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— On va se faire encore plus de mal, arrête, s’il te plaît…

— Une nuit… il nous reste une nuit d’illusion.

Il luttait tellement pour garder le contrôle de ses émotions, il s’interdisait de vivre depuis si longtemps, terrifié par la douleur d’amour et écrasé par les responsabilités qu’il s’imposait. Je pris sa main dans la mienne, et l’entraînai à l’étage. Je le laissai devant sa chambre pour vérifier que celle de Declan était bien fermée. Il m’attendait, appuyé contre le chambranle de la porte. Il riva son regard au mien.

— Il est encore temps de ne pas aller plus loin.

— C’est vraiment ce que tu veux ?

Tout en nous enfermant dans la chambre, il me poussa jusqu’à son lit. Si, un instant, il avait été perdu et faible, c’était fini ; il prenait le pouvoir sur moi. La dureté du baiser qu’il me donna me le confirma. Nous nous effondrâmes sur le lit, saisis par l’urgence de nous aimer, nous déshabillant brutalement, cherchant nos lèvres, palpant nos peaux affamées. La proximité de Declan, nous imposant un silence absolu, et la conscience que nous n’avions que quelques heures devant nous ajoutaient de l’intensité à cet instant que nous attendions depuis si longtemps : être l’un à l’autre. Quand il me pénétra, ma respiration se coupa, nos regards s’ancrèrent l’un dans l’autre. Je lus dans le sien tout l’amour, le désir, mais aussi toute la souffrance qu’il ressentait. Jouir du corps d’Edward m’arracha des larmes. Il s’écroula sur moi en me serrant davantage contre lui, je le gardai emprisonné entre mes jambes en caressant ses cheveux. Puis, j’attrapai son visage entre mes mains. Il m’embrassa doucement, l’orage était passé.

— Je t’aime, murmurai-je.

— Ne redis jamais cela… ça ne change rien…

— Je sais… mais pour quelques heures, autorisons-nous à être libres de tout.

Nous pûmes nous aimer sans réserve toute la nuit. Par moments, nous somnolions, nos peaux moites collées l’une à l’autre. Et le premier qui ouvrait les yeux réveillait l’autre par ses caresses et ses baisers.

— Diane…

Je me blottis plus étroitement contre son torse en m’accrochant davantage à lui, en mêlant ses jambes aux miennes. Il m’embrassa la tempe.

— Je vais me lever… je ne veux pas que Declan nous trouve ensemble.

Sa remarque eut le don de me réveiller totalement.

— Tu as raison.

Je redressai la tête, et passai un doigt le long de sa mâchoire contractée. Il attrapa ma main et embrassa ma paume. Puis il se détacha de moi, s’assit au bord du lit en s’ébouriffant les cheveux. Il me regarda par-dessus son épaule, j’esquissai une tentative de sourire, il me caressa la joue.

— J’y vais…

— Oui.

Je lui tournai le dos, je ne voulais pas le voir quitter la chambre, je ne voulais pas conserver cette image, je ne voulais me souvenir que de notre nuit d’amour. Je serrai son oreiller de toutes mes forces au moment où la porte se referma avec un léger bruit.

Je restai peut-être une demi-heure au lit. Me lever me demanda un effort surhumain, ainsi que récupérer mes vêtements éparpillés aux quatre coins de la pièce. Je luttai contre mes vieux démons : j’avais envie de ne pas me laver, conserver son odeur sur moi le plus longtemps possible. Mais Edward n’était pas mort.

Le jour n’était pas encore tout à fait levé lorsque je gagnai le rez-de-chaussée. Je déposai mon sac de voyage dans l’entrée. Une tasse de café fumant m’attendait sur le bar de la cuisine, j’en avalai quelques gorgées. Ensuite, je me dirigeai vers la terrasse où Edward se tenait, cigarette aux lèvres. S’il m’entendit arriver, il ne réagit pas. Je vins me coller à lui en prenant sa main dans la mienne, nos doigts s’entrelacèrent, et il m’embrassa les cheveux en soupirant. Je fermai les yeux en me blottissant contre lui. Au loin, nous entendîmes une voiture se garer devant le cottage.

— Voilà Judith, me dit-il.

Je m’apprêtais à m’éloigner de lui, persuadée qu’il souhaitait garder secrètes nos retrouvailles.

— Reste là.

Il lâcha ma main, pour me serrer plus fort contre lui, dans ses bras. Je cachai mon visage dans sa chemise, j’aspirai à pleins poumons son parfum. La porte d’entrée claqua : Judith et sa discrétion légendaire.

— Il va falloir aller réveiller Declan, m’annonça Edward.

Je m’agrippai à sa chemise.

— Allons-y.

Il m’entraîna à l’intérieur. Judith nous attendait, café à la main, accoudée au bar. Elle nous sourit, tristement.

— Fallait bien que ça arrive, depuis le temps que vous l’attendiez…

— Fous-nous la paix, lui rétorqua vertement Edward.

— Eh ! Calme-toi… je ne vous le reproche pas. Je vous envie, c’est tout…

Une course se fit entendre dans l’escalier, puis la voix joyeuse de Declan :

— J’ai dormi tout seul ! Papa ! Diane ! J’ai dormi tout seul !

J’eus le temps de m’éloigner d’Edward avant que son fils lui saute dans les bras. Sa fierté était immense, un sourire extraordinaire illuminait son visage.

— Tu as vu, Diane ?

— Tu es un champion !

Son sourire se figea lorsqu’il remarqua Judith. Son visage reflétait la violence de la réalité qui venait de lui tomber dessus. Il voulut descendre des bras de son père, et fonça tête baissée dans l’entrée. Il tira sur la sangle de mon sac de voyage, et me fixa.

— C’est quoi ? cria-t-il.

— Ma valise, lui répondis-je, en m’approchant de lui.

— Pourquoi elle est là ?

— Je rentre chez moi, tu te souviens ?

— Non ! C’est ici, ta maison maintenant, avec papa et moi ! Je veux pas que tu partes !

— Je suis désolée…

Ses yeux débordèrent de larmes, il devint rouge de colère, de rage, même.

— Tu es méchante !

— Declan, ça suffit ! intervint Edward.

— Laisse-le, soufflai-je. Il a raison…

— Je te déteste ! hurla Declan.

Il gravit l’escalier en courant et claqua la porte de sa chambre. Edward vint me prendre dans ses bras.

— Comment a-t-on pu être si égoïstes ? sanglotai-je.

— Je sais…

— Fichez le camp, maintenant, nous dit Judith.

Je me détachai d’Edward et m’approchai d’elle.

— Je ne te dis plus au revoir, j’en ai marre de le faire. On se parle au téléphone…

— Tu as raison…

Edward m’attendait sur le perron, mon sac de voyage à la main. Au moment de franchir le seuil, je m’arrêtai. Ça allait trop vite…

— Je dois lui dire au revoir.

Je montai l’escalier quatre à quatre et frappai à la porte de sa chambre.

— Non !

— Declan, je vais entrer.

— Je ne veux plus jamais te voir !

Je pénétrai dans la pièce, il était assis sur son lit, raide comme un piquet. Il s’essuya rageusement les joues du plat de la main, en regardant droit devant lui. Je m’installai à côté de lui.