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Les cinq planètes du Pionnier n’étaient pas équipées de canons électromagnétiques pour le freinage. Le Pionnier transportait du carburant à cet usage, condensé en route à partir de l’hydrogène interstellaire. Le vaisseau pouvait atterrir… mais où ?

Pas sur l’Anneau-Monde. Les défenses antimétéores les auraient anéantis.

Ils n’avaient pas reçu la permission d’atterrir sur la saillie du spatioport. Là, quelque chose n’allait pas.

Retourner vers l’un des mondes abandonnés ? Ce qui revenait à fonder un nouveau monde-colonie, avec trente-trois hommes et trois femmes ?

« Ils étaient prisonniers de leur routine, mal préparés pour prendre une telle décision. Ils ont paniqué », dit Nessus. « Ils se mutinèrent. Le pilote du Pionnier parvint à s’enfermer dans le poste de pilotage assez longtemps pour poser le vaisseau sur la saillie du spatioport. Ils le tuèrent pour avoir risqué leurs vies », dit Halrloprillalar. « Je me demande s’ils ne l’ont pas tué en vérité pour avoir violé la tradition, pour avoir atterri sur fusées et sans permission officielle. »

Louis sentit des yeux sur lui. Il regarda vers le haut.

La fille astronaute les observait toujours. Et Nessus la regardait d’un œil, le gauche.

C’était donc la tête gauche qui recelait le tasp. Et voilà pourquoi Nessus avait constamment gardé la tête levée. Elle ne voulait pas perdre Nessus de vue, et il ne voulait pas la laisser hors de l’emprise délicieuse du tasp.

« Après le meurtre du pilote, ils quittèrent le vaisseau », continua Nessus. « C’est alors qu’ils apprirent l’étendue du mal que leur avait causé le pilote. Le brone cziltang était inerte, brisé. Ils étaient échoués du mauvais côté d’un mur haut de quinze cents kilomètres.

» Je ne connais pas l’équivalent de brone cziltang en interworld ou dans la Langue Héroïque. Je peux seulement vous expliquer ce qu’il fait ; et c’est crucial pour nous tous. »

— « Expliquez », dit Louis Wu.

Les Ingénieurs de l’Anneau-Monde avaient conçu celui-ci à l’épreuve des pannes. Sous de nombreux aspects, ils semblaient avoir prévu la chute de la civilisation et agi dans ce sens, comme si les cycles successifs de culture et de barbarie étaient le destin naturel de l’Homme. La structure complexe de l’Anneau-Monde ne faillirait pas en cas de négligence. Les descendants des Ingénieurs pourraient oublier comment entretenir les sas et les canons électromagnétiques, comment déplacer des planètes et construire des voitures volantes ; la civilisation pouvait disparaître, l’Anneau-Monde survivrait.

Les défenses antimétéores, par exemple, étaient si absolument sûres que Halrloprillalar…

« Appelez-la Prill », suggéra Louis.

… que Prill et son équipage n’ont jamais douté qu’elles fonctionnaient.

Et le spatioport ? Que se passerait-il si quelque idiot laissait les deux portes du sas ouvertes ?

Il n’y avait donc pas de sas ! À sa place, il y avait le brone cziltang. Cet appareil émettait un champ qui rendait la structure de charpente de l’Anneau — et donc le parapet — perméable à la matière. Une certaine résistance subsistait. Tant que le brone czittang fonctionnait…

« Générateur d’osmose », suggéra Louis.

— « Peut-être. Je suspecte brone d’être un modificateur, probablement avec un sens obscène. »

… l’air filtrait, mais lentement, tant que le générateur d’osmose fonctionnait. Les hommes pouvaient traverser, dans leur combinaison pressurisée, comme s’ils avaient marché contre un vent régulier. Les machines et les masses importantes étaient tirées par des tracteurs.

