Выбрать главу

Bref, la cérémonie s'achève dans l'euphorie, et le ministre des Travaux publics offre à sa souveraine, en souvenir de cette belle journée, une pochette d'allumettes réclame.

* * *

Le festin qui suit est digne de l'empire romain, les mecs ! Mes amis Oliver, Terrail, Carrère ou Albert du Bistroquet organiseraient les mêmes, faudrait qu'ils mettent le prix du couvert à cent raides anciens pour sélectionner un peu le clille, éviter la farouche bousculade, le siège de leurs chapelles à dents. Faut y participer pour y croire. Comprendre pourquoi la capitale des Malotrus se nomme Obsénité-Atouva !

C'est si tellement gaillard que j'ose pas vous le décrire. D'abord, vous diriez que j'invente, chinois comme je vous sais. Et y'aurait des bêcheurs qui réclameraient mon interdiction, à corps, à cris et au ministre de l'Intérieur. Je ne serais plus publié qu'au Liechtenstein. Notez qu'on organiserait des navettes de cars pour permettre aux touristes français de venir y acheter ma généreuse prose. Ils seraient obligés de planquer mes bouquins dans leur kangourou, pour me passer la frontière, les gueux ! Enfin, j'occuperais la place que je mérite ! Plus près de toi, mon Dieu ! Ça leur vaudrait des tourments de la part des douaniers, biscotte mes potes de la dogana leur kidnapperaient la belle provende pour s'éviter le voyage. Non, décidément, ça serait trop lourd de conséquences un reportage sur le festin de la reine Kelbobaba.

Ça provoquerait un scandale trop terrible ! Pas le moment de chiquer les fauteurs de troubles. Déjà ça se chamaille ferme à mon sujet. Y'a ceux qui me lisent, et ceux qui m'élisent… mécréant d'honneur vu que j'insubordonne et que je prends pas au sérieux les ce pourquoi ils se font médailler, sodomiser, buter et tout. Alors, molo pour la description. La vérité, faut lai fringuer couleur de muraille. L'attendre à sa sortie du puits avec un peignoir de bain grand ouvert pour l'éviter de choquer et d'éclabousser. C'est pourquoi je vigilance. Ma carrière qui est en jeu, je vous dis. C'est pas pour moi, je m’en fous ; (je me fous de tellement de choses me concernant que, par moments, je me dis qu'il faudrait p’t’être bien consulter un docteur ; aller a Lourdes ou à Fatima pour me faire miraculer sur les bords) mais c'est pour vous que je voudrais pas sevrer du jour au lendemain.

Bon, maintenant que je vous ai fait saliver des glandes inférieures, faut quand même que je vous donne une idée de la chose, non ? Il va pas tomber dans la fosse à pudeur, votreSan-A. ! Sans appeler un chat un chat, on peut au moins l'appeler minet, hein ?

Donc, le festin…

Ah ! mort de mes culs d'aïeux ! Cette vision bachique ! Je me risque ? Dites, si je dépasse la dose autorisée, faites-moi signe, je freinerai.

Ces agapes ont lieu dans la salle basse (qu'on appelle en souvenir de l'occupation espagnole de 1775 la calebasse). Imaginez une pièce assez vaste pour sembler immense, basse de plancher et de plafond, avec un aquarium taillé dans la masse sur tout un côté du mur d'en face, hmmm ? Vous mordez ? Dans l'aquarium il y a des poissons, ce qui jusque-là n'est pas propre à vous stupéfier, mais en compagnie des poissons nagent aussi des jeunes filles entièrement nues qui parviennent à rester trois quarts d'heure sous l'eau en ne respirant qu'avec leur pouce qu'elles se placent dans le rectum. Elles sont au nombre d'une demi-douzaine. Ce sont les six sirènes de la reine (Six sirènes est une variante malotrusienne de Sissi Impératrice)[17].

Une table de six cents doigts[18] occupe le centre de la pièce. Dans le fond, sur une estrade drapée de velours, la table de Kelbobaba à laquelle nous sommes conviés, Béru et moi, ainsi que les membres du gouvernement, fait songer à la scène d'un théâtre.

La souveraine m'a pris à sa droite et a placé le Gros à sa sinistre. Tous les convives d'honneur font face à la salle où se déroule le fin des faims. Figurez-vous que

CENSURÉ PAR L'EDITEUR

ce qui, vous en conviendrez, est d'une pornographie jamais atteinte.

