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— J’y serai. Venez-vous prendre un pot pour sceller notre accord ?

Quand ils pénétrèrent dans la salle de bar, Téraï fut reconnu par trois anciens, échangea quelques souvenirs avec eux, puis s’attabla avec Flandry. Une voix irritée domina le brouhaha. Il se retourna. Jane Partridge entrait, suivie d’un homme massif, au visage empourpré de fureur.

— Et vous croyez que je vais vous laisser filer comme ça, avec comme garantie un bout de papier ? Qui me dit qu’il vaut quelque chose ?

Téraï se leva, s’avança.

— Moi.

— Ah, c’est vous qui voulez me la souffler ? Eh bien, ça ne marche pas !

Il prit le chèque, le déchira. Avec un cri rauque, la jeune file se jeta sur lui, essayant de lui arracher les morceaux. Il la saisit brutalement par le bras, l’envoya rouler sous une table. Alors Téraï, calmement, délibérément, le gifla par deux fois.

— Très fort avec une femme, je vois, dit-il lentement. Allons, charogne, sors ton revolver si tu en as le courage.

Deux hommes qui accompagnaient Stephen se glissaient à droite et à gauche de Téraï.

— Pas de ça !

Taylor venait d’apparaître, arme à la main, à sa droite. A sa gauche, du coin de l’œil, il aperçut Flandry, un long pistolet au poing.

— Franc jeu ! Pas d’assassinat !

— Vous avez eu tort, Big Mouth, continua doucement Taylor. On ne s’attaque pas à Laprade ou à ses protégés. Pas quand on tient à sa peau !

L’autre fit bonne contenance, haussa les épaules.

— Vous faites le fanfaron parce que vous êtes soutenu !

— Je vous ai dit de prendre votre arme, répéta Téraï. Alors ? Vous vous décidez ? Ou bien êtes-vous un lâche, en plus d’une brute ?

Stephen Jura, se détourna comme pour sortir, et, avec une rapidité fulgurante, arracha son revolver de son étui. Il n’eut pas le temps de tirer. Trois coups de feu claquèrent, et il glissa au sol lentement, s’affala sur le corps d’un de ses hommes. L’autre tenait son poignet brisé, regardant son chef mort, d’un air hébété.

— Tiens, j’en ai manqué un ? Je vieillis. Enfin, ça me fait 10 000 dollars d’économie. Toi, fous le camp, ferme ta gueule, et remercie ta chance. Allons, qu’on enlève ça !

Il poussa les cadavres du pied.

— Jake, tournée générale sur mon compte.

Il jeta quelques billets sur le comptoir

— Allons, miss, n’ayez plus peur ! C’est fini, vous êtes libre.

Elle s’approcha, pâle.

— Qui êtes-vous donc ? Un tueur ? Ou sir Galahad ?

Il rit.

— Un peu des deux, si vous voulez.

— Mais… deux hommes, pour moi, que vous ne connaissez pas !

— Eh bien ! nous allons faire connaissance. Si vous saviez le jeu que je joue, vous comprendriez que deux hommes de plus ou de moins, surtout deux hommes de cet acabit… Allons, venez, je vous ai promis une bonne fin de soirée. Au revoir, Flandry, et merci de votre aide. N’oubliez pas l’heure ! Au revoir, Jake, ou adieu, qui sait ?

— Vous ne m’avez pas laissé le temps de tirer, Téraï ! Pas moyen de payer ma dette !

— Vous la payerez en profitant de vos accointances avec la police pour étouffer l’affaire jusqu’à ce que je sois parti. Après, je m’en fiche ! Après tout, j’étais en état de légitime défense. Bonne chance à vous tous !

La soirée se prolongea une bonne partie de la nuit. Ils burent, dansèrent, flirtèrent, parlèrent de l’un et de l’autre, burent encore. Au petit matin, il la raccompagna chez elle.

— Allons, au revoir, peut-être, dit-il.

Elle leva son visage vers lui, et, dans la pâle lumière de l’aube, elle fut étrangement jolie. Doucement, ses bras se tendirent et il l’attira contre lui. Elle ne résista pas.

