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Tiens, le Giscard, quand il t’affirme droit au fond des yeux que la France est le plus beau pays du monde. Comme ça, tout de go en blanc. Le plus beau pays du monde. Son peuple irremplaçable, si fier, si altier, qu’envoie chier tout un chacun, qui rouscaille à propos de tout, qui sait rien et méprise le reste. Je m’en pisse dessus, d’entendre ça !

Tout de suite, ma réaction, c’est de vérifier qu’on a bien fermé la porte de la frontière avant qu’il cause, pas que les voisins entendent cette calembredaine, que ça me ferait trop honte de les voir se poiler à nos dépens, en rire jusqu’à l’explosion de leurs rates non françaises, donc de mauvaise qualité. Charogne, le plus beau pays du monde ! Faut du culot pour affirmer un machin semblable, droit dans les caméras. Pas chipoter avec la démagogie. Pas rebuter au vaselinage. Aimer oindre. Beurrer les oignes pour l’empétardage somptueux. Rrran ! Baisse-toi un peu, que je t’ foute la grosse, toi qu’es le plus beau pays du monde. Tiens, mon mignon, t’es le plus beau du plus beau. Prends bien du rond, sans cris, et gare ! La barre, c’est à ça qu’elle sert. Sodomie française ! La must. À s’en faire péter la charnière, celle de Sedan, celle du rectum ! Rrran, rrran ! La Marseillaise à la parisienne… Tu sais qu’ t’es belle, toi, dans ton genre ? La plus beaucoup de toutes. Vive la France ! C’est la plus belle France du monde, voilà, il avait linguœ, le Valéry. C’est ça qu’il voulait dire : la France est la plus belle France du monde. Les Françaises-Français sont les plus beaux Françaises-Français du monde, parole ! Sors-te là que je te lapsus. On peut se gourrer, non ? Bifider de la menteuse ? Grand fou, va !

Quand j’annonce ces mauvaises intentions par rapports sexuels au docteur moustachu, la jument en hennit d’horreur. Elle me traite de goujat, comme s’il y avait goujaterie à embroquer un pékin, alors que c’est la plus exquise et totale des politesses.

— Et pourquoi voudriez-vous que je vous détache ? Alors que vous risquez de tomber du lit, petit malin ? Tout à l’heure, vous étiez dans un tel état d’agitation que tout l’étage en tremblait.

C’est dès lors qu’enfin, oui, très enfin, je me sens redevenir Santonio. Le vrai, çui qu’ a du cassis, des idées, de la suite dedans, du jus de nerfs, de l’énergie branchée sur le 220. Tu sais ce que je crois ? La dernière piquouze calmante est à bout d’effet et je raccroche avec la lucidité. Y’ a du mieux, partout en moi. Du calme objectif. De la clairvoyance.

Comme dans les bons moments, je décide des choses nettes et précises. Fomente un plan, l’ourdis rapidos.

— Ma jolie dame, je voudrais que vous me détachiez parce que je ne me vois guère aller à la toilette en ressemblant à l’un de ces valeureux saucissons sans lesquels la ville de Lyon ne serait que ce qu’elle est !

Elle claptoche :

— Oh, bon, fallait le dire tout de suite au lieu de regimber. Je vais vous passer le bassin.

— Quelle horreur ! Je peux, avec votre aide, gagner la salle de bains.

— Non !

C’est catégorique et cela me ravage le moral. Ce non, en coup de fouet, m’annonce que je ne fais qu’attaquer une ère de vilaines brimades médicales. Elle empare un bassin gris émaillé, gris écaillé, vilain tout plein, sordide d’aspect. Moi, Santonio, le bassin ! Le bassin aquitain, oui. Le bassin parisien ! Le bassin minier. N’importe, mais pas celui-là qui raconte le renoncement suprême : flouzer au lit !

Elle désarrime mes sangles pour me donner du mou. Aussitôt qu’elle a relâché celles de la poitrine, je dégage mon bras droit, ce vaillant compagnon des bons et des mauvais jours. Ce qui suit, c’est comme si un autre l’accomplissait. Ça se passe indépendamment de ma volonté. Ma main se glisse jusqu’au fameux bassin que la vieille donzelle a posé sur mon ventre, composant sans préméditation une sinistre allégorie. Je pose mon poignet sur la partie pointue, là où le récipient possède une sorte de pontage. Mes doigts se replient sur l’intérieur. Je lève le bassin et l’abats aussi fort qu’il m’est permis sur la nuque de la jument qui se trouvait inclinée sur mon lit. Elle pousse un bout de cri d’effroi. Ce cri me dope. Je lui remets un parpin au cigare. La vieille verdâtre s’écroule.

