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— Je suis heureux de vous voir, Laprade, dit-il d’une voix de basse. Et j’espère que vous ressortirez d’ici comme un agent à plein temps de notre organisation. Nous avons désespérément besoin d’hommes de votre envergure !

— Vous connaissez mon point de vue, monsieur le directeur, et il n’a pas…

— Pas de monsieur le directeur entre nous, Laprade. Ça ne se fait pas ici. Avant d’être assis dans ce fauteuil, j’ai été moi-même un agent, et j’ai eu ma part d’aventures !

Il coupa d’un geste la réplique de Téraï.

— Je sais ce que vous allez me dire. Ne perdons pas de temps. J’ai lu votre rapport, le dernier que nous a envoyé Igricheff, mais depuis, il s’est sans doute passé pas mal de choses.

Téraï parla longtemps, répondant aux questions précises du vieux Noir.

— Ainsi, vous considérez la situation sur Eldorado comme très tendue ?

— Tendue serait un euphémisme, Nokombé ! Eldorado est un tonneau de poudre avec une mèche allumée, et il ne reste plus beaucoup de mèche à brûler avant l’explosion !

— Sans doute, mais qu’y pouvons-nous ? Nous ne sommes pas prêts pour la grande explication avec le BIM. J’ai peur qu’il ne faille sacrifier cette planète pour quelque temps.

— Qu’est-ce qu’une planète, n’est-ce pas ? La galaxie en grouille ! Mais il se trouve que pour moi, elle compte, Nokombé ! Et elle peut être sauvée !

— Il y a longtemps que vous n’êtes venu sur Terre. Vous n’êtes plus au courant, et je vais vous y mettre en quelques mots : le véritable gouvernement mondial, celui qui possède la puissance, c’est le BIM ! Pas autre chose. Tout ce que nous pouvons faire actuellement, c’est saper sa puissance, tout en construisant la nôtre. Tenez, regardez ça.

Il lui tendit une boîte métallique dans laquelle se trouvaient deux objets de métal, corrodés, mais indiscutablement identiques. Téraï lut les étiquettes attachées : l’une portait GC 18-765 – IV, l’autre GC 21-203 – VIII.

— Deux objets identiques sur deux planètes appartenant à des secteurs différents ? Cela signifie que…

— Qu’il y a une autre race que la nôtre qui rôde entre les étoiles ? Oui et non. Ce sont des faux, Téraï ! Des faux, que nous avons fabriqués, le produit de nuits de veilles de nos experts en Xénologie. Ils furent posés par deux de nos scouts sur des mondes inconnus et inhabités. Nous y avons construit des ruines assez semblables. Le plus difficile a été de truquer les autres objets, ceux en matière organique, pour que le radiocarbone semble leur donner une antiquité d’environ 1 500 ans. Un joli travail de séparation isotopique et de synthèse dirigée. Tureau, Grober et Sugihara ont passé deux ans à faire joujou avec les atomes !

— Et pourquoi tout cela ?

— Un des objets a été… trouvé par une de nos expéditions. L’autre par les archéologues apprivoisés du BIM. Vous savez qu’ils se donnent le luxe du mécénat. Pourquoi ? Eh bien ! avec ces « preuves » en main, j’ai obtenu du gouvernement assez de crédits pour construire une flotte puissante, sans que le BIM ne puisse se mettre en travers. Seulement, voilà, elle ne sera prête que dans un an !

— Et rien n’a transpiré ?

— Rien. Je sais choisir mes hommes ! Et si je vous dis tout cela, Téraï, c’est que je suis aussi sûr de vous… pour le moment.

— Je puis être pris et drogué.

— Pas après le traitement que vous allez subir avant de quitter cet immeuble ! Rien au monde ne peut briser le bloc mental que nous allons installer dans votre esprit. Si par hasard votre volonté défaillait, couic, fini, plus rien !

Téraï se leva d’un bond.

— Vous m’avez attiré dans un piège, vous…

— Asseyez-vous ! Vous avez un autre choix, celui de l’éraseur de mémoire.

— Ouais ! Et vous croyez que je vais me soumettre à vos hypnotistes, pour me retrouver agent plein, assermenté, dévoué jusqu’à la mort au BUX, et content par-dessus le marché ! Non, je préfère courir le risque du bloc !

