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À la fenêtre de sa cuisine, Deborah Cooper observait les bois. Soudain, il lui sembla y apercevoir du mouvement. Elle regarda plus attentivement, et vit une fille qui courait à toute allure, poursuivie par un homme. Elle se précipita sur le téléphone et composa le numéro de la police.

Travis venait de s’arrêter sur le bas-côté de la route lorsqu’il reçut l’appel de la centrale : une jeune fille avait été aperçue près de Side Creek Lane, apparemment poursuivie par un homme. L’officier confirma réception de la réquisition et fit aussitôt demi-tour en direction de Side Creek Lane, gyrophares enclenchés et sirène hurlante. Après un demi-mile, son regard fut attiré par un reflet lumineux : un pare-brise ! C’était la Chevrolet noire, dissimulée dans les fourrés ! Il s’arrêta et s’approcha du véhicule, l’arme à la main : il était vide. Il retourna immédiatement à sa voiture et fonça jusque chez Deborah Cooper.

Ils s’arrêtèrent près de la plage pour reprendre leur souffle.

— Tu crois que c’est bon ? demanda Nola à Luther.

Il tendit l’oreille : il n’y avait plus aucun bruit.

— On devrait attendre un peu ifi, dit-il. On est à l’abri dans la forêt.

Nola avait le cœur qui battait fort. Elle pensait à Harry. Elle pensait à sa mère. Sa mère lui manquait.

— Une fille en robe rouge, expliqua Deborah à l’officier Dawn. Elle courait en direction de la plage. Il y avait à ses trousses un homme. Je n’ai pas bien vu. Mais il était plutôt costaud.

— Ce sont eux, dit-il. Puis-je utiliser votre téléphone ?

— Bien entendu.

Travis appela le Chef Pratt chez lui.

— Chef, je suis désolé de vous déranger en congé, mais j’ai une drôle d’affaire. J’ai surpris Luther Caleb à Aurora…

— Encore ?

— Oui. Sauf que cette fois, il a fait monter Nola Kellergan dans sa voiture. J’ai essayé de l’intercepter mais il m’a semé. Il s’est enfui dans les bois, avec la petite Nola. Je crois qu’il s’en est pris à elle, Chef. La forêt est dense, et seul, je ne peux rien.

— Nom de Dieu. T’as bien fait d’appeler ! J’arrive tout de suite.

— Nous irons au Canada. J’aime le Canada. Nous habiterons une jolie maison, au bord d’un lac. Nous serons si heureux.

Luther sourit. Assis sur un tronc mort, il écoutait les rêves de Nola.

— F’est un beau projet, dit-il.

— Oui. Quelle heure as-tu ?

— Il est presque dix-huit quarante-cinq.

— Alors il faut que je me mette en route. J’ai rendez-vous à dix-neuf heures, chambre 8. De toute façon, nous ne risquons plus rien maintenant.

Mais à cet instant, ils entendirent des bruits. Puis des éclats de voix.

— La police ! paniqua Nola.

Le Chef Pratt et Travis fouillaient la forêt ; ils en longeaient l’orée, près de la plage. Ils avançaient dans les bois, la matraque à la main.

— Va-t’en, Nola, dit Luther. Va-t’en, moi ve resterai ifi.

— Non ! Je ne peux pas te laisser !

— Va-t’en, bon sang ! Va-t’en ! Tu auras le temps d’aller au motel. Harry fera là ! Fuyez vite ! Fuyez le plus vite poffible. Fuyez et foyez heureux.

— Luther, Je…

— Adieu, Nola. Fois heureuve. Aime mon livre comme v’aurais voulu que tu m’aimes.

Elle pleurait. Elle lui fit un signe de la main et disparut entre les arbres.

Les deux policiers avançaient d’un bon pas. Au bout de quelques centaines de mètres, ils aperçurent une silhouette.

— C’est Luther ! beugla Travis. C’est lui !

Il était assis sur la souche. Il n’avait pas bougé. Travis se précipita sur lui, et le saisit au collet.

— Où est la gamine ? hurla-t-il en le secouant.

— Quelle gamine ? demanda Luther.

