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Amours, délices et orgues. Non, pas orgues, pas encore, on avisera plus tard.

Je la quitte, énamouré, le cœur fleuri, l’âme en bouquet de printemps. Elle rit Colgate, mon âme.

Heureuse. J’ai décroché une fée à la tombola du destin.

Me la suis annexée for the life. Dorénavant, tout va changer. Je vais vivre dans le bleu azur. Sage, la bibite antoniaise. Réservée en complète exclusivité à la délicieuse créature qui m’était destinée de toute éternité.

Bon, alors je me pointe à l’aéroport de Dublin. Pour les ignares, je précise que cette ville ne se trouve pas dans le Calvados, mais en Irlande. Je ramasse mon bagageounet et fonce me louer a car. La nana en uniforme orange qui me propose une Ford Siesta automatique est ravissante. Cheveux châtains, comme toutes les Irlandaises. Visage rieur, regard noisette qui frise. Et moi, l’amoureux transi, tout plein d’une autre, voilà que je me mets à lui faire des appels de phares, à cette souris. Les charmeuses en batterie ! En avant toute ! Lèvres légèrement retroussées, œillade ravageuse, style Attila ! Les poils ne repoussent plus là où le bel Antonio a promené sa prunelle !

La miss, ça se voit gros comme le Trinity Collège que je lui perturbe le glandulaire. Elle trémousse du fion sur sa chaise pivotante. Elle s’embrouille les pédales, me cause en gaélique. En un instant, j’imagine ce que je lui ferais si elle m’accompagnait à l’hôtel Shelbourne où j’ai retenu une piaule, et je le lui raconte dans un regard en morse. Point, trait, zob, paf ! Le jeu complet : eau chaude et froide, avec tyrolienne dans la fourche caudine ; the finger in the little hole pour l’accompagnement. Retenez vos places, mes jolies mimiss, y en n’aura pas pour tout le monde ; les premières arrivées seront les premières servies.

Elle s’interrompt de remplir le formulaire pour me poser some questions. Chaque fois, avant de lui répondre, j’y vais d’un solo de mirettes qui la fait mouiller. Et mon subconscient, ce con, qui se met à me jouer un branle ! « Non mais, Antoine, ça va plus, mon gars ! T’en es où est-ce ? Et Marie-Marie qui t’attend en apprenant l’estuaire de la Gironde à ses petits lavedus, t’en fais quoi ? T’usines pour quel groupe, mec ? Ça va continuer longtemps tes séances casanovesques, dis, grand lavedu ? Tu finiras jamais de réagir à la gonzesse, comme le taureau au chiffon rouge ? Fallait la laisser se maquer au petit prof de maths, la Marie-Marie, au lieu de venir chiquer les Ivanhoé de service : je t’enlève sur mon noir palefroi, jolie princesse ! Ils furent heureux et il eut de nombreuses maîtresses ! »

Bon, je sors les aérofreins. Fini de troubler la mignonne Irlandoche d’Europcar. Masque impénétrable.

Elle me tend la paperasse.

— Voulez-vous signer ici et là, please ?

Sec acquiescement de l’Antonio, sérieux comme un pape.

— Vous habitez Dublin ? je lui demande pour faire diversion.

— Oui.

— Je descends au Shelbourne. Vous voulez bien venir y dîner avec moi ? Il paraît que c’est la meilleure table de Dublin.

Ce qu’il y a d’agréable avec cette frangine, c’est qu’elle se croit pas obligée de te jouer la grande scène de « Et ma vertu, dis ? Qu’est-ce t’en fais de ma vertu ? ».

Elle me répond que O.K., mais pas avant neuf heures.

Ensuite elle me file une clé de chignole et les indications concernant le parking où est stationné mon carrosse.

Mon premier soin, en arrivant, c’est de téléphoner chez nous.

Marie-Marie répond. Ça me fait tout bizarre ; j’ai dit bizarre ? Toujours, c’est la voix de m’man. Et puis, tu vois…

— Je savais que c’était toi, dit-elle. Tu as fait bon voyage ?

— Tu sais, deux heures de zinc, j’ai pas battu le record de Lindberg.

— Tu es installé ?

— Pas encore, je t’appelle en toute priorité.

— Merci ; je t’aime !

