dans un tout dernier rêve en moins de cinq secondes...

La gamine ne s'est pas réveillée quand il l'a sortie de son lit pour la déposer sur le chariot et la conduire jusqu'ici. Il était loin de se douter...

« Combien de temps avant que les policiers découvrent la “cité interdite” ? »

Il doit se hâter, désormais ; il n'a que trop traîné... Une fois qu'il se sera occupé de Mélisse, il devra planter cinq fois une aiguille dans les bras des « survivants »...

Il ouvre un placard, en sort six ampoules, puis, consultant sa montre, se rassure. Cinq minutes devraient suffire à faire disparaître les six cobayes ! Mélisse la première... Ensuite il aura encore besoin d'une minute pour ouvrir la porte blindée, traverser la buanderie et gagner le couloir...

Il a tourné le dos à Mélisse pour préparer les injections mortelles. Six seringues...

Le tremblement de ses mains a cessé. Il a recouvré son calme. « J'ai juste le temps nécessaire... »

Il se saisit de la première seringue, l'élève en direction du néon qui clignote, regarde par transparence le liquide mortel dans son tube, sourit et se retourne vers Mélisse.

Et lui, l'énorme Virgile, le bourreau géant, se retrouve nez à nez avec un lutin malingre et halluciné qui lui tranche presque la gorge à l'aide d'un plateau de métal.

« La petite salope ne dormait pas ! »

Il s'effondre sur le sol, entraînant dans sa chute machines et instruments. Sa tête heurte l'arête d'un pied de table. Il lâche la seringue qui roule sur le carrelage.

Par réflexe, il la cherche de la main, se ressaisit, tente de se relever. Un second coup de plateau assené sur sa joue droite le projette de côté. Il lance un juron, se disant qu'il va étrangler cette gamine, se complaire à entendre sa nuque se briser.

« Mais le temps, bon Dieu ! Je vais en manquer, maintenant... Il me faut les éliminer tous les six... »

Le fantôme squelettique a bondi et brisé le néon, plongeant la pièce dans les ténèbres.

– Mélisse ! appelle Virgile.

Il s'est remis debout et, tel un ours aveugle cherchant cependant à combattre, il fonce droit en avant, ses bras tendus moulinant l'espace. Mais sa proie lui échappe à chacune de ses tentatives. Il se heurte à la table, à l'électrocardiogramme, à une chaise...

Il se dit que Mélisse est peut-être retournée dans la « cité interdite » en le contournant. Mais, si cela était le cas, il l'aurait sentie le frôler... « Non, elle est encore dans cette pièce, terrée dans un coin, comme une louve effrayée, et je vais lui mettre la main dessus ! »

– Mélisse ? appelle-t-il doucement. Tu m'entends, ma petite ? Tu as besoin de soins et si je ne te les administre pas immédiatement, tu risques le pire...

Soudain, il se fige. Il vient d'entendre des coups sourds contre la porte blindée.

« C'est foutu ! Les flics sont dans la buanderie ; ils ont tout découvert... Ce doit être cette garce d'Extebarra qui les y a guidés ! »

Il ne lui reste plus que le temps de rebrousser chemin, de traverser la « cité interdite » et d'emprunter la porte de secours...

À tâtons, il parvient à trouver le pommeau de la porte qu'il ouvre avec un soupir de soulagement pour s'élancer dans une travée séparant deux rangées de trois lits. Celui de Mélisse est vide. Les cinq autres sont occupés par des fantômes.

Les disparus

– Dans cette pièce ! leur a dit Alexandra.

– En es-tu certaine ? a demandé Martin.

– Je l'entends... Dans mon esprit ! Mélisse m'appelle...

– Dans votre esprit ? a repris Seignolles.

– Puisqu'elle te le dit..., l'a tancé Souad.

– Mais tu vois bien, a repris Martin, ce n'est qu'une buanderie ! Il n'y a aucune autre porte...

– Elle est derrière ce mur... Là ! Et... Mon Dieu !

– Quoi ?

– Avec elle... Tout autour d'elle...

– Quoi ? a répété Martin en criant presque.

– Il y a la mort !

– Il doit exister une issue dissimulée... Cherchez, bon sang, cherchez partout ! Allumez votre lampe-torche, Luc ! Fouillez-moi le moindre recoin de cette foutue pièce...