Выбрать главу

— « Et nous aussi », dit Louis Wu.

— « Oui. Nous avons eu de la chance de rencontrer Halrloprillalar. Elle nous a épargné un voyage inutile. Nous n’avons plus de raison d’aller jusqu’au parapet. »

Louis ressentit un élancement dans la tête. Il allait avoir une migraine.

— « De la chance », maugréa Parleur-aux-Animaux. « En vérité, si ceci est de la chance, pourquoi ne suis-je pas joyeux ? Nous avons perdu notre seul but, notre maigre et dernier espoir de fuite. Nos véhicules sont détruits. Un membre de notre équipe est perdu dans cette ville-labyrinthe. »

— « Morte », dit Louis. Comme ils le regardaient d’un air interdit, il leur montra quelque chose dans la pénombre. Éclairé par les phares des autres, le cycloplane de Teela, sans ses ballons de secours, leur devint évident.

Il dit : « À partir de maintenant, il faudra que nous fabriquions notre chance nous-mêmes. »

— « Oui. Rappelez-vous, Louis, que la chance de Teela est sporadique. Sans cela, elle ne serait pas venue à bord du Menteur. Sans cela, nous ne nous serions pas écrasés. » Le Marionnettiste fit une pause, puis il ajouta « Je compatis, Louis. »

— « Nous la regretterons », gronda Parleur.

Louis hocha la tête. Il semblait qu’il aurait dû être plus affecté. Mais l’incident de l’Œil-Cyclone avait altéré ses sentiments pour Teela. À ce moment, elle lui avait paru moins humaine que Parleur ou Nessus. Elle était un mythe. Les étrangers, eux, étaient réels.

« Nous devons trouver quelque chose », reprit Parleur-aux-Animaux. « Il nous faut un moyen de lancer le Menteur dans l’espace. Je confesse cependant que je n’ai aucune idée. »

— « J’en ai une », dit Louis.

Parleur sembla étonné. « Déjà ? »

— « Je veux y réfléchir un peu plus. Je ne suis même pas sûr que ce soit raisonnable, et encore moins réalisable. De toute façon, il va nous falloir un véhicule. Pensons à cela. »

— « Un traîneau, par exemple. Nous pouvons utiliser le cycloplane qui nous reste pour le remorquer. Un grand traîneau, peut-être le mur d’un bâtiment ? »

— « Nous pouvons faire mieux. Je suis sûr que je peux convaincre Halrloprillalar de me faire explorer la machinerie qui soutient ce bâtiment. Peut-être le bâtiment lui-même peut-il nous servir de véhicule ?

— « Essayez », dit Louis.

— « Et vous ? »

— « Donnez-moi du temps. »

Le cœur du bâtiment était tout en machines. Une partie était le système ascensionnel, une autre commandait le conditionnement d’air, les condenseurs d’eau et les robinets ; une partie isolée comportait les générateurs des pièges électromagnétiques. Nessus travaillait. Louis et Prill le regardaient, s’ignorant mutuellement d’un air gêné.

Parleur était toujours en prison. Prill avait refusé de le laisser monter.

« Elle a peur de vous », avait dit Nessus. « Nous pourrions sans doute insister. Nous pourrions vous mettre sur l’un des cycloplanes et refuser d’aborder à la plate-forme sans vous. Elle serait obligée de vous faire monter. »

— « Elle pourrait me faire monter à mi-hauteur et me laisser tomber. Non. »

Mais elle avait accepté Louis.

Il l’étudia tout en feignant de l’ignorer. Sa bouche était étroite, presque sans lèvres. Son nez était petit, droit et mince. Elle n’avait pas de sourcils.

Pas étonnant qu’elle eût semblé dépourvue d’expression. Ses traits avaient l’air d’esquisses sur un mannequin de chapelier.

Après deux heures de travail, Nessus passa la tête par un panneau d’accès. « Je ne peux pas nous fournir de propulsion. Les champs ascensionnels ne peuvent faire plus que nous soutenir. Mais j’ai libéré le mécanisme correcteur qui nous maintenait au-dessus d’un point précis. Le bâtiment est maintenant à la merci des vents.

