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Il était seul et abandonné, sans l’avantage d’être en sabbatique. Il était responsable du bien-être d’autres personnes. Sa vie et sa santé dépendaient de la façon dont Nessus parviendrait à amadouer la fille démente à moitié chauve qui les retenait prisonniers. Pas étonnant qu’il ne puisse dormir.

Pourtant…

Ses yeux le découvrirent enfin et s’y fixèrent. Son cycloplane.

Son cycloplane avec les ballons de secours déchirés qui traînaient par terre, le cycloplane de Nessus, juste derrière le sien, le cycloplane de Parleur, près du Kzin endormi, et le cycloplane à selle humaine, dépourvu de ballons de secours. Quatre cycloplanes.

Obsédé par la soif, il n’avait pas réalisé à la première observation. Et maintenant… le cycloplane de Teela. Il avait été caché par un des véhicules plus importants. Et pas de ballons de secours. Pas de ballons de secours…

Elle avait dû tomber lorsque le cycloplane s’était retourné. Ou être emportée quand l’enveloppe sonique avait cessé d’agir, à Mach 2.

Qu’avait dit Nessus ? On ne peut pas compter sur sa chance. Et Parleur : Si sa chance lui avait failli une seule fois, elle serait morte.

Elle était morte. Elle devait d’être.

Je suis venue avec toi, parce que je t’aime.

« Malchance », dit Louis. « Malchance que tu m’aies rencontré. »

Il se pelotonna sur le béton et s’endormit.

Beaucoup plus tard, il se réveilla en sursaut et s’aperçut que Parleur-aux-Animaux scrutait son visage. Le masque flamboyant de fourrure orange rendait ses yeux encore plus proéminents, et il avait un air de convoitise… Parleur demanda : « Pouvez-vous manger la nourriture du mangeur-de-feuilles ? »

— « Je n’ose pas essayer », répondit Louis. La vaste caverne résonante de son estomac rendit soudain toute autre chose insignifiante.

— « Je pense que, de nous trois, je suis le seul à être dépourvu de nourriture », dit doucement le Kzin.

Cet air de convoitise… Les cheveux de Louis se hérissèrent dans son cou. D’une voix égale, il dit : « Vous savez que vous disposez d’une source de nourriture. La question est de savoir si vous en ferez usage.

— « Certainement pas, Louis. Si l’honneur me commande de mourir de faim près d’une source de nourriture, je mourrai de faim. »

— « Bon. » Louis se retourna et fit semblant de se rendormir.

Quand il se réveilla quelques heures plus tard, il se rendit compte qu’il avait dormi. Son instinct devait faire confiance à la parole du Kzin. Si Parleur affirmait qu’il mourrait de faim, il mourrait de faim.

Sa vessie était pleine, une odeur désagréable lui emplissait les narines et la douleur de ses muscles était obsédante. La fosse résolut le premier problème et le cycloplane du Marionnettiste lui fournit de l’eau pour nettoyer les souillures de sa manche. Puis il alla en clopinant vers le robot médical de son propre cycloplane.

L’appareil n’était pas une simple boîte à pharmacie ; il mélangeait et dosait sur demande, et émettait ses propres diagnostics. Un appareil complexe ; et les neutralisateurs l’avaient mis hors d’usage.

La lumière diminuait.

Les cellules étaient munies, à leur partie supérieure, de trappes, elles-mêmes entourées de panneaux transparents. Louis s’allongea sur le ventre pour regarder à l’intérieur de l’une d’elles. Un lit, des toilettes à l’aspect bizarre et… la lumière du jour pénétrant par une fenêtre panoramique.

« Parleur ! » appela Louis.

Ils se servirent du désintégrateur pour s’y introduire. La fenêtre était grande et rectangulaire, étrange luxe pour une cellule de prison. Le verre avait disparu, seuls quelques éclats subsistaient autour du cadre.

Des fenêtres afin de se moquer des prisonniers, en leur montrant ce qu’était la liberté ?

