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— Comment as-tu obtenu mon adresse ?

— En envoyant le même message aux vingt plus grands hôtels de New York : je sais que sainte Blandine a des goûts de luxe.

— Ca a dû te ruiner ?

— Penses-tu, c’est Antenne 2 qui casque !

— Tu as quelque chose à me dire ?

— Tout, mais rien de particulier.

Un silence sifflant se fit. Lorsqu’il devint insoutenable, elle parla :

— Lors de ton premier appel tu as prétendu que ton destin te semblait compromis et que tu avais besoin de me parler. Mais tu n’as rien dit.

— On parle quand les mots vous viennent, s’ils ne viennent plus, on ferme sa gueule. En t’appelant, tout à l’heure, j’ai compris que je n’avais rien à te dire, ni à toi ni à quelqu’un d’autre.

— Peut-être à elle ? suggéra Noémie, gravement.

— Non, pas elle puisque c’est d’elle qu’il s’agit.

— Qu’est-ce qui te séduit chez cette vieille ? Car tu es séduit, n’est-ce pas ?

— Pire : dépendant. Pour piger mon cas, il faudrait être un sacré psychiatre.

— Il y a longtemps que tu connais « ta tante » ?

— Bonne question, répondit Lambert.

Elle ne lui était jamais venue. Il se livra à un rapide calcul et annonça :

— Cinq semaines !

— Seulement ! s’écria Noémie. Je croyais que ça durait depuis des années, vous deux ! Cinq semaines, mais ça va te passer, crétin ! Il s’agit d’une crise, d’une mauvaise fièvre, d’une maladie mal soignée ! Tu la baises ?

— Tu es folle !

— Pourquoi pas ?

— Toi, tu t’es bien laissé lécher la chatte par un vieux birbe du même âge, n’est-ce-pas ?

Mais elle refusa le combat qui lui était proposé.

— Je crois comprendre ce qui se passe, reprit Noémie : elle t’épate. Elle t’a à l’esbroufe. Tu es subjugué par sa personnalité. Mais tu vas te réveiller, mon grand. Tu éprouves les premiers symptômes puisque te voilà mal dans ta peau. Quand rentrez-vous ?

— Nous reprenons l’avion demain soir.

— Pour Paris ?

— Oui.

— On devrait se voir. Entre nous aussi, il se passe quelque chose de pas ordinaire.

Il se dit qu’elle l’aimait probablement, mais que lui ne l’aimait pas. Il n’attendrait jamais rien d’elle, sinon de la sauter sans trop se compliquer la vie. Ce qu’il ressentait confusément, c’était le besoin de lui « vendre » Milady. Noémie la haïssait et, pour une raison qui lui échappait, il souffrait de cette haine.

Il promit de l’appeler à son retour en France et prit congé d’elle assez froidement. L’ombre envahissait la pièce bien que la nuit fût pour beaucoup plus tard. Les gratte-ciel interceptaient le soleil à compter d’une certaine heure. Milady dormait toujours, d’un sommeil d’enfant sage. Lambert aurait pu en profiter pour aller faire un tour, mais il préféra rester, redoutant qu’elle s’éveille en état d’amnésie. Il s’étendît tout habillé sur le lit où il s’endormit à son tour.

