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Testis unus…

Téraï ricana.

— Tiens, on vous a enfourné du latin, à vous aussi ? Témoin nul, je suppose, même s’il s’agit de miss Stella Henderson, la fille de votre grand patron ?

Il la désigna de la main. Le jeune homme se tourna vers elle.

— Est-ce vrai, miss ?

Il le semble, hélas !

Le pilote parut ébranlé, mais s’adressant de nouveau à Téraï :

— Qui me prouve que c’est là miss Henderson ?

— Vous avez vos papiers, Stella ? Monsieur est sceptique ! Allons, montrez-les lui. Ensuite, il me montrera les siens, car je tiens à savoir à qui je vais vous confier.

— Comment cela ?

— Vous pouvez être à Port-Métal en quelques heures, avec cet hélico. Je ne pourrais être sûr de vous reconduire à temps pour l’astronef courrier. Vous serez sur Terre dans un mois.

— Et vous serez débarrassé de moi plus vite, n’est-ce pas ?

Il eut l’air peiné.

— Croyez bien que j’aurais préféré… Mais ici tout est fluide encore pour longtemps, et je ne puis plus perdre de temps à vous protéger, puisque cela n’est plus nécessaire. Allons, Stella, quittons-nous bons amis… si vous le pouvez. Plus tard, peut-être…

— Soit. Je reverrai la Terre avec plaisir.

— Il est possible que j’y vienne bientôt. Je passerai vous prendre à votre canard, et nous déjeunerons ensemble. Je connais un petit restaurant, dans le sud-ouest de la France, où l’on fait encore la cuisine comme au vingtième siècle, et où on boit du vin vraiment bon. Alors, amis ?

Elle lui tendit la main, et il la prit.

— Je vois qu’il faut que je prépare mes maigres bagages. Lâchez ma main, sinon je croirai que vous ne voulez pas que je parte !

Elle disparut dans la maison. Téraï redonna son attention à l’homme, le jaugeant du regard. Jeune, grand, mince, presque dégingandé, il était sympathique.

— Votre nom ?

— John Mac Lean.

— Ecossais ?

— Non, Canadien. Géologue-prospecteur.

— Depuis longtemps ici ?

— Un mois.

— Pour le BIM ?

— Oui. J’y suis depuis trois ans. Avant de venir ici, j’ai travaillé sur Ophir II. Vous êtes bien Téraï Laprade ?

— Risque-t-on vraiment de me confondre avec un autre ?

— Non, en effet. J’ai les amitiés de Lawrence Douglass et de Jules Thibault à vous transmettre. Je les ai rencontrés là-bas. Nous avons fait équipe durant sept mois.

— Où ?

— Montagnes du Destin.

— Sale coin. La carte ?

— Oui.

— C’est moi qui l’ai commencée, dit rêveusement Téraï. Il y a bien longtemps. Eh bien, voici miss Henderson. Ramenez-la saine et sauve à Port-Métal, et si vous m’en croyez, ne vous attardez pas sur Eldorado. D’ici peu, ce sera l’enfer. Où prospectez-vous habituellement ?

— Versant Est des Karamélolé.

— Chez les Bihoutos ? Si vous êtes menacé, et que vous ayez le temps de parlementer, dites que vous me connaissez, et demandez le chef Oboto. Qui sait, cela vous donnera peut-être une chance de vous en tirer.

— Mais que vais-je dire, au sujet de la situation à Kintan ?

— Que j’ai exécuté Bommers, que j’ai les preuves en main, et que j’en ferai autant si d’autres viennent. Au revoir, Mac Lean, et bonne chance.

Téraï aida Stella à monter dans l’hélico. La porte glissa, la cachant, et il ne vit plus que son visage, ses lèvres qui remuaient essayant de lui dire quelque chose que le bruit des rotors couvrit. L’engin décolla gracieusement, prit de la hauteur, disparut dans le bleu du ciel. Et Téraï, subitement, se sentit très seul.