La fenêtre ouvrait sur bâbord. Il faisait à moitié jour ; l’ombre du terminateur arrivait de l’orient, comme un rideau noir. En face se trouvait le port : des cubes qui devaient être des entrepôts, des docks pourrissants, des grues d’un dessin simpliste et élégant, et un énorme navire à coussin d’air en cale sèche. Tout cela réduit à l’état de squelettes rongés de rouille.

À gauche et à droite s’étiraient des kilomètres de littoral sinueux. Une plage, puis des docks, puis une autre plage…

La côte elle-même avait dû être construite de cette façon, une étendue de plage en pente douce, comme Waikiki, puis un rivage abrupt au-dessus d’une eau profonde, parfait pour un port, puis de la plage.

Au-delà se trouvait l’océan. Il semblait s’étendre à perte de vue, pour se dissoudre à l’infini-horizon. Essayez de regarder de l’autre côté de l’Atlantique…

Le crépuscule tomba comme un rideau, de la droite vers la gauche. Les lumières survivantes du Centre Administratif devinrent plus brillantes, tandis que la ville, le port et l’océan se fondaient dans l’obscurité. Le ponant était encore inondé d’une lumière dorée.

Parleur avait accaparé le lit ovale de la cellule.

Louis sourit. Il avait l’air si paisible, le guerrier kzinti. Il soignait ses blessures par le sommeil. Ses brûlures avaient dû l’affaiblir. Ou essayait-il d’endormir sa faim grandissante ?

Louis le laissa là.

Dans la pénombre de la prison, il retrouva le cyclo de Nessus. Sa faim était telle qu’il engloutit une brique de nourriture prévue pour un gosier de Marionnettiste, sans prêter attention au goût singulier. L’obscurité commençant à lui peser, il alluma les phares du cycloplane de Nessus, puis il en fit autant pour les autres cyclos. Quand tout fut allumé, l’endroit était brillamment éclairé, plein d’ombres étranges et compliquées.

Pourquoi Nessus restait-il si longtemps ?

Il n’y avait pas beaucoup de distractions, dans l’ancienne prison flottante. On ne pouvait passer qu’un certain temps à dormir, et Louis avait dormi son content. De même, il ne pouvait passer qu’un certain temps à se demander ce que le Marionnettiste pouvait bien faire là-haut, avant de penser qu’il allait peut-être se débarrasser d’eux.

Après tout, Nessus n’était pas seulement un étranger. C’était un Marionnettiste de Pierson, coupable d’une longue liste de manipulations d’Humains à ses propres fins. S’il parvenait à s’entendre avec un Ingénieur (présumé) de l’Anneau-Monde, il pourrait bien abandonner Louis et Parleur sur-le-champ, sans hésitation. Un Marionnettiste n’avait peut-être aucune raison de ne pas le faire.

Et il avait deux bonnes raisons de le faire.

Parleur-aux-Animaux risquerait certainement une dernière tentative pour s’emparer du Long Shot, afin de réserver aux seuls Kzinti le second quantum d’hyperpropulsion. Dans la bataille qui en résulterait, le Marionnettiste pourrait être blessé. Ce serait plus sûr d’abandonner Parleur maintenant — et d’abandonner Louis Wu aussi, parce qu’il refuserait sans doute de s’associer à une telle trahison.

En outre, ils en savaient trop. Teela morte, seuls Parleur et Louis étaient au courant des expériences marionnettistes dans la conduite de l’évolution. L’appât à grains stellaires, les Lois de Fertilité — si Nessus avait reçu l’ordre de divulguer de telles informations pour jauger les réactions de ses équipiers, il avait sans doute également reçu l’ordre de les abandonner quelque part au cours du voyage.

Ces pensées n’étaient même pas nouvelles. Louis s’attendait à quelque action de ce genre depuis que Nessus avait admis qu’ils avaient guidé un vaisseau outsider vers Procyon à l’aide d’un appât à grains stellaires. Dans un sens, sa paranoïa était justifiée. Mais il ne pouvait tanj rien faire pour l’arrêter.