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Je présente mes hommages à la dame dont le regard frise.

— Je… j’ignorais que tu fusses marié, Larry, mes compliments, ton épouse est sublime !

— Ça y est, sublime ! Toujours les mots les plus simples, grand fripon ! Évidemment que tu ignorais mon mariage : il date de trois jours. C’est notre honey moon !

— Eh bien ! mes félicitations, et tous mes vœux de bonheur !

Sa Merveilleuse remarque :

— Je croyais que tu ne devais rentrer que beaucoup plus tard ?

— La conférence de presse a été reportée à demain.

« Bon, des retrouvailles pareilles, ça s’arrose, hé ! Suivez le guide ! »

Il fonce au bar, bousculant un vieil ecclésiastique à col romain qui part dans le tourniquet des cartes postales.

J’ai du mal à me remettre de ma déception physique et de ma surprise. Dire que j’ai failli cocufier ce vieux Larry ! En avons-nous éclusé des bibines au Harry’s Bar de la rue Daunou, jusqu’aux aurores, à traiter, lui les Français de pauvres mecs, moi les Ricains de sales cons, jusqu’à ce qu’on parvienne à un gentleman’s agreement qui était que les Français sont de sales mecs et les Amerloques de pauvres cons.

Je voudrais pas dauber, mais je crois pas qu’il ait manda un prix de vertu, le gros sac à bière ! La dame qui se laisse tomber en trois minutes par un inconnu pendant sa lune de miel, merci bien, tu repasseras !

Guiness for Larry ! Son sang irlandais qui se tourne vers la mamelle sacrée. Moi, je refais confiance à John Alexander et à son fiston. Mary ne prend rien. Elle aussi a de la navrance dans sa culotte. Elle avait déjà vu briller ma bitoune dans mes yeux, la chère petite. Faut dire que c’est pas mister Golhade qui la fait grimper aux rideaux de l’alcôve ! Avec toute la bière qu’il s’envoie, ce dinosaure, m’étonnerait qu’il puisse gauler les noix avec son paf ! Pour arriver à le faire triquer, cézig, faut le mâchouiller longtemps et aussi lui raconter de belles histoires (ce qui est incompatible quand on est bien élevé).

Il me déballe son roman d’amour. Il a rencontré Mary à Nouille York la semaine passée. Elle faisait un stage dans son agence de presse. Ç’a été le coup de foudre de part et d’autre (qu’il dit, mais Mary regarde le plafond d’un drôle d’air). Ils se sont mariés quatre jours plus tard. Lui devait venir en Irlande couvrir le voyage des Reagan à Shannon ; il a amené sa jeune épouse avec lui pour « faire d’une pierre deux coups », « joindre l’utile à l’agréable », etc.

— Elle est belle, non ? fait-il en me touchant du coude.

— Davantage, réponds-je, si t’as que ça comme épithètes pour parler de ce joyau, largue le journalisme et lance-toi dans le commerce du bacon en gros !

Ça le fait esclaffer ! Du coup, il se commande une deuxième bière. Moi, y a une chose que j’ai DU MAL à piger, c’est ce qui a bien pu inciter cette féerie vivante qu’est Mary à épouser un immonde tas de lard rance.

Sûrement pas sa fortune : Larry a toujours été raide comme un passe. Si son zob l’était autant que son porte-monnaie, y aurait des chicanes sur son palier pour canaliser le flot des demandeuses ; quant à ses charmes, dis : vise-le une seconde, le frelot ! Sa bouille s’écroule sur son plastron. Vachement avalancheuse ! Il a les paupières là où la plupart des gens ont les joues et pour boutonner le col de sa limace, il passe la main par-dessous ses fanons et travaille au jugé. Peut-être a-t-elle pensé qu’il aiderait à sa carrière ? Faut pas lui retirer ça, Larry : côté professionnel, c’est un grand. Sa plume est acérée. Il a l’œil, l’esprit d’analyse, l’humour cruel. Aux Amériques, ils se disputent sa collaboration dans les baveux et y a pas une vraie table ronde sur un sujet de politique mondiale sans qu’on y traîne le gros Larry. Il accepte à condition d’avoir une chiée de boutanches de bière au pied de son siège, vu qu’il est contraint de mouiller la meule tous les dix mots. Il t’explique que c’est une carence de ses salivaires, Larry.

