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— « Et après cela ? »

— « Après cela, nous verrons si je suis vraiment dingue. »

La tour se déplaçait vers tribord, pareille à un paquebot aérien. Les vaisseaux stellaires n’étaient jamais si spacieux. Quant aux navettes spatiales, il n’y avait rien de comparable dans l’Espace connu. Six ponts sur lesquels se promener ! Quel luxe !

Mais certains autres luxes manquaient, en revanche. Les réserves de nourriture consistaient en viande gelée, fruits frais et l’autocuisine du cycloplane de Nessus. D’après celui-ci, la nourriture des Marionnettistes manquait de valeur nutritive pour les Humains. Louis mangea donc pour son petit déjeuner et son dîner de la viande grillée à la lampe laser et des fruits orange bosselés.

Et il n’y avait pas d’eau.

Ni de café.

Ils persuadèrent Prill de leur trouver des bouteilles d’une boisson alcoolique, et procédèrent à une tardive cérémonie de baptême, dans la chambre-passerelle. Parleur avait été courtoisement relégué dans un coin éloigné, et Prill rôdait prudemment près de la porte. Personne n’accepta le nom que suggéra Louis : Improbable ; il y eut donc quatre baptêmes, l’un après l’autre, en quatre langues différentes.

La boisson était… aigre. Parleur ne put en boire et Nessus n’essaya même pas. Mais Prill en vida une bouteille, reboucha les autres et les remisa soigneusement.

Le baptême devint une leçon de langues étrangères. Louis apprit quelques rudiments de la langue des Ingénieurs de l’Anneau-Monde. Il s’aperçut que Parleur apprenait beaucoup plus vite que lui. C’était logique. Parleur et Nessus avaient été entraînés à comprendre les langues humaines, les modes de pensée, les limitations de parole et d’ouïe. Ceci était dans leurs cordes.

Ils s’interrompirent pour le dîner. Encore une fois, Nessus mangea seul, utilisant l’autocuisine de son cycloplane, tandis que Louis et Prill mangeaient de la viande grillée et que Parleur la mangeait crue, ailleurs.

Ensuite, la leçon se poursuivit. Louis en avait assez. Les autres avaient tant d’avance sur lui qu’il avait l’impression d’être un crétin.

« Mais, Louis, il faut que nous apprenions la langue. Nous voyageons lentement, et nous devons nous procurer de la nourriture. Nous aurons fréquemment à parlementer avec les indigènes. »

— « Je sais. Je n’ai jamais aimé les langues étrangères. »

La nuit tomba. Même à cette distance de l’Œil-Cyclone, la couverture de nuages était ininterrompue et il faisait sombre comme dans la gueule d’un dragon. Louis demanda une pause. Il était fatigué, irritable, et désespérément peu sûr de lui. Les autres respectèrent son repos.

Dans une dizaine d’heures, ils passeraient l’Œil-Cyclone.

Il flottait à la lisière d’un sommeil sans repos lorsque Prill revint. Il sentit des mains le caresser lascivement et il tendit les bras.

Elle recula hors d’atteinte. Elle parla dans sa propre langue, mais simplifiée en une sorte de petit nègre pour qu’il pût comprendre.

« Tu commandes ? »

Louis réfléchit, les yeux vagues. « Oui », dit-il, parce que la situation réelle était trop compliquée.

— « Dis à celui qui a deux têtes de me donner sa machine. »

— « Quoi ? » Louis cherchait ses mots. « Sa quoi ? »

— « Sa machine qui me rend heureuse. Je la veux. Tu lui prends. »

Louis se mit à rire, car il pensa qu’il l’avait comprise.

« Tu me veux ? Tu la prends », répéta Prill en colère.

Le Marionnettiste détenait quelque chose qu’elle voulait. Elle n’avait pas de prise sur lui, car il n’était pas un Homme. Louis Wu était le seul Homme ici. Grâce à son pouvoir, Prill pourrait lui faire faire ce qu’elle voulait. Cela avait toujours marché ; n’était-elle pas une déesse ?

