Выбрать главу

Or, donc, je virgule « Connemara ». Et c’est la bonne réponse, celle à cent millions de centimes.

— Un moment ! fait celui qui ressemble le plus à son frère jumeau.

Il toque. Une voix de dame dit d’entrer. Il entre. Il cause. Il ressort. Il me fait signe que je peux. J’entre, je referme, je dis bonjour, je regarde.

La Présidente est devant une coiffeuse froufrouteuse, froufroutante, elle aussi, dans un déshabillé de Présidente en voyage. Elle est en plein ravalement de première urgence. Je te mastique par-ci, je te colmate par-là, je te file une deuxième couche de Ripolin sur les pommettes ; et « vlaouf ! » dans cette ride qui vient de céder !

Elle pose sur moi, via son miroir, ce regard bienveillant que douze maîtres de l’Actor’s Studio lui ont enseigné et qui charme la foule des Congrès et les téléspectateurs d’Outre-Atlantique.

Y a de la mansuétude à chier partout, là-dedans ; une disponibilité à toute épreuve. On sent qu’elle aime l’Amérique, cette personne, et son mari, ses enfants, la cuisinière, ses amies d’enfance qu’elle va voir à l’hospice une fois le mois.

Une bonté angélique l’éclaire du dedans. Elle est aussi blanche que sa Maison. Elle doit savoir pâtisser admirablement. Je la sens spécialisée dans le biscuit friable. Zeste d’orange ou eau de fleur d’oranger pour les parfumer.

— Navré de vous importuner, madame la Présidente, je dois m’entretenir avec le Président de toute urgence.

Elle a un tendre acquiescement et me désigne la salle de bains.

— Le Président se lave les dents, m’avertit-elle avec recueillement, sachant combien les moindres occupations du grand homme sont importantes.

Un bruit en bourrasque de chasse d’eau se déclenche.

— Je crois que le Président se les lave à grande eau, noté-je.

— Toujours, admet sa chère compagne.

Pieux mensonge car j’avise un dentier de forte taille sur la table de nuit. Je le reconnais : c’est le Président.

Je lui souris, le dentier me sourit. La porte de la salle de bains s’ouvre et le Grand Tome paraît, une serviette de bain nouée pardessus ses reliques. Je le trouve amaigri, mais il va se carrer le râtelier dans le concasseur et le voici requinqué. Il me dit :

— Hello ! Qui êtes-vous et que me voulez-vous ?

Cordial, si tu savais. Pas du tout renfrogné comme le nôtre qu’on a toujours l’impression de déranger pendant qu’il récite sa prière ou prépare sa prochaine circonférence de presse.

J’y vais de mon laïus préalable, comme quoi je suis un commissaire spécial français, attaché à l’Elysée et couvert absolument par son locataire. Je poursuis par un bref résumé de tout ça que je t’ai espliqué dans les chapitres précédents, que t’as qu’à relire si tu te rappelles plus, merde, je vais pas passer ma vie à te les résumer sous prétexte que tu as du fromage battu à la place des méninges ! Naturellement, je gomme les passages graveleux pour ne garder que l’épique.

Le Président, tu le verrais, en serviette de bain, ça reste un athlète complet. La peau fripée, ça, tu ne peux pas marcher sur tes quatre-vingts bouquets et ressembler à une carte postale d’Hamilton, avec les veines qui font surface et des tavelures en archipel de la Sonde.

Mais cela mis de côté, il a fière allure. Sa teinture est un peu trop foncée par rapport aux sourcils, sinon il paraît six mois de moins que son âge, je te jure. Je suis ému, malgré que les hommes, hein ? Même combat : les humbles comme les potes en tas. Une bouche, un trou du cul et des mètres de conduits pour aller de l’une à l’autre. Pas de quoi se relever la nuit pour les regarder dormir. Ils sécrètent, ils sont contents d’eux. A part ça, rien à signaler : le nul est mis !

Il m’écoute, mais comme c’est un homme d’action, (ça lui reste du temps du muet quand il faisait cove-bois au cinoche), m’interrompt :

— Pourquoi ne racontez-vous pas cela au chef de ma sécurité ?

