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— Mais… s’ils vous arrêtent ?

Téraï eut un geste de défi.

— Je n’irai tout de même pas tout seul !

Téraï écarta le rideau de branches, balaya la ville de ses jumelles. Du haut de la colline qui la surplombait, elle s’étalait sous ses regards, normale. Les cheminées de l’usine fumaient, un train passait avec fracas sur le pont de la Nianga, et, dans les rues, des autos roulaient, ni plus ni moins que d’habitude. Mais, sur l’astroport, le Hermann Schwabe, le croiseur du BUX, reposait, à l’écart, tandis que, à l’autre bout, deux gros cargos du BIM débarquaient un flot de matériel et d’hommes.

— J’arrive à temps ! Toi, Roberts, reviens en arrière, et donne l’ordre à l’armée d’investir Port-Métal, sans approcher à moins d’un kilomètre des limites. Mais fais placer deux lance-fusées sur cette colline, pour battre l’astroport. Et pas de blagues, si je donne l’ordre de tirer, ne visez pas le croiseur ! Attends mes ordres près de la batterie. Si tu entends des coups de feu en ville, fais attaquer. Compris ?

— Oui, Téraï. Mais, dis-moi, on ne va pas tirer sur les copains ? Il doit y en avoir au repos, là-bas !

— C’est bien pour ça que j’y vais ! Je les avertirai.

L’homme disparut dans les broussailles.

— Eh bien ! Stella, vous allez attendre ici avec la garde. Je serai de retour dans trois heures, j’espère. Viens, Léo ! En marche, vous autres !

— Téraï !

— Oui ?

— Revenez !

— N’ayez pas peur, Stella. Le croiseur est là, ils n’oseront rien faire.

Il descendit la pente, suivi de dix hommes choisis, cinq prospecteurs, cinq Kénoïtes, traversa la brousse, arriva à la route qui doublait la voie ferrée allant aux passes de Khabar. Une auto les croisa, chargée d’hommes armés qui ne semblèrent pas faire attention à eux.

— Premier signe, dit Téraï, haussant les épaules. As-tu reconnu quelqu’un à bord, John ?

— Il m’a semblé voir le jeune Mac Gwin au volant. Les trois autres, inconnus.

Ils arrivèrent aux maisons périphériques : volets clos, portes fermées, évidemment évacuées.

— Ils ont probablement concentré leur défense autour des usines. Ce qui m’étonne, c’est l’absence de postes de guet. Ah, voilà !

Une silhouette se faufilait derrière des barrières. Léo grogna d’un air interrogateur.

— Non, mon vieux ! Pas encore ! Laisse-le aller, va, nous le retrouverons avec les autres.

Quand ils approchèrent du centre, les rues commencèrent à s’animer : quelques hommes, circulant l’air pressé, des véhicules, des femmes, des enfants jouant dans les petits jardins. Puis, ils tombèrent sur le barrage. Deux camions avaient été placés en chicane et derrière veillaient six ou sept hommes armés de fusils. Téraï s’avança seul.

— Halte !

— Qu’y a-t-il ? Plus le droit d’aller chez soi ?

— Ah, c’est vous, Laprade ? Que venez-vous faire ici ?

Téraï reconnut un contremaître de l’usine.

— Je rentre chez moi, c’est mon droit.

— En armes ?

— Pourquoi pas ? C’est mon habitude.

— La ville est en état de siège !

— Première nouvelle. Pourquoi donc ?

— On craint une attaque de tribus hostiles. Mais vous devez en savoir plus que moi là-dessus.

— Moi ? D’où je viens, tout était calme. Peu m’importe, d’ailleurs, je veux aller chez moi, et vous ne pouvez m’en empêcher, c’est illégal. Vous n’appartenez pas à la police…

— En vertu de l’article 4 de la charte large…

Téraï fit l’innocent.

— Ah, vous avez obtenu la charte large ? Bigre, ça va être ennuyeux ! Raison de plus pour que je rentre chez moi pour faire mes paquets. Allons laissez-nous passer.

Ses hommes s’étaient approchés doucement, armes prêtes.

— Allons, fais pas l’imbécile, Jones, dit l’un d’eux ! Tu ne vas pas te faire casser la figure pour le BIM ? Tout ce que nous voulons, c’est revenir chez nous.

— Et ceux-là, dit l’autre, montrant les Kénoïtes.

— Nos serviteurs ! Ils ont le droit de rester trois jours dans la ville.