Téraï se réveilla, surpris de se trouver dans une pièce inconnue. Il faisait grand jour. A côté de lui, Jane dormait encore, cheveux épars sur ses épaules nues. Il la regarda un moment, furieux contre lui-même.

— Elle va penser que c’était ça que je cherchais. Pourtant…

Il n’avait aucun regret. Il avait beaucoup parlé, l’alcool déliant sa langue, mais il savait qu’il n’avait rien dit qui puisse mettre ses projets en danger. Il avait raconté une partie de sa vie, bien sûr, avait même longuement décrit son voyage avec Stella. Elle avait poussé un cri de surprise en entendant ce nom. Elle avait connu miss Henderson autrefois, dans ce cercle folklorique, autant qu’une étudiante pauvre puisse connaître une camarade aussi riche, s’était extasiée sur cet étrange hasard, l’avait habilement, croyait-elle sans doute, interrogé sur ses rapports avec elle. Bah, rien de tout cela n’importait. Jane allait retourner sur Terre, y mener une existence dépourvue de soucis immédiats, grâce à lui. Peut-être un jour parlerait-elle de lui à ses enfants, alors qu’il serait mort depuis longtemps, ou exilé à jamais sur une planète lointaine. L’idée l’amusa, puis le rendit mélancolique.

— Allons, ne nous faisons pas meilleur que nous ne sommes. Je n’ai plus que faire de cet argent, aussi ai-je joué au bon génie.

Il s’étira, se leva, réveillant Jane. Ils passèrent le reste de la journée ensemble, il l’aida à faire ses maigres bagages, la transporta à l’astroport dans une voiture louée. Elle restait silencieuse, pensive. Le Véga ne partait que dans une heure, ils étaient en avance. Timidement, elle demanda à visiter le Taaroa. Il lui en fit les honneurs, gauche, ne sachant plus que dire. Le temps coula. Au moment de partir, elle détacha de son cou son collier de pierres brutes, l’enroula autour du volant de commande.

— Il m’avait été donné par une vieille sorcière noire pour me porter bonheur, dit-elle. Maintenant, il l’a fait. Puisse-t-il vous protéger aussi !

Il l’accompagna jusqu’à la coupée du Véga. La longue coque s’incurva au-dessus d’eux, vibrant légèrement sous l’effort des moteurs au ralenti. La sirène sonna. Elle leva les yeux vers lui.

— Dommage, dit-elle à mi-voix.

— Bonne chance, Jane.

— Bonne chance, Téraï.

Il la regarda monter la passerelle. Au moment d’entrer, elle se retourna, lui sourit, puis redescendit vers lui en courant.

— Si je vois Stella, je lui dirai que vous l’aimez !

Elle pirouetta, et disparut de sa vie.

Le Taaroa voguait à nouveau dans l’espace. Devant lui, encore lointaine, Eldorado tournait majestueusement, vaste disque bleuâtre barré et pommelé de nuages. Un peu à droite, une petite étincelle se déplaçait, l’Eclair. Téraï fixa son regard sur l’écran du radar. Un autre point s’approchait d’eux à vive allure.

— Allons, il va falloir combattre.

Méthodiquement, il mit le Taaroa sur pied de guerre, chargeant les lance-torpilles, puis régla sa radio sur la bande convenable.

— Allô ! navire inconnu. Allô ! navire inconnu. Ici corvette de surveillance Samuel Leeman, capitaine Johnson. Stoppez pour inspection.

Téraï attira à lui l’annuaire des flottes spatiales. Le Samuel Leeman était une corvette récente, cinq hommes d’équipage, deux canons, grappins magnétiques, 300 tonnes, flotte privée du BIM.

— Ça va être un massacre, grommela-t-il.

Le Taaroa était invisible pour eux, venant de la direction du soleil, avec sa peinture anti-radar, réservée aux nefs de combat des Etats. Il augmenta la vitesse, visa.

— Allo ! navire inconnu. Stoppez, ou nous ouvrons le feu !

L’Eclair continua sa course vers la planète. Le coup de semonce éclata à un kilomètre en avant de lui.