Выбрать главу

— S’ils savaient ce qui les attend, fait-il.

Il me raconte qu’il a été marié à une Ecossaise, elle était si belle qu’elle posait pour les peintres. Un jour…

Bon, je n’écoute plus les misères du gars. Ce que je visionne sur l’écran me pompe l’air, tout soudain. La surprise m’est un seau de flotte dans le minois. Que je t’informe : le Président Reagan, madame, et leurs hôtes, se pointent à l’hostellerie Du Brackmar à la Licorne. Accueil délirant, ovations, poignées de main, sourire Colgate. Ces messieurs-dames prennent place à table. Et c’est alors que j’ai la secousse. Parmi l’assistance, en tenue de soirée, devine qui ? Tu donnes ta langue ? Bon, alors cherche un amateur, elle est trop dégueulasse pour moi.

Parmi l’assistance, donc, l’homme à l’Audi jaune et sa dadame qui pompe si divinement. Ce qu’ils branlent là, je l’ignore, de même que je ne sais s’ils appartiennent au clan irlandais ou au clan américain. Toujours est-il que le couple figure en bonne place dans ces agapes officielles.

Tout cela n’a duré qu’un instant, une poussière de moment, fumée du temps déjà dissoute dans le gros malaxage général. Mais cela suffit pour que le rideau se lève sur de nouvelles perspectives. L’emboîtage se fait sans douleur… Larry venait « couvrir » pour la presse le déplacement du Président ; voyage prévu depuis déjà un certain temps. Récemment, Golhade avait fait la connaissance de Marika, mariage éclair… Elle vient avec lui en Irlande. Leur voyage de noces finit tragiquement une fois que je me suis pointé dans leur espace vital. A la suite de leur « neutralisation définitive », un couple bizarre s’en prend à ma pomme. Me file. Est-ce lui qui bombine ma tire ? Probablement. Peu après, la dadame se jette sur moi et me viole dans la boutique d’un antiquaire aveugle. J’ai droit à la superbe dégustation expresse, qu’après quoi elle s’esbigne sans même me dire au revoir. Le couple s’efface de mon horizon. Et voilà que je le retrouve au banquet présidentiel, un paquet d’heures après les délices dont la femme m’a comblé.

Le veilleur de noye continue de me farcir les portugaises avec ses déboires conjugaux. Pas surprenant qu’elle se soit taillée, Ninette, avec un melon pareil en guise de mari. Les gnières ont des coups de tronche, plutôt des coups de cul, ensuite elles réagissent, découvrent la réalité et se font la paire avec un autre.

Tandis qu’il se met le cœur à jour, je gamberge sur ma ligne à haute tension. Pourquoi la femme à l’Audi jaune m’a-t-elle gloutonné le Nestor au débotté ? Elle serait nymphowoman ? Je revis par la pensée cet instant privilégié. Non, mon pote, mistress Lapipe s’est prodiguée calmement, j’allais dire « scientifiquement », usant d’une technique châtiée, calme et efficace. Rien d’une névrosée. Mais alors, pourquoi ? Par plaisir ?

Tiens, fume ! Elle agissait dans un but déterminé qui n’avait rien à voir avec la volupté.

L’Antonio plante là le portier de nuit. Justement, les infos s’achèvent comme quoi un camionneur de Dublin a violé une jouvencelle qui faisait du stop.

Coudes au corps, quatre à quatre, je grimpe à ma chambre. Me défroque en vitesse l’hémisphère sud.

Après quoi, je dévisse la glace de la coiffeuse et la place sous mon nécessaire à loncher, dans la lumière de la lampe histoire de pouvoir m’étudier l’anatomie par rétroviseur interposé. Quelqu’un qui m’apercevrait dans cette attitude se demanderait à quelle espèce de dévoyé sexuel j’appartiens. Me détrancher à m’en flanquer la torticole, je ne détecte rien de suspect sur mon terrain de manœuvre. Mon chauve à col roulé fait du surplace en attendant des instants plus frivoles, ses deux ballasts le transforment en canon dont le tube dodelinerait. Un système pileux, signe évident de virilité (je ne te fais pas dire, merci), emballe le tout.