— « Et l’air respirable pressurisé ? » demanda Parleur. Mais ils le fabriquaient à l’extérieur, à l’aide des transmuteurs !

C’est vrai, l’Anneau-Monde disposait de transmutations à bon marché. Mais seulement pour des quantités importantes, et il y avait d’autres limitations. L’appareil lui-même était gigantesque. Il ne pouvait transformer qu’un seul élément en un seul autre élément. Les deux transmuteurs du spatioport transformaient le plomb en azote et en oxygène ; le plomb était facile à entreposer et à transporter à travers le parapet.

Les générateurs d’osmose étaient des dispositifs de sécurité. Si un sas se détériore, un véritable ouragan d’air respirable peut être perdu. Mais si le brone cziltang se détériorait, l’effet le plus grave serait que le passage resterait fermé à toute communication… et, par voie de conséquence, aux astronautes de retour.

« Et à nous aussi », dit Parleur.

Louis intervint : « Pas si vite. On dirait que ce générateur d’osmose est exactement ce qu’il nous faut pour quitter l’Anneau-Monde. Nous n’aurions même pas besoin de déplacer le Menteur. Il suffirait de pointer le brone cziltang… » — la façon dont il prononça ressemblait à un éternuement — vers le sol, en dessous du Menteur. Celui-ci s’enfoncerait à travers la charpente de l’Anneau comme dans des sables mouvants. Et il en ressortirait de l’autre côté.

— « Pour rester emprisonné dans la couche antimétéores de mousse plastique », rétorqua le Kzin. Puis « Pardon. L’arme des Négriers nous sortirait de là. »

— « Exactement ! Malheureusement », dit Nessus, « nous ne disposons d’aucun brone cziltang ?

— « Elle est ici. Elle est passée, d’une façon ou d’une autre ! »

— « Oui… »

Les magnétohydrodynamiciens durent virtuellement apprendre une nouvelle profession avant de pouvoir commencer à reconstruire le brone cziltang. Cela leur prit plusieurs années. L’appareil était tombé en panne en cours de fonctionnement : il était en partie tordu et fondu. Il leur fallut fabriquer de nouvelles pièces ; recalibrer ; utiliser des éléments dont ils savaient qu’ils ne résisteraient pas, tout en espérant qu’ils tiendraient assez longtemps…

Il y eut un accident en cours de travail. Un faisceau d’osmose, détourné par une mauvaise calibration, traversa le Pionnier. Deux hommes de l’équipage moururent, enfoncés jusqu’à la taille dans le plancher métallique, et dix-sept autres subirent des lésions du cerveau ainsi que d’autres dommages, certaines membranes perméables étant devenues trop perméables.

Mais les seize restants parvinrent à traverser. Ils emmenèrent les idiots avec eux. Ils emportèrent aussi le brone cziltang, au cas où le nouvel Anneau-Monde se révélerait inhospitalier.

Ils se retrouvèrent dans un monde sauvage, en pleine barbarie.

Quelques années plus tard, quelques-uns essayèrent de ressortir.

Le brone cziltang tomba en panne au cours de l’opération, emprisonnant quatre d’entre eux dans le parapet. C’en était fini. Ils savaient à ce moment qu’aucune pièce de rechange ne serait disponible sur l’Anneau-Monde.

« Je ne comprends pas comment l’Anneau-Monde a pu retourner si vite à la barbarie », dit Louis. « Vous dites que le Pionnier suivait un cycle de vingt-quatre ans ? »

— « Vingt-quatre ans selon le temps du vaisseau, Louis. »

— « Oh ! Alors, cela doit faire une sacrée différence ! »

— « Oui. Pour un vaisseau qui se déplace sous une poussée d’une gravité, les étoiles sont en général séparées par trois à six années-lumière. Les distances réelles étaient grandes. Prill parle d’une région abandonnée, deux cents années-lumière plus près du plan galactique principal, où trois soleils étaient groupés à moins de dix années-lumière les uns des autres. »