— T’as tort. Je suis un fumier indigne de l’oxygène qu’il respire, lâché-je.

— Ah bon ? fait Marie-Marie sans s’émouvoir.

— En arrivant j’ai filé rendez-vous à la môme qui m’a loué une voiture. Je vais dîner avec elle. Et pourtant je suis bourré de ta présence et fou d’amour. Tu devrais essayer de récupérer Gaspard, ma poule.

Elle a un léger soupir.

— Merci de ta franchise, Antoine ; c’est une belle preuve d’amour. Mais tu sais, je ne me faisais pas beaucoup d’illusions à ce sujet. Un fieffé cavaleur de ton espèce ne peut pas dételer d’un seul coup, même s’il est très épris.

« Tu obéis à tes réflexes. Un beau cul passe et te voilà conditionné. Je sais que ça va être long. Je sais également que tu ne t’en guériras jamais, ou alors dans une trentaine d’années. C’est le prix que je dois te payer, mon amour. Il est élevé, mais j’ai les moyens. »

Putain, mon âme se fend en deux comme une bûche sous la cognée. Dis, t’entends ça, Bazu ? C’est pas un verre de limonade, ma petite fiancée, hein ? Elle méritait vraiment le détour.

— La seule chose, murmure-t-elle : ne me mens jamais. Tant que tu me diras la vérité, elle comptera pour du beurre. Je t’adore, grand dégueulasse.

Elle raccroche.

Poum ! un coup de bourdon me cigogne la poitrine.

Elle est stoïque, sublime. Tout ce que tu voudras. Mais maligne, la gosse. Elle sait bien qu’avec un tel comportement, c’est ma conscience qui va se farcir tout le boulot ! Je vais m’offrir des parties de remords comme même Hitler aurait pas réussi à en mettre sur pied. Et elles me feront tellement chier la bite que j’en arriverai doucettement à décrocher, histoire de me refaire une virginité, d’avoir l’esprit tranquille et de pouvoir faire miroiter mon pur amour au soleil de la sérénité.

On est tellement connards, les hommes !

En attendant, je vide ma valoche. Deux costars de rechange, un blouson de cuir, six chemises, six slips, six paires de chaussettes, trois paires de pompes, quatre cravates… Plus de quoi lire pour meubler les insomnies !

La trousse à toilette. J’ai trouvé un nouveau pre-shave américain very efficace. Les nôtres sentent meilleur mais ne sont pas suffisamment huileux.

La réception m’avise qu’on vient de déposer un paquet pour moi. Je demande qu’on me l’apporte. Je sais ce qu’il contient : un P.38 à museau court, avec quatre chargeurs ; plus quelques petites babioles dont je n’aurai peut-être pas besoin, mais peut-être que si.

Disons, une sorte de trousse de secours, quoi ! Tu vois le genre ?

Un petit bruit crépiteur à mes fenêtres à guillotine : il pleut. C’est la raison sociale de l’Irlande. Pourquoi crois-tu qu’on l’appelle la verte Erin ? Je vais soulever la partie inférieure de la fenêtre. C’est dur, car le bois a joué. Ce qui m’a toujours abasourdi chez les Britanniques ou assimilés, c’est cette constance farouche dans l’absence de sens pratique. Ils évitent soigneusement ce qui est simple, et sautent à pieds joints sur le mords-moi-le-nœud. Par exemple, tu peux me dire comment, à moins d’appeler les pompelards et leur grande échelle, tu peux, au sixième étage d’un immeuble, laver la partie inférieure externe d’une fenêtre à guillotine, toi, Deibler ? Car si elle est baissée, t’es bouclarés dans la pièce et si elle est levée, elle se trouve derrière la partie supérieure, donc, en tout état de cause, inaccessible.

Mais enfin, je m’en branle, je préfère te le dire tout de suite et ça n’ôte rien au respect que je porte à la reine d’Angleterre et aux chers siens dont nous connaissons toutes les grippes et les coups de bite par les hebdomadaires français en mal de royauté.

Un groume vient m’apporter mon paquet. Il à les cages à miel parées pour la récolte. Ses cheveux rouquineurs font une grosse houppe frisottée sur son front. L’acné le triture vachement, qu’à tel point on dirait qu’il vient de se furonculer, comme dit Jacques Chazot.