Выбрать главу

— Bon, je suis avec vous. Après tout, ils ont commencé.

— Bravo !

Les quatre guerriers n’étaient plus qu’à une trentaine de mètres. Soudain, l’un d’eux indiqua le buisson, épaula. Un coup de feu claqua à côté de Stella, puis un autre. Alors, à son tour, elle tira. Là-bas, trois des indigènes gisaient au sol, le quatrième fuyait. Une balle de Téraï le rattrapa.

Avec précautions – l’ennemi rusait peut-être – le géant sortit du ravin, s’avança vers les Umburus, Léo sur ses talons. Deux d’entre eux étaient morts, les autres gravement blessés. Téraï se pencha, machette en main.

— Arrêtez ! Vous n’allez pas les achever ?

— Si.

— Je m’y oppose !

Il se retourna, un éclair de colère dans les yeux, puis haussa les épaules.

— Comme vous voudrez. Ils seront bouffés par les fauves, cette nuit.

— Laissez-les courir leur chance ! Peut-être leurs camarades les trouveront-ils en rentrant de la chasse ?

— Peut-être, en effet. Dépêchons-nous !

Il ramassa un fusil, l’examina.

— Le salaud qui les leur a donnés a meulé la marque de fabrique, mais il est des détails techniques qui ne trompent pas un expert ! Ce sont des Massetti, usine de Milan, à répétition et haute vitesse initiale. Bigre !

Il photographia les trois autres armes, les déchargea, brisa la crosse contre une pierre et, avec son marteau de géologue, déforma les culasses mobiles.

— Personne ne s’en servira plus ! Filons !

Ils marchèrent sous le soleil encore haut, se cachèrent dans un fourré en attendant la nuit Manque ponctuation

– Où est donc Léo ?

— Il va nous rejoindre.

Effectivement, le superlion parut bientôt, et Stella vit avec dégoût qu’il avait du sang à la bouche.

— Vous… vous les avez fait achever par votre bête !

— Oui, et après ? Nous ne sommes pas sur Terre ici, mademoiselle ! Croyez-moi, je connais la règle du jeu !

— Vous n’êtes qu’un sauvage !

— Mais oui ! C’est pour cela que j’ai survécu, parmi les sauvages de ce monde. Si je les avais épargnés, la tribu aurait pensé que j’avais peur, et c’était fini, ma peau ou la vôtre n’aurait plus valu cher, même chez mes amis Ihambés.

— Je… Je…

— Vous auriez mieux fait de rester sur Terre ? Certes ! Mais vous êtes ici pour voir des sauvages. Eh bien, je vous les montre ! Maintenant, taisez-vous.

Elle bouda, renfrognée, jusqu’au crépuscule. Ils partirent. La nuit était noire, les lunes n’étaient pas encore levées. Ils filèrent dans la brousse, sous la conduite de Léo. Loin, à gauche et à droite, une faible lueur rougeâtre indiquait les grands feux communautaires et, de temps en temps, des roulements de tam-tam trouaient le silence. Téraï se hâtait, sens tendus, scrutant l’ombre. Deux fois il les fit s’arrêter et, accroupis sous des broussailles, ils virent passer près d’eux des ombres furtives.

— Rendez-vous d’amoureux, expliqua-t-il à la jeune fille. Les deux villages sont exogamiques, chaque jeune doit épouser un jeune de l’autre clan.

Petit à petit, ils laissèrent les lueurs derrière eux, un bruit d’eau courante se fit entendre.

— Le Bosu ! D’ici à quelques minutes, nous serons sauvés, je pense !

La rive était haute, plantée d’arbres, et ils se faufilèrent dans leurs ombres, projetées par Anthia, la plus grosse des lunes, qui venait de se lever. Téraï indiqua une longue ligne noire perpendiculaire à la rive.

— Le wharf de la pêcherie commune. Nous allons y voler un bateau.

Personne ne gardait les pirogues. Téraï choisit une petite embarcation effilée, qui avait l’air instable, mais rapide.

