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La jeune fille qui souriait au capitaine s’approcha.

— Elle sera particulièrement chargée de vous, Stella. Elle est née à Port-Métal, et comprend et parle l’anglais. Elle va vous conduire à vos appartements.

— Venez, Altesse, dit-elle clairement.

Stella la suivit à travers un corridor dallé de marbre bigarré, aux murs de pierre blanche qui abritaient dans des niches de curieuses statues humaines ou animales, franchit une porte de bois noir et pénétra dans la chambre qui devait être la sienne. Grande, rectangulaire, elle donnait sur un atrium à jet d’eau central. Un lit bas, aux pieds de bois sculptés en têtes de fauves, des tentures de tissus multicolores aux murs, une table carrée, deux chaises et un tapis épais formaient tout l’ameublement. Mais à côté, une pièce plus petite offrait une piscine de quelques mètres carrés, un grand miroir de bronze poli et une sorte de coiffeuse. Dans un renfoncement du mur pendaient des vêtements kénoïtes.

— Le maître espère que cet appartement vous conviendra. Si vous avez besoin de moi, frappez ce gong.

— Restez, Ténou-Sika.

— Comme son Altesse voudra.

— Ne m’appelez pas ainsi, cela me gêne. Je voudrais prendre un bain. Avez-vous du savon ?

— Oui, qui vient de la Terre. Dans cette boîte rouge.

Elle se déshabilla, plongea avec délice dans l’eau fraîche.

— Il y a une semaine que je n’avais eu ce plaisir ! On ne peut se baigner dans l’Iruandika.

— Oh non, maîtresse ! Il y a trop de milous et de spirous !

— Dites-moi, Ténou… Puis-je vous appeler ainsi ? Je suis d’un peuple qui n’aime pas les noms trop longs…

— Alors, c’est Sika qu’il faut dire.

— Dites-moi donc, Sika, avez-vous été esclave ?

— Hélas oui ! J’ai été capturée, quand j’étais très jeune par un raid de bogals, les bandits des collines à l’ouest de Port-Métal, et vendue sur le marché de Tem-beg-Ha. Heureusement, mon maître n’était pas méchant. Je n’ai été fouettée que deux fois.

— Fouettée !

— Oui, j’avais volé du sirop de tinda aux cuisines. Puis mon maître est mort, et j’ai été revendue à un marchand d’esclaves qui m’a amenée à Kintan. Là, Rossé Moutou m’a achetée. J’ai eu peur, il paraissait si grand, si terrible ! Mais à peine étions-nous arrivés dans sa maison qu’il m’a libérée !

— Et vous êtes restée chez lui ?

— Mes parents sont morts, tués par les bogals. A Port-Métal, je n’aurais su que faire. Ici, je suis bien traitée, bien payée.

— Et tous vos compagnons sont libres aussi ?

— Oui, le maître ne veut pas d’esclaves. Il dit que c’est mal de vendre des hommes.

— Et qu’en pensez-vous ?

— Il m’est difficile de lui donner tort ! Y a-t-il des esclaves sur Terre ?

— Grand Dieu, non ! Il y en a eu, autrefois, il y a longtemps.

— Alors la Terre doit être une bonne planète, bien que le maître ne l’aime pas. Mais non, il ne peut pas avoir tort. Il doit y avoir d’autres choses mauvaises !

Stella rit.

— Oui, il y en a. De bonnes aussi. Vous admirez beaucoup M. Laprade, n’est-ce pas ?

— Ce n’est pas un homme, maîtresse ! C’est un demi-dieu ! Il peut tuer un guerrier d’un coup de poing ! Il peut courir plus vite qu’aucun autre, porter des poids deux fois plus lourds, et il sait tout ! IL…

— Il est en effet assez extraordinaire. Et que pensez-vous de sa femme et de ses amis ?

Sika prit un air craintif.

— Puis-je parler librement ? La maîtresse ne le dira pas au maître ?

— Je vous le promets.

— Je ne connais pas la maîtresse Laélé. Les autres… les autres, ce sont des sauvages ! Oh, je ne critique pas le maître ! Il a là une bonne escorte. Ici, tout le monde a peur des Ihambés.