Il essaya de compter dans sa tête le temps qu’il faudrait à Nola pour arriver au motel.

— Où est Nola ? Que lui as-tu fait ? répéta Travis.

Comme Luther ne répondait pas, le Chef Pratt, venant par-derrière, lui attrapa une jambe et, décochant un très violent coup de matraque, lui brisa le genou.

Nola entendit un hurlement. Elle stoppa net sa course et tressaillit. Ils avaient trouvé Luther, ils le battaient. Elle hésita une fraction de seconde : elle devait rebrousser chemin, elle devait aller se montrer aux agents. Ce serait trop injuste que Luther ait des ennuis à cause d’elle. Elle voulut retourner vers la souche, mais soudain elle sentit une main qui lui attrapa l’épaule. Elle se retourna et sursauta :

— Maman ? Dit-elle.

Les deux genoux cassés, Luther gisait au sol, gémissant. Tour à tour, Travis et Pratt lui donnaient des coups de pied et de matraque.

— Qu’as-tu fait à Nola ? criait Travis. Tu lui as fait du mal ? Hein ? T’es un putain de détraqué, c’est ça ? T’as pas pu t’empê-cher de lui faire du mal !

Luther hurlait sous les coups, suppliant les policiers d’arrêter.

— Maman ?

Louisa Kellergan sourit tendrement à sa fille.

— Qu’est-ce que tu fais ici, ma chérie ? demanda-t-elle.

— Je me suis enfuie.

— Pourquoi ?

— Parce que je veux rejoindre Harry. Je l’aime tellement.

— Tu ne dois pas laisser ton père tout seul. Ton père serait trop malheureux sans toi. Tu ne peux pas partir comme ça…

— Maman… Maman, je suis désolée pour ce que je t’ai fait.

— Je te pardonne, ma chérie. Mais tu dois arrêter de te faire du mal, maintenant.

— D’accord.

— Tu me le promets ?

— Je te le promets, Maman. Que dois-je faire, maintenant ?

— Rentre auprès de ton père. Ton père a besoin de toi.

— Mais, et Harry ? Je ne veux pas le perdre.

— Tu ne le perdras pas. Il t’attendra.

— C’est vrai ?

— Oui. Il t’attendra jusqu’à la fin de sa vie.

Nola entendit encore des cris. Luther ! Elle courut à toutes jambes jusqu’à la souche. Elle cria, elle cria de toutes ses forces pour que les coups cessent. Elle surgit d’entre les fourrés.

Luther était étendu, mort. Debout devant lui, le Chef Pratt et l’officier Travis regardaient le corps, hagards. Il y avait du sang partout.

— Qu’avez-vous fait ? hurla Nola.

— Nola ? dit Pratt. Mais…

— Vous avez tué Luther !

Elle se jeta sur le Chef Pratt, qui la repoussa d’une gifle. Elle saigna immédiatement du nez. Elle tremblait de peur.

— Pardon, Nola, je ne voulais pas te faire de mal, balbutia Pratt.

Elle recula.

— Vous… Vous avez tué Luther !

— Attends, Nola !

Elle s’enfuit à toutes jambes. Travis essaya de la rattraper par les cheveux ; il lui arracha une poignée de mèches blondes.

— Rattrape-la, bon Dieu ! hurla Pratt à Travis. Rattrape-la !

Elle fila entre les taillis, écorchant ses joues, et traversa la dernière rangée d’arbres. Une maison. Une maison ! Elle se précipita vers la porte de la cuisine. Son nez saignait toujours. Elle avait du sang sur le visage. Deborah Cooper lui ouvrit, paniquée, et la fit entrer.

— À l’aide, gémit Nola. Appelez des secours.

Deborah se précipita de nouveau sur le téléphone pour prévenir la police.

Nola sentit une main lui obstruer la bouche. D’un geste puissant, Travis la souleva. Elle se débattit, mais il la serrait trop fort. Il n’eut pas le temps de ressortir de la maison : Deborah Cooper revenait déjà du salon. Elle poussa un cri d’effroi.

— Ne vous inquiétez pas, balbutia Travis. Je suis de la police. Tout va bien.