Louis sourit : « Ou d’un remorquage. Attachez un filin à votre cycloplane et tirez le bâtiment derrière vous. »

— « C’est inutile. Le cycloplane utilise un servo-propulseur. Nous pouvons le garder à l’intérieur des murs. »

— « Vous y avez pensé le premier, hein ? Mais ce servopropulseur est terriblement puissant. Si le cyclo se libérait ici, à l’intérieur… »

— « Ouiii… » Le Marionnettiste se tourna vers Prill et parla lentement et longuement dans la langue des Ingénieurs de l’Anneau-Monde. Puis il dit à Louis : « Il y a une réserve de plastique à catalyse électrique. Nous pouvons enrober le cycloplane de plastique, en ne laissant dépasser que les commandes.

— « . N’est-ce pas un peu exagéré ? »

— « Louis, si le cycloplane venait à se libérer, je pourrais être blessé. »

— « Bon… peut-être. Pouvez-vous poser le bâtiment si c’est nécessaire ?

— « Oui. Il y a un contrôle d’altitude. »

— « Alors nous n’avons pas besoin d’un véhicule de reconnaissance. D’accord. Allons-y ! »

Louis se reposait, sans dormir. Allongé sur le dos, sur un grand lit ovale, il regardait à travers le dôme vitré du plafond.

La couronne solaire commençait à luire sur l’arête d’un carré d’ombre. L’aube était proche ; mais l’Arche était encore bleue et brillante dans le ciel noir.

« Je dois être dingue », dit-il.

Et : « Que pouvons-nous faire d’autre ? »

La chambre avait dû faire partie de la suite du gouverneur. C’était maintenant un poste de pilotage. Nessus et lui avaient monté le cycloplane dans un réduit et déversé du plastique tout autour. Puis — avec l’aide de Prill — ils avaient fait passer un courant électrique dans le plastique. La taille du réduit était juste à la mesure.

Le lit avait une odeur de vieux. Il crissait à chacun de ses mouvements.

« Poing-de-Dieu », dit Louis dans l’obscurité. « Je l’ai vu. Quinze cents kilomètres de haut. C’eût été absurde de bâtir une montagne d’une telle hauteur, surtout quand… » Sa voix s’éteignit.

Et, soudain, il s’assit tout droit sur son lit en criant : « Le fil des carrés d’ombre ! »

Une ombre entra dans la chambre.

Louis se figea. L’entrée était sombre. Pourtant, la répartition subtile de courbes d’ombre révélait les mouvements fluides d’une femme nue qui marchait vers lui.

Hallucination ? Le fantôme de Teela Brown ? Elle fut près de lui avant qu’il n’eût décidé. Parfaitement sûre d’elle-même, elle s’assit sur le lit. Elle tendit un bras pour toucher son visage et fit courir la pointe de ses doigts sur sa joue.

Elle était presque chauve. Bien que sa chevelure sombre fût longue et épaisse, et se balançât quand elle marchait, ce n’était qu’une frange large de trois centimètres qui poussait à la base de son crâne. Dans l’ombre, les traits de son visage avaient pratiquement disparu. Mais son corps était charmant. Il voyait ses formes pour la première fois. Elle était mince, avec des muscles effilés comme ceux d’une danseuse professionnelle. Ses seins étaient hauts et lourds.

Si son visage s’était accordé avec sa silhouette…

« Va-t’en », dit Louis sans dureté. Il lui prit le poignet, interrompant le mouvement de ses doigts sur son visage. La caresse avait été douce comme un massage facial chez l’esthéticienne, infiniment relaxant. Il se leva, la força à se mettre debout et la prit par les épaules. S’il se contentait de la faire pivoter et de lui donner une tape sur le postérieur ? …

Elle passa ses doigts le long de son cou, sur les côtés. Elle se servait de ses deux mains, maintenant. Elle le toucha sur la poitrine, ici, là, et Louis Wu fut soudain aveuglé de désir. Ses mains se serrèrent sur les épaules de la fille comme des étaux.