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— Dernier avertissement !

Téraï précisa sa visée, lâcha deux torpilles, attendit. Au dernier moment, le Leeman dut les apercevoir, esquissa une futile manœuvre d’évasion. Il y eut une étincelle aveuglante sur le fond du ciel.

— Voilà. La guerre est commencée. Cinq pauvres types, qui, eux, n’étaient sans doute pas des salauds ! Des familles où le père ne reviendra jamais…

Il jura. L’Eclair touchait maintenant l’atmosphère, ralentissant. Il resta un moment en arrière, surveillant le ciel, puis plongea à son tour.

CHAPITRE V

… COMME SE BRISE CETTE LANCE…

Voilà, nous avons fini le déchargement. Vous avez de quoi conquérir la planète. Est-ce là votre but ?

Téraï se retourna, irrité.

— Non. Et mon but…

— Ne me regarde pas.

Téraï haussa les épaules.

— Oh, je puis bien vous le dire. Le BIM est certainement averti de la destruction de leur corvette. Ils ont des gens assez intelligents pour en déduire que je suis revenu, en force. Mon but, c’est de les empêcher de ravager ce monde comme ils en ont ravagé d’autres.

— Et pour cela, vous allez leur faire la guerre. C’est assez joli comme ravages, la guerre, quelquefois.

— La part du feu ! Je sais qu’il y aura des morts, j’en serai peut-être. Mais, devant le conflit entre le BIM et les indigènes, le gouvernement fédéral sera obligé de mettre en vigueur la loi de quarantaine, et pendant dix ans cette planète sera sauve. En dix ans, il peut se passer bien des choses.

— Et pourquoi voulez-vous défendre Eldorado ?

Téraï passa une main lasse sur ses yeux.

— Difficile à expliquer. Parce que je descends en partie de races terrestres colonisées, parce que je ne crois pas que l’homme soit assez sage et assez désintéressé pour pouvoir se poser en guide du cosmos, parce que j’ai des amis ici, parmi les indigènes, parce que le BIM représente ce que je hais le plus au monde… et puis zut, parce que, étant ce que je suis, je ne puis faire autrement ! Vous-même, pourquoi avez-vous quitté la Garde stellaire, capitaine Flandry !

— Tiens, vous savez ?

— Je me renseigne toujours sur ceux que j’emploie. J’ai quelques contacts dans les bureaux, sur Anglia.

— Bah, l’ennui. La Garde stellaire n’est pas ce qu’un vain peuple pense. Peu de pirates spatiaux, ça coûte plus cher que ça ne peut rapporter, il n’y a que dans les romans fantastiques qu’on peut aborder une astronef en vol. Alors, la cartographie, c’est monotone. J’ai demandé à être muté dans le corps d’exploration, on me la refusé, j’ai démissionné. Depuis, j’explore, pour mon compte. Et pour vivre, je trafique légalement, ou illégalement, comme cette fois.

Il resta un moment silencieux.

— Vous me plaisez, Laprade. Je vous crois capable de réussir dans votre entreprise, mais peut-être un peu d’aide serait-elle appréciable. Que diriez-vous si je vous proposais une alliance. Peut-être ai-je moi aussi un compte à régler avec le BIM ?

— Et votre Eclair ?

Mon second est capable de se débrouiller seul pour quelques mois.

— Si nous échouons, vous serez mis hors-la-loi sur Terre.

— Je le suis déjà.

Téraï le regarda longuement.

— Vous m’excuserez si je me méfie, mais j’ai été échaudé, une fois de plus, il y a peu de temps. Qui me dit que vous n’êtes pas un espion d’Henderson ?

Flandry éclata franchement de rire.

— Et j’aurais transporté pour vous tout un chargement d’armes destiné à leur casser la figure ?

— Ce ne serait pas en dessous d’Henderson de risquer gros pour être averti de mes plans. Que lui importent quelques douzaines ou même de centaines de morts ? Non, si vous voulez vous joindre à moi, il faut me donner un motif sérieux de vous accepter.