Les cheveux de Louis avaient dû la tromper. Elle avait dû en déduire qu’il appartenait à la classe inférieure chevelue, peut-être à moitié Ingénieur par son visage, mais rien de plus. Il devait donc être né après la Chute des Villes. Pas d’élixir de jeunesse. Il devait être dans sa prime jeunesse.

— « Tu avais raison », dit Louis en interworld. Prill serra les poings de colère, car la moquerie était évidente. « Tu aurais pu faire ce que tu voulais d’un Homme de trente ans. Mais je suis bien plus vieux que cela ! » Et il se remit à rire.

— « La machine. Où la met-il ? » Dans l’obscurité, elle se pencha vers lui, ombre charmante et suggestive. Son crâne luisait faiblement, ses cheveux s’étalaient sur ses épaules. Louis sentit son souffle s’arrêter.

Il trouva les mots pour dire « Collée contre son os, sous la peau. Une tête. »

Prill émit une sorte de grondement. Elle avait dû comprendre ; le gadget était implanté chirurgicalement. Elle se retourna et sortit.

Louis eut un instant envie de la suivre. Il la désirait plus qu’il ne voulait bien l’admettre. Mais elle le posséderait s’il la laissait faire, et ses motifs à elle ne concordaient pas avec les siens à lui.

Le sifflement du vent s’élevait graduellement. Le sommeil de Louis devint superficiel… et se fondit dans un rêve érotique.

Il ouvrit les yeux.

Prill était à genoux devant lui, l’enfourchant comme un succube. Ses doigts se déplaçaient légèrement sur la peau de sa poitrine et de son ventre. Ses hanches bougeaient rythmiquement et Louis répondit à son mouvement. Elle jouait avec lui comme d'un instrument de musique.

« Quand j'aurai fini, je te posséderai », chantonna-t-elle. Sa voix trahissait le plaisir, mais ce n'était pas le plaisir qu'une femme tire d'un homme. C'était l'excitation du pouvoir dominateur.

Son contact était une joie épaisse comme un sirop. Elle connaissait un secret ancien et terrible : que chaque femme est née avec un tasp et que ce pouvoir est sans limite si elle apprend à l'utiliser. Elle en userait et se refuserait, en userait et se refuserait, jusqu'à ce que Louis implore le droit de la servir…

Quelque chose changea en elle. Son visage n'en montrait rien ; mais il perçut la plainte chantante de son plaisir et il sentit son mouvement se transformer. Elle bougea et ils ne firent plus qu'un, et l'explosion roulante qui les traversa semblait entièrement subjective.

Elle resta étendue près de lui toute la nuit. De temps à autre, ils se reveillaient et faisaient l'amour, puis se rendormaient. Si prill fut déçue à ces moments-là, elle n'en montra rien, ou Louis ne s'en aperçut pas. Il savait seulement qu'elle ne jouait plus de lui comme d'un instrument. Ils jouaient en duo.

Quelque chose était arrivé à prill. Il croyait savoir ce que c'était.

Le jour pointa, gris et orageux. Le vent hurlait autour de l'ancien bâtiment. La pluie fouettait la baie vitrée de la passerelle et s'engouffrait par les fenêtres brisées aux étages supérieurs. L'Improbable se rapprochait de l'Œil-Cyclone.

Louis s'habilla et quitta la passerelle.

Il rencontra Nessus dans le hall. « Vous ! » cria-t-il.

Le marionnettiste fit un écart. « Oui, Louis ? »

— « Qu'avez-vous fait à Prill, la nuit dernière ? »

— « Soyez reconnaissant, Louis. Elle essayait de vous contrôler, de vous asservir. Je l'ai entendue. »

— « Vous avez utilisé votre tasp ! »

— « Je lui ai donné trois secondes à mi-puissance pendant que vous étiez en train de vous livrer à votre acte reproducteur. Maintenant, c'est elle qui est conditionnée. »

— « Espèce de monstre ! Monstre égotiste ! »

— « N'approchez pas, Louis. »

— « Prill est un être humain doué de libre arbitre ! »

— « Et votre libre arbitre ? »