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— Karl Bommers ?

— Oui.

— Vous avez bien fait assassiner mon meilleur ami. Je l’ignorais, ou ne faisais que m’en douter quand j’ai exécuté Bommers, mais cela ne change rien à la chose…

— L’assassinat d’Igricheff n’est pas de mon fait. Un sous-ordre a cru devoir… Il a été puni.

— Ah oui ? Comme Goron ?

— Tiens, vous savez cela, aussi ? Non, cette fois, la punition a été réelle. J’aurais eu besoin de votre associé comme j’ai besoin de vous. Oh ! je peux continuer à me passer de votre aide, et même vous écraser, si besoin est, mais j’aimerais mieux que nous puissions nous entendre. Que diriez-vous si je vous offrais le poste de directeur général du BIM sur Eldorado ? Vous êtes vénéré par les prospecteurs, redouté par mes hommes, frère de sang de plusieurs chefs de tribus indigènes, et, si j’ai bien compris, le nouvel empereur de Kéno est votre créature.

— Mon ami, Henderson !

— Encore mieux. Acceptez-vous ?

— Et quelle politique devrais-je appliquer ?

— La nôtre, bien entendu. Mais avec vous, elle pourrait être appliquée sans douleur.

— Et pourquoi voudriez-vous que je trahisse tout ce qui m’est cher ? Pour de l’argent ? J’en possède plus que je ne puis en utiliser !

— Aussi n’en ai-je point parlé. Ecoutez, Laprade. Vous êtes un homme, un Terrien. La Terre a besoin de métaux. Un jour, sans doute, nous nous heurterons aux Autres, notre empire qui se développe rencontrera le leur. Peut-être plus tôt que vous ne le croyez !

— Ah, vous pensez vous aussi à ce contact futur ?

— Je ne pense qu’à cela ! Il nous faudra être très forts, ce jour-là, que la rencontre soit pacifique ou non. Surtout si elle n’est pas pacifique !

— Avec un empire terrien tel que vous le construisez, elle ne peut pas être pacifique ! Soumettez-vous, ou soyez exterminés. Voilà votre devise !

— Et quand cela serait ? Survival of the fitest ! Qui vous dit que ce n’est pas aussi la devise des Autres ?

— Admettons. Qui vous oblige pour cela à ruiner des planètes sans défense ? A vous faire haïr des indigènes ? Qui vous empêche d’exploiter les gîtes profonds terrestres ? C’est techniquement possible.

Henderson leva les bras au ciel.

— Le point de vue du technicien ! On voit bien que vous n’avez pas la responsabilité de la production minière ! Il est trois fois moins coûteux, avec les transmetteurs de matière, de tirer nos métaux de mondes situés à des années lumière que de gîtes à trois ou quatre kilomètres de profondeur ! Pour le faire, il faudrait abaisser le niveau de vie des Terriens, et bien que, à vrai dire, ils soient passablement avachis, si on touche à leur niveau de vie, nous aurons des émeutes, voire des révolutions !

Survival of the fitest, disiez-vous. J’espère que la rencontre, quand elle aura lieu, sera pacifique ! Si la Terre a ainsi dégénéré, nous serions avalés en un rien de temps !

— Il y a les coloniaux, Laprade. Ils fourniront l’armée. La Terre n’est plus qu’un arsenal, bien qu’il reste sur elle plus d’hommes véritables que je ne viens de le supposer. Mais, certes, pas assez pour que votre projet d’exploitation des gîtes profonds soit possible.

Téraï se gratta la tête. Henderson crut y voir un signe d’hésitation.

— Alors, acceptez-vous ?

— Non, Je serais mal venu parmi les vôtres, et méprisé des miens. Laissez plutôt faire le BUX, et…

— Ce ramassis de rêveurs ?

–… Et d’ici quatre ou cinq générations, la Terre pourra être le centre d’une grande confédération de peuples égaux, d’une puissance telle qu’elle ne risquera plus rien d’une rencontre. En attendant, pourquoi ne pas exploiter des mondes déserts, comme Hell, ou Gustavia ?