Bon, je me dis que je viens d’avoir une réaction qui ne plaidera guère en faveur de ma sortie de l’hosto. Par terre, Mémère geint doucement et ses doigts raclent le lino. Elle ne va pas tarder à rameuter la garde, cette salope. Grouille ta couenne, Sana. Oublie ta faiblesse, y’a urgerie. Je ne perds pas mon temps à me désangler, mais repte par le haut pour mettre à profit l’espèce d’entonnoir que forment mes draps. À force de trémousser je parviens à m’extraire du pucier et à me laisser couler à terre, près de la vioque. J’ai son visage contre le mien, je mate son regard cloaqueux qui récupère, qui réalise, qui s’affermit.

— Si tu ouvres ta sale gueule de musaraigne, je te tords le cou, tu m’entends, vieille déjection ?

Ça ne l’impressionne pas, car, précisément, elle part dans une bramance, la cheftaine.

Juste ce qu’il fallait pour me donner le survoltage souhaité. Je ferme les yeux et bling, lui file un coup de boule dans le portrait. J’entends claquer sa mâchoire. Mince, j’ai dû lui démolir le tiroir. En tout cas, sûr et certain, son râtelier lui a explosé dans la bargoulette.

Bien, parfait, banco. Je me redresse. Curieux comme je me sens fort, soudain… Indomptable. C’est l’action, tu comprends ? Délirer pour délirer, je préfère délirer en agissant. La réaction m’est venue de ces sangles. J’ai jamais pu supporter des liens, d’aucune sorte…

J’achève de déboucler ceux de mon pucier, puis j’ hisse la jument à ma place dans le plumzingue et la saucissonne à son tour. Je tire sur un coin du drap, le lui enfonce dans la gargouille, puis j’arrache le sparadrap maintenant le sommet de mon pansement à la tête, manière de la museler complet, cette Carabosse. Ouf, me voici débarrassé d’elle. J’ignore l’heure qu’il est, mais le jour est loin de se lever.

Haletant, je m’adosse au mur de la chambre. Suis-je en train de rêver cette scène, ou bien s’accomplit-elle vraiment ? Comment savoir si je délire, si tout cela n’est qu’un cauchemar de plus ?

Mes fringues ! Je dois récupérer mes loques, coûte que coûte, car je ne puis me tailler en bannière, le premier petit dégourdi venu donnerait l’alerte. Près d’un hospice de dingues, tu parles ! J’ouvre un placard, le seul de la pièce. Misère : il est vide. Je vais à la salle de bains. Plume dans le prose ! Y’a plus de salle de bains. Donc je cauchemarde bel et bien, ou plutôt moche et mal ! La porte donne sur un réduit vide, blanchi à la chaux, mais vide…

Je bombe jusqu’au couloir. Une nervouze carabinée me fait grelotter. Je ressemble à un moteur emballé au point mort. Toute ma carcasse tremble, tout ronfle éperdûment en moi. Comme si j’allais éclater, me disloquer, tomber en carafe.

Bien, la porte.

Le couloir…

Misère. Ça n’est plus le couloir que j’ai connu, ce long corridor semé de portes dans lequel prenaient d’autres couloirs secondaires. Celui-ci ne mesure pas plus de trois mètres. Il s’agit en fait d’un petit vestibule. En face de ma porte, on a plaqué un panneau ripoliné, pour conserver l’aspect de l’autre. Ensuite c’est peint en rose praline.

Je m’avance. Une grande ouverture en arc de cercle, sans porte. J’avise une espèce de living. C’est assez chichement meublé d’un canapé ravagé, garni de coussins, d’une table basse mauresque, au plateau de cuivre martelé. Il y a une espèce de kitchenette dans un angle, avec son réchaud, son évier… Une bouteille de scotch est posée sur une étagère. Elle me fascine, cette chérie. Je vais lui dire deux mots. C’est bon, grelouteux. Ça me brûle, me râpe, me stimule. Y’a un feu de joie, soudain, dans ma tronche. Cauchemar, soit, hallucination, certes, mais j’aime autant rêver ça que mon admission à l’U.N.R.