— Je viens de le faire, monsieur le Président, mais il n’a pas eu l’air de me croire.

Reagan, tu vas voir s’il a du chou, non, parole, je blague plus. Il fait vieux branleur à roulettes, comme ça, quand tu le mates à la télé, mais il en trimballe dans le cigare, pépère.

— S’il ne vous a pas cru, pourquoi vous a-t-il remis le badge « X Y 24 » signé par moi, qui autorise la libre circulation jusqu’à ma personne ?

Bien pensé ! Bravo, Président !

Je souris.

— Comme il ne me croyait pas, je le lui ai chipé afin de pouvoir vous alerter directement, monsieur le Président.

Sa bobonne commet une explosion. Pas du tout consécutive à des flatulences, dis, elle es bien élevée ! mais parce qu’en sourcillant, elle a fait craquer les points de suture maintenant sa peau tirée.

Cet aveu que je fais, spontanément, effraie la chère grande dame. Par contre le Président éclate d’un rire que son dentier ne connaissait pas encore et qui le bloque en position décapotable, zut !

— Vous permettez ? je lui dis-je.

De la paume de main, façon cric de bagnole, je lui file un taquet sous le menton et sa panoplie de trente-deux pièces reprend une vitesse de croisière.

Il se remet à rire, mais plus prudemment.

— Vous avez volé le badge de O’Casion ?

— La preuve, Président.

Du coup il me claque l’épaule.

— Vous êtes un fameux marrant, vous, alors !

— Moi, oui, mais pas votre chef de la sécurité, Président.

Je sors une photo de ma vague. Elle représente le couple à l’Audi jaune, en tenue de soirée. La photo a été prise la veille au cours du dîner officiel et je viens de la dénicher au Connemara News, le canard de la région.

— Vous connaissez ces gens, Président ?

— Evidemment, c’est Stanislas Leczinsky, mon directeur de cabinet et son épouse.

— Eh bien ! voilà le couple qui a tenté de me neutraliser, Président !

— Impossible !

Maâme Reagane (la femelle, ça prend un « e ») proteste :

— Comment pouvez-vous prétendre une telle infamie ? M. Stany est un homme si gentil, si intelligent !

— Où loge-t-il ?

— Ici même, murmure le Président.

Cette fois, il ne se marre plus la moindre. Ce patacaisse le trouble.

— Président, reprends-je, vous ne pouvez vous permettre de courir le moindre risque. Dominez votre incrédulité et tenez compte de ce que je vous dis. Vous avez déjà morflé des pruneaux dans le burlingue, au début de votre quatrennat, ne restez pas toute votre vie comme un mannequin de grand magasin, à attendre qu’un rigolo défouraille sur vous. Faites venir Leczinsky, parlez-lui pendant une demi-heure de ce que vous voudrez, pendant ce temps, moi je vais m’occuper de sa dame. Je vois un magnéto de poche sur ce meuble, permettez-moi de vous l’emprunter un instant.

Il hésite. Un moment de désarroi. Ça lui fait comme s’il devrait appuyer sur le bouton de la bombe, ou quand, chez nous, le président décide de canonner les pêcheurs espagos qui viennent nous chourraver l’hareng saur à la barbe de nos véliplanchistes.

— Tu devrais faire confiance à cet homme, murmure sa mamie ; il a une bonne tête.

DICTIONNAIRE ORTHOGRAPHIQUE ET GRAMMATICAL[3]

Elle est occupée à se faire les ongles au moment où je m’annonce sans crier train, ni gare.

En soutien-loloches et slip délicat.

Noirs.

C’est très émoustillant, mais comme j’ai déjà donné, et de fraîche date, je suis moins électrisé que tu pourrais m’y attendre.

Elle croit à la venue d’un larbin et ne réagit pas immédiatement. Tu la materais, sur son lit, le dos contre deux oreillers, assise en tailleur, franchement t’aimerais et tu trouverais ça plus beau que la vue sur le Bosphore.

вернуться

3

A propos, faut que je t’avertisse tardivement que les titres de chapitres n’ont rigoureusement rien à foutre avec l’histoire. Les moins cons d’entre toi s’en seront peut-être aperçus.

San-A.