— Il est posthypnotique aussi. Mais je vous donne ma parole que rien ne sera fait qui puisse altérer votre liberté de décision !

— Votre parole ! Après ce piège !

Le vieux Noir eut subitement l’air très las.

— Ecoutez-moi, Téraï ! Tout est en jeu, tout ! L’avenir de la Terre, de ses alliés, des mondes que nous découvrirons ! Contre cela, que pèse ce qui peut se passer pendant un an sur Eldorado, puisque, de toute manière, cette planète partagera le sort commun ! Tenez, si vous acceptez de travailler avec nous, je vous donne carte blanche pour cet Eldorado qui vous tient tant à cœur. Si vous trouvez un moyen de bloquer le BIM dans cette entreprise sans faire sauter la mine un an trop tôt, allez-y, vous avez ma bénédiction ! Mais ce sera difficile. Le peuple est très excité à ce sujet. C’est une bonne chose, d’un côté, qu’il se réveille de son sommeil, sur ses lits de chrome et d’or ! Cela nous servira, plus tard. Mais en attendant, après les articles, après les films de miss Henderson, Eldorado et ses habitants ont mauvaise presse ici, et je ne peux rien faire. Un coup de maître, ce voyage de la petite Henderson ; Nul doute que le Parlement ne vote la charte ouverte !

— La petite garce ! Elle m’a bien eu ! Mais on peut combattre, rétablir la vérité !

— Essayez, et vous m’en direz des nouvelles ! Quant à vous avoir eu… Il y a quelque chose de curieux dans cette affaire Stella Henderson. Nul ne l’a plus revue depuis la réception donnée pour son retour. Nous avons un agent au BIM, il a été incapable de nous renseigner. Officiellement, elle fait une cure de repos dans un somnarium. Officiellement…

— Que voulez-vous dire ?

— Peut-être a-t-elle été jouée, elle aussi ? Ou peut-être a-t-elle changé d’avis au cours de son voyage de retour, et a-t-elle finalement refusé de coopérer ?

— Oui, je vois. Et ils auraient utilisé les documents qu’elle a rapportés sans qu’elle n’y soit pour rien ? Peut-être, en effet. Il est évidemment curieux que nul ne l’ait vue depuis… A moins que…

Il la pensa morte, et pâlit.

— Non, je ne crois pas, dit Nokombé, le devinant. Cela, nous l’aurions su. Plutôt est-elle séquestrée dans une cage dorée, ou peut-être, tout simplement, préfère-t-elle oublier un rôle qui, d’après ce que vous m’avez dit, n’a pas été des plus honorables. Peu nous importe, à nous du BUX, du moins.

— Peu m’importe aussi, au fond. Que voulez-vous que je fasse ?

— Rien. Laissez agir le BIM jusqu’à ce que nous soyons les plus forts. Un an, pas plus !

— Vous rendez-vous compte du dégât qu’ils peuvent faire en un an ? S’ils obtiennent la charte ouverte, ils seront les maîtres absolus d’Eldorado. J’y ai des amis, moi !

Nokombé eut un geste d’impuissance.

— Et que proposez-vous donc ?

— De lutter ! Sur Terre, si possible ! Sinon, là-bas ! Je peux tenir plus d’un an contre eux !

— Contre leur flotte ?

— Il y a l’article 7 du règlement interstellaire. S’il y a guerre ouverte entre une compagnie terrestre, ou un gouvernement, et les indigènes d’une planète, cette dernière est déclarée en quarantaine, et les étrangers doivent se retirer jusqu’à conclusion de l’enquête. Que le BIM soit gouvernemental ne change rien à l’affaire.

— L’article n’a pas joué pour…

— Les choses étaient différentes, vous le savez bien ! Thikana appartient à la fédération depuis plus de 60 ans ! Ce n’était plus qu’une opération de police, comme on dit ! Les malheureux !

— Et combien de morts coûtera votre plan, Téraï ? Bien plus que le nôtre !

— Peut-être ! Ce n’est pas sûr ! Vous ne connaissez pas les Eldoradiens ! Le BIM ne soumettra jamais les Ihambés, ni les Kénoïtes, Nokombé ! Elle ne pourra que les exterminer ! Et pas sans mal. Je leur ai donné des armes !