CHAPITRE IV

DALILA

Mélancoliquement, Téraï glissa dans une enveloppe les quelques photos trouvées dans le bureau d’Igricheff, la scella, écrivit l’adresse à la main. Stanislas n’avait qu’une sœur, en Ukraine, ingénieur dans une usine métallurgique. Elle n’était pas mariée, à 45 ans… Cette branche des Igricheff allait s’éteindre. Dommage, Stan avait été un homme, un vrai, et ils se faisaient rares.

On sonna à la porte du bureau. Téraï tira son revolver de sa gaine, le posa sur sa table, derrière des livres. Depuis son retour à Port-Métal, il se méfiait. Ses amis les prospecteurs étaient maintenant dispersés dans tous les piémonts des Franklin ou des Karamélolé, et la police de Port-Métal, la police du BIM, le laisserait joyeusement assassiner sans faire un geste. Bien heureux encore s’ils n’en prenaient pas l’initiative !

— Va voir, Léo !

Le lion leva sa tête rousse, le regarda, bâilla paresseusement et, après s’être étiré, se dirigea vers la porte. Téraï appuya sur le bouton commandant l’ouverture. Un jeune homme, vêtu d’un uniforme bleu, eut un mouvement de recul devant le fauve.

— La paix, Léo ! Entrez, n’ayez pas peur.

— Monsieur Laprade ? J’ai du courrier officiel pour vous, à remettre en mains propres. J’en ai profité pour vous apporter les autres lettres en même temps. Je me présente : Louis Barrière, fourrier sur le « Jules César ».

— Vous êtes déjà là ? Le Jules était annoncé pour après-demain seulement.

— Nous avons sauté l’escale de Tinho. Ça bagarre, là-bas, entre miniers et indigènes. Trois navires du BIM apportent des renforts. La planète est close provisoirement.

— Et que fait le BUX ? interrogea Téraï, intéressé.

— Que voulez-vous qu’il fasse ? Il a été averti trop tard, comme d’habitude. Quand son croiseur arrivera, tout sera fini, rentré dans l’ordre, selon l’expression consacrée.

— Ouais ! Evidemment !

Il haussa les épaules, accepta les plis que lui tendait le jeune homme en même temps qu’une liasse épaisse de journaux.

— Eh bien, merci. Quelle est votre destination maintenant ?

— Subur V. Puis la Terre, direct.

— Alors, prenez cette lettre, à remettre au premier bureau du BUX, qui se chargera de l’acheminer.

— Courrier officiel ?

— Oui, un des leurs s’est fait descendre ici. C’était aussi mon ami.

Le messager reparti, Téraï décacheta son courrier. Quelques missives de Polynésie, apportant le souvenir d’amis d’enfance, une du Canada, deux de France, une aussi de Ramakrishna, annonçant la promesse d’un succès dans la recréation de la race des superlions.

— Patience, Léo ! Dans trois ou quatre ans, tu pourras avoir une compagne !

Il prit enfin le pli cacheté aux initiales du Bureau de Xénologie, l’introduisit dans la fente du désactivateur, régla l’appareil. Dans dix minutes, il pourrait décacheter l’enveloppe sans qu’elle ne s’enflamme. En attendant, il ouvrit un journal, déçu. Il avait espéré une lettre de Stella.

Il s’absorba dans le New York Herald vieux de trente jours, parcourut les numéros les uns après les autres. Rien ne concernait Stella et son voyage sur Eldorado. Il prit la deuxième liasse, L’Intermondial, auquel il s’était abonné avant de quitter Port-Métal avec la jeune fille, se promettant un doux plaisir à lire le récit de ses aventures.

Il chercha vainement les articles promis. Rien, sauf dans le dernier, paru la veille du départ du « Jules César ». Une immense manchette lui sauta aux yeux : La vérité sur Eldorado. Il s’y plongea immédiatement.

« Nos lecteurs savent qu’un envoyé spécial de l’Intermondial, miss Stella Henderson, vient de passer trois mois sur Eldorado. Très fatiguée par son voyage et ses aventures, miss Henderson fait actuellement une cure de sommeil. Mais, avec un sens du métier de journaliste qui lui fait honneur, elle a voulu auparavant écrire cet article. Voici, de la main de quelqu’un qui connaît la question pour l’avoir étudiée sur place, la vérité sur Eldorado. »