— Je vous l’ai dit. Un vieux compte à régler…

— Trop vague !

Flandry inspira profondément.

— Soit. Je vais vous le dire, bien que ce soit du mélo le plus effroyable. Vous avez servi de guide à miss Henderson, n’est-ce pas ? En quels termes étiez-vous avec elle ?

— Je les croyais amicaux. Elle m’a joué.

— Peut-être. Vous a-t-elle parlé de sa jeunesse ?

— Oui.

— De son premier amour ?

— Oui.

— Vous en a-t-elle dit de nom ?

— Non.

— Paul était mon frère cadet, Laprade. Un jeune physicien plein d’avenir, selon l’expression consacrée. Un avenir qui fut bref, et se termina dans la ferraille de sa voiture, quittant la route à 180 km à l’heure. J’étais absent, quand cela se produisit, mais j’ai retrouvé la carcasse de son auto chez un ferrailleur, avant qu’elle ne soit refondue. La direction avait été sabotée. Je n’ai pas de preuves, mais je puis facilement imaginer que cette idylle entre Paul Flandry, sans le sou, et Stella Henderson n’était pas du goût de tout le monde. Bien entendu, il n’y a eu qu’un simulacre d’enquête. Encore un jeune fou qui se tue. Comprenez-vous pourquoi je hais le BIM, et son maître ? Et je ne crois pas que miss Henderson voulait trahir, Laprade. Paul était la droiture même, et n’aurait jamais aimé quelqu’un qui ne le fût pas. Elle a probablement été jouée, elle aussi.

— Elle a pu changer. La fortune corrompt.

— Vous-même êtes riche.

— J’ai de l’argent, je n’ai pas de fortune, en ce sens que je m’en moque, que je laisse d’autres la faire fructifier, et qu’avant cette année, je ne dépensais pas le vingtième de mes revenus.

— Vous l’aimez, n’est-ce pas ?

— En quoi cela vous regarde-t-il ?

— En rien, vous avez raison. Acceptez-vous mon offre ?

— Toute aide sincère est la bienvenue, Flandry.

Le soleil dorait la steppe, et, derrière le camp des Ihambés, illuminait les tentes rouges de la deuxième armée de Kéno. Téraï s’étira. Au loin, dans la plaine herbue, les silhouettes noires manœuvraient en ordre dispersé, Kénoïtes et Ihambés mêlés, sous la direction de Flandry.

— Enfin, avait dit celui-ci, je vais utiliser les connaissances, que je croyais parfaitement inutiles, qu’on m’a enfoncées dans la tête à l’école des cadets : progression par bonds sous le feu ennemi, manœuvres d’approche, emplacements de mitrailleuses, etc., etc. !

De sa droite, le vent lui apportait le vacarme de l’école de tir, où s’entraînaient les soldats d’élite. Klon-Sipho, le général kénoïte, s’approcha.

— Bientôt, seigneur Laprade, nous serons prêts.

— Ouais, contre les quelques groupes armés qu’il y a là-bas. S’il s’agissait d’une armée régulière… Nous ferons de notre mieux, et j’espère que nous n’aurons pas besoin de combattre, enfin, pas trop.

Il se leva de sa chaise, se dirigea vers le quartier général. Léo arriva, bondissant, queue fouettant l’air, tomba à ses pieds avec la grâce massive des fauves.

— Oui, je suis revenu, vieux copain ! Non, je ne te quitterai jamais plus, jamais, je te le promets. Tu es tout ce qui me reste.

Ses parents… Laélé… Stella.

Il sursauta. Pourquoi mettait-il Stella au même plan que ses parents ou sa femme ? Elle s’était moquée de lui, l’avait joué, s’était servie de lui contre ce qui lui était cher. Et pourtant, il ne pouvait la haïr. Il la revit, au camp ihambé, sur l’Iruandika, ou pendant cette nuit terrible de Kéno, et surtout pendant la danse des trois Lunes, quand il l’avait tenue dans ses bras, et qu’elle avait répondu à ses baisers…