— C’est bon, passez.

Le chef du barrage se gratta la tête.

— Dites donc, Laprade. A votre place je n’irais pas trop près de l’usine. Il y a là des postes avec des nouveaux arrivés, qui en veulent à votre peau, m’a-t-on dit. De même dans la direction de l’astroport.

— Merci, Jones. Je m’en souviendrai. Et, à votre place, je cesserais de jouer au petit soldat. C’est dangereux, ça ! Les armes peuvent partir toutes seules, parfois…

Ils s’enfoncèrent dans la ville, se dirigèrent vers l’astroport. Devant les grandes portes, une ligne de soldats en uniforme noir, celui des gardes privés du BIM, barraient la route. Deux mitrailleuses abritées derrière des sacs de sable balayaient la place. Téraï s’arrêta net, se dissimula dans l’embrasure d’une porte, et, de là, jumelles aux yeux, scruta la ligne ennemie. 100 hommes. Debout derrière un des nids de mitrailleuses, un individu de très haute taille, qu’il reconnut : Gorilla Joe. Mais, à la porte d’entrée des passagers comme à celle plus large où passaient les camions, d’autres uniformes s’entrevoyaient, bleus ceux-là, ceux de la Garde spatiale.

— Restez là, vous autres ! Je vais y aller seul. Ils n’ont aucun droit de m’arrêter. Si jamais ça se gâtait, toi, Tom, tu démolis les mitrailleuses avec le lance-grenades. Compris ?

Balayant les protestations d’un geste, il partit. Léo le suivit avec l’allure rasante du lion qui approche de sa proie.

Gorilla Joe vit surgir Téraï, se pencha vers un de ses lieutenants.

— Parfait. L’imbécile vient se jeter dans la gueule du loup ! Laissez-le-moi, je m’en charge.

— Mais, chef, que vont faire les spatiaux ?

— Rien, comme d’habitude. D’ailleurs, il sera trop tard. Et, de toute façon, je suis le chef, je représente Henderson ici,

Négligemment, il s’avança au-devant de Téraï, attendit au milieu de la place.

— Que venez-vous faire ici, Laprade ? Votre rôle est fini, nous avons la charte large, maintenant. Il va falloir débarrasser le parquet, et vite ! Vous, et votre sale lion !

Téraï continua à marcher vers lui, lentement, s’arrêta à deux mètres.

— Charte large ou pas, vous n’avez pas le droit de m’empêcher de parler au commandant du croiseur du BUX qui est là, et vous le savez. Donnez l’ordre à vos hommes de me laisser passer.

— Sinon ?

— Sinon, vous le regretterez. La loi mondiale de novembre 2077 charge tout commandant de la flotte spatiale de faire respecter l’ordre là où il se trouve. Vos transports ne sont pas de taille à lutter contre un navire de guerre,

— Et qui vous dit qu’il prendrait votre défense ?

— Je ne demande rien que mon droit, qui est de présenter à ce commandant mon point de vue et celui de mon parti. Laissez-moi passer.

Un homme vêtu de bleu venait d’apparaître à la porte, se dirigeait vers eux, à grands pas. Téraï reconnut Jack Silver, Gorilla Joe le vit aussi. Il haussa les épaules, feignit l’indifférence.

— Soit. Laissez passer, vous autres !

Les armes prêtes s’abaissèrent. Téraï avança vers l’officier, dépassa Joe. Avec la vitesse d’un éclair, celui-ci tira son revolver de sa ceinture. Trop lentement. Une énorme patte aux griffes acérées s’abattit sur son avant-bras, arrachant d’un seul coup arme et muscles. L’instant d’après, un autre coup lui brisait la nuque.

Il y eut un moment de silence et d’immobilité pendant lequel le destin hésita. Les hommes du BIM regardèrent leur chef à terre, dans une mare de sang qui s’élargissait, coulant de sa tête fracassée, Téraï debout, armes à la main, Léo aplati au sol, prêt à bondir à nouveau, l’officier immobile, pâle, les mains sur ses fulgurateurs. Puis, presque simultanément, une brève rafale de mitrailleuse, et l’explosion sourde de grenades. Téraï se jeta au sol, vit Silver s’effondrer, entendit près de lui un rauquement étouffé, tira sur une ligne d’hommes qui couraient, pourchassés par les rayons blêmes des fulgurateurs. Un tank léger creva les barrières, prit en enfilade les hommes du BIM, tandis qu’un mégaphone hurlait :