— Pas de main-d’œuvre sur place, vous le savez bien ! Et on ne peut transporter toute la machinerie nécessaire par astronefs : trop coûteux ! Et puis, Laprade, ces mondes égaux, comme vous dites, seraient bientôt nos maîtres. Rappelez-vous Rome !

Téraï se leva.

— Je regrette, Henderson. Nous n’avons plus rien à nous dire.

La main d’Henderson se posa sur un bouton rouge sur son bureau.

— Si je sonne, cinq hommes armés entreront, et on ne verra plus Téraï Laprade de longtemps.

— Sonnez ! Avant de venir, je suis passé au BUX. Ils savent où je suis, et si je ne les avise pas (Il consulta sa montre.), d’ici à 10 minutes que je suis sain et sauf, il vous en cuira ! Le gouvernement n’est pas encore complètement entre vos mains !

— Allons, Laprade, quittons-nous correctement, sans menaces d’un côté ou de l’autre. Nous n’avons pas les mêmes vues sur le futur de l’humanité, que cela ne nous empêche pas de nous estimer.

— Entre vous et moi, que signifient les mensonges ? Garde-toi, je me garde, disaient les anciens corses.

Henderson haussa les épaules.

— Soit ! Vous le regretterez !

Gorilla Joe l’attendait dans le couloir, l’air mécontent. Il accompagna Téraï, la main posée sur la crosse de son revolver. Au détour du couloir, un homme se jeta sur eux dans sa hâte.

— Eh bien, que t’arrive-t-il, Ted ? grogna Joe, en l’arrêtant.

— La petite ! Elle s’est échappée !

— Ta gueule !

— Mais le patron doit le savoir tout de suite…

— Et celui-là, il doit le savoir, imbécile ! dit-il en montrant Téraï. C’est notre pire ennemi ! Allez, file ! ajouta-t-il, sortant son arme de l’étui. J’ai peur qu’il ne vous arrive très vite un accident, continuait-il avec un mauvais sourire. Vous en savez trop, maintenant !

— Et si je n’avais pas compris, vos derniers mots m’auraient renseigné ! répondit calmement Laprade. Ainsi, miss Henderson, était bien séquestrée ? Je m’en doutais, maintenant, je le sais !

— Ça ne vous servira pas à grand-chose, et…

Téraï frappa, du tranchant de la main gauche sur le poignet tenant le revolver. Le coup partit, la balle ricocha sur les parois métalliques. Déjà sa droite cognait au creux de l’estomac, de toute sa force. Gorilla Joe se plia en deux, fut relevé d’un gauche au menton, s’écroula. Téraï ramassa le revolver, assomma la brute d’un coup de crosse, écouta. Rien. Pas de bruit de pas pressés, pas de sonneries d’alarme.

— C’est beau, les parois insonorisées, pensa-t-il. Il sortit de l’immeuble sans encombre.

Il prit un taxi dans la rue, se fit conduire à son hôtel, hésita. Devait-il convoquer quelques journalistes, rétablir la vérité sur Eldorado ? Maintenant que Stella s’était échappée, il pouvait mettre Henderson au défi de la montrer à la presse, et… Mais non. Le seul résultat serait de déclencher la bataille sur le terrain de l’ennemi, avant que le BUX ne soit prêt, avant que ce qui restait d’éléments sains dans le gouvernement ne soit prêt. Il se fit conduire à l’aéroport, prit le premier avion pour Astre, un peu étonné de n’être l’objet d’aucune attaque.

Le Taaroa était sur son aire d’envol. Papiers signés, il se dirigea vers lui. Près de l’échelle de coupée, un homme en uniforme de commandant de la Confédération examinait curieusement l’emblème émaillé sur la coque, l’atoll aux palmiers qui était l’insigne de la République océanienne. Il se retourna.