La jacte lui essore les muqueuses en deux coups les gros et sa menteuse se met à patiner s’il ne l’humecte pas à une fréquence accélérée. On a chacun ses problèmes.

Alors, pour m’en revenir à la jeune épousée, il faut qu’il me dise qu’elle est tchèque d’origine et qu’elle se prénomme en réalité Marika, mais elle a voulu américaniser son blaze.

Je l’écoute en continuant d’admirer, donc de convoiter sa belle. C’est malheureux, non ? La femme d’un copain ! Je peux pourtant pas flanquer des coups de baguette sur mon gros turlu pour l’inciter au calme ! Les voies de fait, c’est plus de notre époque ! Vivement qu’il calte à sa conférence de presse, le Larry, afin que je confectionne une vraie nuit de noces, même en plein jour, à sa chère et tendre !

— Tu vois ce type, fait-il à Mary, si on me donnait un dollar par gonzesse qu’il a culbutée, je pourrais acheter le Rockefeller Center. J’ignore ce qu’il leur fait, mais elles ne savent pas lui dire non. Pourtant il n’a rien d’exceptionnel, hein ? Il te dirait quelque chose, à toi ?

Elle parvient à garder son sérieux, et crois-moi, dans une telle conjoncture, faut posséder un sacré sang-froid.

Marika (je préfère son vrai prénom) répond, en me regardant d’un air paisible :

— Oh ! moi je t’aime, Larry, je ne suis pas à même de juger.

Qu’au même instant, elle croise ses jambes, la salope.

Ma rétine prend le choc de plein fouet. Mon champignon anatomique s’épanouit un peu plus mieux. Où ça va, ça ! Tu vois pas que mon bénouze explose !

Je tente d’avaler ma pomme d’Adam, mais c’est tout bloqué dans mon hémisphère Nord, peut-être pour compenser la frénésie de l’hémisphère Sud ?

— Dis voir, Sana, qu’est-ce que tu branles dans ce pays perdu ? Service commandé ?

— Penses-tu : j’ai largué la police, maintenant je m’explique dans l’import-export.

— Toi, quitter la Rousse !

— Tout arrive, les temps changent. J’ai eu des mots avec le nouveau régime.

— Et t’es venu leur acheter quoi, aux Irlandais, de la tourbe ?

— Je suis venu leur vendre des bagnoles. Je démarche pour la régie Renault. On prépare une trois chevaux à injection directe, avec freins décomposés, phares à iode, vitres teintées, allume-cigares électronique. C’est le gadget qui marche dans l’automobile. De nos jours, les conducteurs s’intéressent davantage au volant personnalisé qu’aux cylindres. Même le porte-clés est déterminant dans le choix d’une tire.

On bavasse à perde de vue. Mary-Marika dit qu’elle va aller s’attifer pour le dîner et nous laisse.

— On clape ensemble, hé ? tonitrue le Baron de l’Ecluse.

— Impossible : j’ai convié la responsable des achats d’Eurocar pour discuter d’un marché important.

— Elle est belle ? rigole Larry.

Je me drape.

— Je l’ignore, là n’est pas le problème.

— Avec toi, là est toujours le problème, Tonio. T’es une queue en balade. Dès que tu vois une concentration de poils frisés, tu plonges !

Sur ces paroles définitives, il commande sa cinquième Guiness.

Vive le roi Arthur !

AUX ALARMES CITOYENS !

La mignonnette d’Eurocar, elle est kif les infirmières ou les moniteur de ski : elle perd de son charme une fois en civil. Faut se gaffer des élans qu’on ressent pour une gerce en uniforme ; une fois dessapée, tu t’aperçois que son sex-appeal est resté au vestiaire. La môme en question, dans sa petite robe d’orpheline endimanchée, avec son manteau lie-de-vin, à col de fourrure synthétique, elle laisserait tomber sa culotte que tu te baisserais même pas pour la lui ramasser. Je suis un peu gêné de me pointer dans la salle à manger avec ce petit sujet à caution, sous les regards goguenards du couple Golhade.