25

« Voilà, Seigneur, je Vous parle sans détour. Ça s’est passé de la triste façon suivante : maman était fille mère, ça, je ne Vous l’apprends pas. La Veillée des Chaumières ! Elle avait été placée comme fille de ferme en Normandie. C’était, paraît-il, ce qu’on appelle une belle plante, maman. J’ai une photo d’elle, une seule, qui le prouve, bien qu’elle ne soit pas très nette. Son patron l’a engrossée. Le droit de cuissage sévissait encore dans nos campagnes en ce temps-là. Quand je suis venue au monde, ses maîtres ont consenti à la garder à leur service (sic) à condition qu’elle me mette en nourrice. La Veillée des Chaumières, Vous dis-je, Seigneur. De nos jours, c’est à peine racontable ; d’ailleurs il n’y a qu’à Vous que j’ose parler de cette pauvre histoire. J’ai été élevée par un couple sans enfant qui s’appelait Lelandier. Lui, fabriquait des fourneaux dans un bled nommé Saint-Jean-de-Roche. C’était un excellent artisan et qui confectionnait de bons fourneaux. Il ne faisait venir que la plaque de fonte du dessus, avec les rondelles, tout le reste il le tirait à la main dans de la feuille de 3. Je n’ai jamais su, Seigneur, ce que cette phrase signifiait, mais il la répétait si souvent et avec tant de fierté que je la suppose élogieuse. Nous habitions tout au fin bout du village, près de la corne d’un bois et une source sortait de terre à cet endroit. Son onde en était si pure et si fraîche que tout le pays venait y puiser son eau de table. Un soir d’automne, alors qu’on avait mis le couvert et qu’on attendait le retour de papa Emile, maman Germaine m’a demandé d’aller tirer une cruche à la source. La nuit était tombée et il y avait déjà des étoiles au ciel. Pour moi, la nuit était semblable au jour : j’ignorais la peur. Peur de qui ? Du loup-garou ? A huit ans je n’y croyais plus. Bon, il y avait parfois des bohémiens de passage, qui bivouaquaient sur le champ de mars. Mais ils ne s’intéressaient qu’aux poulaillers et à vendre des paniers. Alors, le soir dont je Vous parle, Seigneur, me voilà partie avec ma cruche. J’arrive à la source, m’agenouille sur la grande pierre plate bordant l’espèce de cuvette dans laquelle elle tombait en une menue cascade. Je tends ma cruche sous le jet limpide. Maman Germaine me recommandait de ne pas puiser dans la cuvette car il y avait des têtards dedans. Ca glougloutait dans la cruche de grès. Et d’un coup, je sens une présence derrière moi. Je vais pour me retourner, mais un bras puissant me saisit sous le cou. Impossible de hurler. Une main se faufile d’autorité entre mes cuisses, remonte un peu le long de mon ventre et m’arrache ma culotte. Puis de gros doigts caleux redescendent sur mon minou pour le tripoter. L’homme soufflait fort par le nez, comme un chien qui déterre une taupe. Ses méchants doigts rentrent dans ma fente, me faisant un mal atroce. Et puis voilà qu’ils me laissent. J’entends fourgonner, sur le côté. Brusquement, mon agresseur place un sac à pommes de terre sur ma tête. Le bras qui me tenait par le cou se dégage pour permettre au sac de descendre jusqu’à ma taille. Quand ça a été fini, l’homme m’a empoignée à bras-le-corps et m’a conduite dans le bois. Une fois dans les fougères, il m’a fait agenouiller, les genoux loin l’un de l’autre. Sa sale main rugueuse revient malaxer ma petite chattoune ; mais elle n’est pas seule ! Une grosse affaire lisse se met à me chercher le trou, pousse, pousse. L’homme s’arrête pour se cracher dans la main et mouiller son énorme truc rond. Et il recommence son manège. Je crie dans mon sac ! J’ai mal dans tout le ventre. C’est comme si un animal avait pénétré en moi. Je suis en feu. Le monde s’écroule. C’est trop intense, trop douloureux, je perds conscience. C’est maman Germaine qui m’a retrouvée, un quart d’heure plus tard, inquiète en ne me voyant pas revenir. Mon viol a fait un foin de tous les diables dans la contrée. Maman Germaine m’a conduite chez le vieux docteur Gonhon, qui portait une barbiche blanche et des lorgnons retenus à sa boutonnière