Quant aux filles blondes qui ont voyagé en notre compagnie, et sur le compte desquelles Béru pourrait dresser un rapport aussi sexuel que circonstancié, elles participent aux réjouissances et en constituent, comme qui dirait, le clou.

On les a installées nues au milieu de la table, et

CENSURÉ PAR L'IMPRIMEUR[19]

vous comprendrez parfaitement que dans de telles conditions, d'emblée, le banquet dégénère en une vaste

CENSURÉ PAR LA CENSURE[20]

pareil foutoir.

Pour une cour royale, passez-moi la cantharide et réparez le robinet d'eau chaude ! Ah ! ma douleur, quel banquet ! On en a le rouge aux joues, le feu au dargif, le popaul qui trépigne, les glandes qui pâmoisent.

Le plus duraille c'est que, dans tout ça, les officiels dont nous sommes ont droit à balle-peau. Ils peuvent que crier ce « olé » comme à la corrida en assistant aux plus belles passes ! Et puis d'abord, la reine exceptée, il n'y a pas de polkas à notre table. Mais le vice-baron Béru se laisse pas déchiqueter le sensoriel. Sur Sa Majesté qu'il se défoule, Alexandre-Benoît. Il a la paluche qui investigue drôlement dans le bustier royal, je vous le dis. Et il débite des trucs bougrement ensorcelants. On ne peut pas croire combien la frénésie calbardière peut donner de l'inspiration, du vocabulaire et le sens de la métaphore à cet être fruste. Il trémolise dans les étiquettes éléphantesques de la reine :

— Ma jolie jesté, lui gazouille pépère, veuve comme vous êtes, et en voyage comme je suis, on doit s'opérer tous les deux une mignonne rencontre au sommier. Vous savez que vous êtes mon genre, dans votre genre ?… Tous vos grands défonceurs ici présents me font pitié quand je mesure la lagune de leur instruction. Pas de fantoche, ma reine. C'est pas des hommes, mais des pompes à bière. Ils ont pas le don de l'invention, si vous voudrez que je vous dise. Chez nous en Fr… en Angleterre, se repêche le Dodu, des collégiens feraient beaucoup mieux. Si je peux me permettre, grâce à la vice-baronnerie dont vous avez bien voulu m'honorer, entre la banane et le fromage au lait de noix de coco, on s'éclipse sur la pointe des nougats et vous m'emmenez visiter votre collection d'estampage japonaise dans vos appartements privés. D'accord ?

Et il ponctue, de gestes téméraires, ces entreprenantes paroles. La grosse Kelbobaba se trémousse à l'intérieur de son saindoux. Elle donne de l'épiderme, c'est visible. Elle a du trouble dans le regard et des spasmes sous la ligne de partage des eaux. Pourtant elle tient bon son gouvernail souverain.

— Ne prononcez pas de pareilles folies, mon ami, susurre-t-elle, très stendhalienne de ton. Pour être femme je n'en suis pas moins reine, et je me dois avant tout aux exigences de ma charge !

— Pour être reine, vous n'en êtes pas néanmoins femme, objecte Béru, comme dans une pièce de Bernstein. Je vois pas pourquoi vous auriez pas droit aux doigts de pieds en bouquet de violette, comme toute une chacune !

— L'étiquette, mon pauvre ami, râlotte la chère personne.

— Ecoutez, Kelbo, s'enhardit le Gros (il en est délibérément au diminutif), y a des moments que votre étiquette vous devriez la coller sur un bocal de confiture et plus y penser. Alors, toute jeunette comme je vous voilà, vous vous mettriez la tringle à cadenas parce que votre monarque a chopé la myxomatose ! Permettez, pour lors, que je m'insurgeasse.

вернуться

17

Je voulais vous faire remarquer quelque chose, mais je ne me rappelle plus quoi, excusez-moi.

вернуться

18

Aux Malotrus on ne se sert pas de couverts, on bouffe avec les doigts. Une table de six cents doigts représente donc soixante personnes.

вернуться

19

Le linotypiste aurait déposé une plainte à son syndicat ou aurait fait un malheur chez les brocheuses.

вернуться

20

Dommage, y en avait trois chapitres ! San-Antonio.