J’ai pas l’habitude de m’investiguer les régions secrètes et je trouve cet examen déplaisant. Je déteste mesurer que je suis bassement organique, comme tout un chacun. Pour moi, mon corps n’est que le support de ma pensée et je n’arrive pas à admettre que, lorsqu’il déclarera forfait, mon bel esprit s’éteindra aussi sottement qu’une ampoule électrique quand on actionne l’interrupteur. Enfin, on verra bien !

Une tournée complète de ma physionomie inférieure ne me révélant rien, je m’apprête à abandonner cette inspection lorsque, juste au moment où je dépose le miroir sur le lit, je tique. Oh ! pour peu de chose : un bouton, plutôt un grain de beauté inconnu de moi m’est apparu, à la naissance de mon testicule gauche : celui qui engendre des enfants communistes quand on n’y prend pas garde.

Je reprends mon étude bitologique et dégage ma tignasse frisottée pour pouvoir regarder l’intrus en tête à tête, au fond des yeux.

La « chose » est à peine plus grosse qu’une tête d’épingle ; elle est brunâtre, lisse… Je la gratte avec l’ongle de mon délicieux auriculaire, dont je ne dirai jamais assez des services quotidiens qu’il me rend, depuis le réveil où généralement l’oignon vous démange, jusqu’au coucher où ce sont les oreilles qui vous chicanent.

La « chose » adhère. Grain de beauté, décidément. Il vous en survient, au fil du temps. Votre bidoche qui travaille comme le bois. O.K. Je remets la glace à la verticale de la coiffeuse et regagne mon slip, puis mon pantalon.

Mais quelque chose reste en moi : un mécontentement obscur. Alors j’extrais de mon portefeuille une loupe minuscule et je retombe le bénouze. Cette fois, mon examen plus poussé m’amène à une conclusion formelle : la « chose » n’est pas animale, mais en plastique. A l’aide de mon canif j’entreprends son extraction. L’arrachage est douloureux car ce machin adhérait puissamment à ma peau. A la place subsiste une rougeur consécutive à l’irritation.

Une fois posée sur le buvard du méchant sous-main d’hôtel, la « chose » ressemble à un petit bouton de corsage. Je note qu’elle est lourde compte tenu de son volume. Ma petite loupe en batterie me révèle sa nature. Il s’agit là d’un émetteur lilliputien chargé de révéler mes déplacements. Grâce à cette miniaturisation forcenée, astucieusement appliquée sur mon individu à un moment où des sensations fortes distrayaient ma viande, le couple à l’Audi jaune peut suivre à longue distance mes allées et venues.

Pour lors, je me rhabille complet. Dehors, le brouhaha des mariés qui s’en vont, perturbe la paix du Grand Hôtel. Des klaxons impudents saluent leur départ, comme dans un port les sirènes de bateaux accueillent le voilier venant de franchir l’Atlantique en solitaire.

Brusquement, le silence se fait. Cette brusque cessation du vacarme surprend. Je vais écarter un rideau.

J’aperçois une voiture de police sur le terre-plein, avec son gyrophare en action. Les noceurs croient que la « garda » intervient à cause d’eux et se tiennent coi.

Mais deux policemen en uniforme noir, casquette plate, talkie-walkie fixé au baudrier, sortent de la guinde et pénètrent dans l’hôtel.

« Bon, me dis-je en aparté, car je parle couramment cette langue, cette fois, cela va chier pour mon matricule. Un anonyme a prévenu les archers de ce qui s’est passé. Ils vont trouver le cadavre du garageo, m’alpaguer recta et me faire tant et tant de tracasseries que lorsque j’épouserai enfin Marie-Marie elle sera à la retraite. »

Refusant cette cruelle perspective, je me grouille de quitter ma piaule et d’enquiller le couloir opposé au mien. Quelques instants (au plus) après ma décarrade, je me retrouve sur l’arrière de l’hôtel. Hélas ! je suis du côté de ma première voiture et ne voilà-t-il pas que les flics radinent, escortés du pauvre veilleur de nuit qui, dans la « Famille Pas-de-bol » fait le cocu éploré.