par un lacet noir ; pendant ce temps, papa Emile, rentré peu après, allait prévenir les gendarmes. Le lendemain, on a arrêté un vagabond à vingt kilomètres de là. Un vieux type à peu près idiot, mais comme des gens l’avaient rencontré loin de Saint-Jean-de-Roche à l’heure de mon viol, il a fallu le relâcher. Moi, j’ai été la petite héroïne qu’on plaignit pendant quelques jours. C’était à qui viendrait prendre de mes nouvelles et m’apporterait des gâteaux. Et puis on s’est lassé et on m’a traitée de petite salope aux instincts pervers. Mes copines d’école ne me parlaient plus, leurs parents leur ayant interdit de me fréquenter. Les garçons se foutaient de moi. Ils arrondissaient l’index et le pouce de leur main gauche, et y faisaient aller et venir leur index droit pour mimer un colt, Seigneur, ces petits misérables, fils de putes et d’enculés ! Cette affaire m’a tellement traumatisée, et pour toute la vie, que je n’ai jamais pu, par la suite, me laisser faire l’amour par un homme, sinon par Pompilius, et encore n’était-ce pas le vrai amour avec intromission normale, mais un savant bricolage. Ma vie sexuelle, Seigneur, ç’a été ce monstrueux coup de queue près de la source de Saint-Jean-de-Roche. Le reste, je l’ai rêvé, inventé. J’ai joui par l’imaginaire, me payant le luxe de jouer les femmes dépravées. Les hommes étaient fous de moi, ils se roulaient à mes pieds, léchaient mes godasses, mais n’avaient droit qu’à des promesses et à des insultes. Je racontais aux uns ce que je croyais avoir fait avec les autres, pour les exciter davantage. Garce, je l’aurai été au-delà des limites ordinaires, doux et miséricordieux Seigneur. Par vengeance contre le sexe masculin. Je n’ai approché la jouissance physique qu’avec mon pauvre Roumain ; ses manières distinguées m’avaient en partie apprivoisée. Malgré cela : impossible d’aller jusqu’au bout. Dès qu’un mâle dégainait sa queue, je me retrouvais la tête dans un sac et le pot défoncé, alors je le congédiais de la pire manière. Voilà, Seigneur, la vérité. Vous la saviez, évidemment, gros malin que Vous êtes, mais il était bon qu’elle sorte également de mon cœur. Disons qu’il s’agit cette fois d’une confession. Voilà : Vous venez de m’entendre en confession, Seigneur. Puisqu’on se dit tout, laissez-moi Vous avouer encore ceci : Lambert est le seul homme de Votre putain de planète qui m’ait fait envie. Je voudrais pouvoir recevoir sa bite en moi jusqu’aux roustons, Seigneur ! Et même les faire rentrer également, avec un chausse-pied si besoin était ! J’aimerais prendre son foutre sur tout mon corps, y compris dans mes cheveux ! Je voudrais lécher chacun de ses orteils, lécher sa langue, lécher son trou du cul ! Seulement je vais avoir quatre-vingt-six ans, bordel de Dieu ! Lui vingt-cinq ! Mais je l’aime, Seigneur ! C’est lui que j’ai passé ma saloperie de vie à attendre, à attendre avec ferveur, comme certains Vous attendent, Vous ! Ô Seigneur ! Je lui offre cette navrante existence ratée par la faute d’Emile Lelandier. Car c’est lui qui m’avait violée, tu parles ! Son souffle de goret, quand il soudait, je le connaissais bien ! Et son sac ! Il en avait toujours un avec lui, roulé sous son bras pour ramasser n’importe quoi : des châtaignes, des champignons, de l’herbe pour les lapins. J’ai même cru que ce détail le ferait prendre ; mais non, personne n’y a pensé, sauf bien sûr maman Germaine qui s’est mise à me détester après ce coup-là ! Les gens sont des salauds empêtrés, Seigneur. Ils ne savent pas faire, ne sauront jamais. Il y a un malentendu à la base. Quelle idée Vous a pris de créer cette sale engeance ? Ô Seigneur ! Ô Seigneur ! Ô Seigneur ! J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour les faire chier, tous ! Du moins le plus grand nombre d’hommes possible. J’aimerais leur couper le sexe et constituer un Himalaya sanguinolent de bites sectionnées. Jurez-moi que Vous n’êtes pas un homme, Seigneur, afin que, ma mort venue, je puisse aller m’asseoir à Votre droite sans serrer les miches ! »