— Montez ! Toi aussi, Léo !

Le superlion hésitait, peu pressé de quitter la terre ferme. Il finit par se décider et s’accroupit au fond. Le géologue prit une pagaie, Akoara une autre, et ils descendirent le courant. Trois heures plus tard, Téraï montra du bras une immense nappe d’eau qui luisait sous les lunes.

— L’Iruandika ! Nous sommes sauvés !

CHAPITRE V

SOUS LA TENTE DE PEAU

Stella se réveilla brusquement, repoussa la couverture de fourrures. Par l’ouverture triangulaire, elle apercevait la vallée et la place de terre battue autour de laquelle les tentes de peaux étaient rangées en cercle. Bariolées de couleurs vives, elles lui rappelèrent l’imagerie de son enfance, les histoires de l’Ouest américain. Elle sortit.

Le soleil, déjà haut dans le ciel, avait dépassé le sommet des falaises dans lesquelles se creusaient les grottes. Seuls, trois petits enfants jouaient au pied du grand totem, si semblables à des enfants humains qu’elle eut peine à croire qu’ils appartenaient à une autre espèce, qu’ils n’étaient que le fruit d’une évolution convergente.

Les Terriens étaient arrivés tard dans la nuit. Téraï avait guidé la pirogue vers une crique secrète dissimulée sous les branches basses, où étaient amarrées les embarcations des Ihambés. Ils avaient suivi un sentier entre les arbres, laissant derrière eux le bruit de l’Iruandika, marché longtemps. Puis Téraï s’était arrêté, avait poussé trois coups de sifflet modulés, auxquels d’autres avaient répondu comme un écho. Un homme était sorti de l’ombre et, après une conversation en langue indigène, ils étaient repartis et, au bout d’une demi-heure étaient arrivés au camp du clan Téhé du peuple ihambé. Epuisée, Stella s’était endormie immédiatement.

Un vieillard sortit d’une des tentes et la regarda avec méfiance. Sous le front plissé de rides, les yeux jaunes avaient gardé un éclat cruel. Mal à l’aise, elle désira la présence du géologue.

— Où est Téraï Laprade ? demanda-t-elle, se sentant stupide.

A sa vive surprise, il sembla comprendre.

Rossé Moutou ? Yeio !

Le bras desséché se tendit vers un des wigwams. Une peau d’animal pendait et fermait l’entrée.

— Laprade !

Rien ne répondit. Elle souleva le rideau et entra.

Il dormait encore, un énorme bras nu sortant de sous la couverture. Elle allait se retirer, se sentant indiscrète, quand un faible bruit attira son attention de l’autre côté de la tente. Une jeune femme indigène s’y affairait, cousant des vêtements de cuir avec une aiguille en os. Elle se leva, s’avança vers la Terrienne. Aussi grande que Stella, elle lui parut parfaitement humaine. Sous les cheveux de jais, tressés en lourdes nattes, le visage était régulier, les yeux noirs et larges, le nez fin et bien dessiné. Mais les dents, à demi visibles dans le sourire, étaient trop petites et trop nombreuses, et les canines dépassaient légèrement les autres dents, donnant à ce sourire quelque chose de carnassier. Elle répandait une faible odeur épicée.

— Moi, Laélé, dit-elle en un français hésitant. Toi, qui ?

— Stella Henderson.

— Toi, femme à lui ? (Elle montrait Téraï.)

— Non ! Amie seulement !

— Moi, femme à lui.

Le sourire s’élargit encore.

— Si toi, amie à lui ; toi, amie à moi.

Stella resta sidérée. C’était donc vrai, ce qu’on disait de Téraï, à Port-Métal, qu’il vivait avec une femme indigène, une non-humaine ! Elle la regarda avec horreur. Un bâillement monstrueux la fît se retourner. Téraï s’était éveillé.

— Vous avez fait connaissance ? Parfait ! Laélé pourra vous montrer des choses de femmes, ce que je ne pourrais faire.