— Pourquoi ? Attaquent-ils Kéno ?

— Non, plus maintenant, plus depuis que le maître est parmi eux. Avant, ils brûlaient les villages, tuaient les hommes, enlevaient les femmes ! Oh, les Kinfous, au nord, sont pires, bien sûr ! Ils ne combattent pas ouvertement, à moins d’être les plus nombreux.

— Et ce capitaine à qui vous parliez ?

La jeune kénoïte rougit.

— Il veut m’épouser.

— Et vous ?

— Je voudrais bien, mais je n’ose pas.

— Pourquoi donc ?

— Si je quitte le service du maître, je ne veux pas rester à Kintan. Il y a de mauvaises choses ici, maintenant Et Tika est obligé d’y rester, jusqu’à ce qu’il devienne capitaine en chef. Alors, il pourra commander une province sur la frontière nord, et là, je le suivrai volontiers.

— En face de ces terribles kinfous ?

— Il y a de mauvaises choses ici, maintenant. Tant que le maître est là, je n’ai pas peur. Mais sans sa protection, je ne voudrais plus y vivre. S’il veut vous en parler, il le fera.

— Et d’avoir été esclave n’empêche pas votre mariage avec un officier ?

— Non. Pourquoi ? Je suis née libre et je suis libre.

— Eh bien ! Sika, bonne chance. Aidez-moi à me sécher.

— Vous ne pouvez pas remettre ces vêtements, maîtresse, ils sont sales et déchirés. Je vous en ferai faire d’autres, identiques, si vous voulez. Mais j’ai ici tout ce qu’il faut pour vous habiller, si vous acceptez de porter notre costume.

— J’en avais beaucoup d’autres ! Hélas ! ils doivent faire l’amusement de quelque femme umburu !

— Vous avez traversé le pays umburu ? Avec le maître ?

— Oui, et j’y ai perdu tous mes bagages.

— Sans lui, vous auriez perdu la vie ! Voici quelque chose qui vous ira tout à fait.

Elle présenta à Stella une longue bande de fin tissu vert pâle, qu’elle enroula prestement autour de son corps, et fixa avec quelques épingles de bronze.

— Laissez-moi vous peigner maintenant. Vous avez des cheveux comme de l’or rouge ! Personne ici n’a de tels cheveux. Pourquoi sont-ils si courts ?

— C’est la mode chez nous.

— Quel dommage ! Vous avez la peau si blanche, et vous êtes si grande. Pourquoi le maître ne vous a-t-il pas choisie, au lieu d’une sauvage ?

Tout en parlant, elle coiffait Stella, lui passait sur la peau du visage une huile douce, à faible odeur d’amande amère.

— Voilà. Vous êtes plus belle que la femme de l’empereur.

Elle se regarda dans le miroir. Le roulé-drapé mettait en valeur sa silhouette, ses cheveux avaient été arrangés en torsade autour de sa tête, et elle fut obligée de reconnaître que, même dans une réception à New York, elle aurait eu fière allure. Sika lui passa autour du cou un collier de pierres vertes, dans lesquelles elle reconnut avec étonnement des émeraudes mal taillées, mais magnifiques.

— C’est un cadeau du maître.

— Je ne puis accepter ! Ces pierres valent une fortune sur Terre !

— Ici aussi, mais le maître est très riche.

— Vous êtes prête, Stella ?

La voix tonnante de Téraï retentit derrière la porte.

— Oui, entrez !

Il siffla, s’inclina.

— Salut, princesse barbare !

— Merci, mais je ne puis accepter votre cadeau.

No strings attachée ! Vous ne me devez rien pour loi.

— C’est de la folie…

— Bah, j’en ai quelques dizaines de kilos. Un coup de chance, il y a trois ans, dans les monts Khounava. Un gîte fantastique ! Dommage que les joailliers indigènes soient si mal équipés pour les tailler. Levy et Jacobson, à New York, vous arrangeront ça. Allez, venez dîner. Il faut que je vous parle, ensuite.