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Ce cristal avait la bénéfique propriété d’être allergique à l’électricité. Lorsqu’il était soumis au moindre courant, il évitait l’altération de sa structure électronique en disparaissant tout simplement de l’espace normal jusqu’à l’interruption du courant. Le côté intéressant de cette disparition (du point de vue astronautique) était que le cristal ne disparaissait pas seul mais entraînait tous les objets qui l’entouraient dans un certain rayon. Il était apparu qu’un cristal de présodynimium de quarante centimètres » de diamètre pouvait entraîner un astronef de trente mètres dans l’hyper-espace en un clin d’œil. Bien entendu, il pouvait entraîner aussi tout autre objet se trouvant dans un rayon de quinze mètres autour de lui. On ne déclenchait donc le processus que lorsque le vaisseau avait quitté l’atmosphère d’une planète, de crainte qu’un morceau de terrain avec un ou deux hommes ne le suivent dans l’hyper-espace.

Dans sa hâte d’explorer les étoiles qui se trouvaient maintenant à sa portée, la Terre avait rapidement épuisé les gisements de minerai. De plus, le cristal, étant instable, n’avait qu’une existence limitée. Ce qui signifiait qu’un astronef disposait d’une latitude d’utilisation de cinq années avant que le cristal cesse de déphaser la zone qui l’environnait.

La fonction du présodynimium était aussi mystérieuse pour les savants que le principe d’une automobile l’est pour un conducteur. Bien peu d’hommes peuvent décrire la relation ésotérique qui existe entre une clé de contact et les roues qu’elle fait tourner. En attendant que l’on découvre un autre moyen de passer dans l’hyper-espace, le présodynimium valait, à poids égal, dix fois le prix de l’uranium 235. On avait découvert que Sirius II recelait autant de minerai qu’une confiserie recèle de calories. D’où l’implantation de la colonie. Tant que les gisements rapporteraient, la planète serait considérée avec respect et estime par tous ceux qui possédaient des investissements et des intérêts dans l’Âge Spatial et ses activités contingentes.

C’est donc avec une inquiétude considérable que la Terre avait appris que les mines de Sirius n’étaient plus exploitées. Oh ! bien sûr, il restait encore du minerai. Assez pour que la planète continue de rapporter pendant un siècle encore. Le problème venait des mineurs. Ils ne rentraient plus de la mine. Et ceux qui étaient partis à leur recherche avaient disparu eux aussi.

Naturellement, tout le travail avait été interrompu. Les hommes refusaient de remettre le pied dans les mines tant que l’on n’aurait pas découvert ce qu’il était advenu de leurs prédécesseurs.

Les dirigeants de la colonie exhumèrent donc une robofusée et un rayon-sondeur d’un hangar du spatioport. La fusée fut envoyée en orbite dans le sens de la rotation planétaire, afin de planer simplement au-dessus des mines tout en sondant la zone environnante pour tenter de détecter l’étranger inconnu.

Quand la fusée eut regagné le sol, on compara le contenu de la microbande aux archives des espèces connues ; on s’aperçut alors que l’animal découvert n’avait jamais été recensé. Son impulsion-vie révélait un indice de 0,999.

Les impulsions-vie sont calculées selon une échelle décimale basée sur le chiffre un (l’homme se situant à 0,050). Au vu de celle-ci, l’administration de la colonie ordonna la fermeture immédiate des mines et l’évacuation de la zone. Cela ne faisait que confirmer les faits existants, mais les mineurs de Sirius II se sentirent un peu moins coupables d’avoir abandonné le travail.

Un S.O.S. fut adressé en hâte à la Terre, expliquant la situation en détail et demandant des instructions. La Terre ordonna d’attendre, de rester calme et de garder les mines fermées jusqu’à l’ouverture d’une enquête, toutes mesures que la colonie avait déjà prises d’elle-même. Une copie de la microbande avait été envoyée sur Terre en même temps que le S.O.S. Le schéma fut comparé à tous ceux qui figuraient à la Bibliothèque de Contact Extra-Terrestre du Corps Spationaval des États-Unis. Celle-ci groupait la multitude des vies étrangères recensées par les Zoologistes Spatiaux dans l’exploration méthodique de l’univers. Non seulement on s’aperçut que le schéma enregistré était inconnu dans tout le cosmos exploré, mais aussi absolument différent de toutes les impulsions-vie déjà observées. La Terre décida que le seul moyen d’obtenir un résultat était d’envoyer un Zoologiste pour qu’il entre en Contact avec l’étranger. C’était une solution peu orthodoxe que l’on employait pour la première fois sur un monde déjà colonisé.

Ainsi, la colonie attendait-elle dans la peur derrière les portes closes, regardant le ciel par les fenêtres scellées, guettant l’arrivée de Jerry Norcriss tout en faisant des prières pour qu’il découvre l’être étranger et leur révèle comment s’en débarrasser…

Illustré par Gaughan

— « Sauf votre respect, lieutenant, » dit le technicien avec un sourire, « vous n’avez jamais été aussi bien installé. » Il effectuait les ultimes réglages sur l’appareil. Jerry épongea la fine pellicule de sueur froide sur son front et sa lèvre supérieure et acquiesça en silence. Lors des précédents Contacts qui avaient eu lieu avant toute colonisation, les choses s’étaient présentées de façon plus rustique. Mais actuellement, Jerry était installé de façon luxueuse.

Lorsqu’une robofusée, après six mois de vol orbital, prouvait qu’une planète était habitable par les humains, sûre et exploitable, Jerry n’avait pas à intervenir. Mais si on détectait une nouvelle forme de vie, dont l’impulsion-vie ne correspondait à rien de connu, il devait alors gagner le sol de la planète et sonder la créature, pour déterminer dans quelle mesure elle représentait une menace.

Le technicien venait de faire allusion à l’habituelle base d’opérations de Jerry, située près de l’aileron de queue de la fusée, celle-ci étant l’unique source d’énergie disponible sur un monde non colonisé. Là, coiffé du casque de Contact, allongé sur la couchette, il laissait voyager son esprit jusqu’à celui de l’être étranger pour le sonder de l’intérieur. Mais à présent, sur ce monde colonisé, il était installé de façon inhabituellement confortable dans le solarium du laboratoire de recherches de l’hôpital de la ville. Au-delà des panneaux de quartz, il découvrait un ciel tranquille et bleu. Seule une trace de désinfectant qui flottait dans la pièce venait troubler la sensation de confort qu’il éprouvait.

Une demi-douzaine de personnes appartenant à l’hôpital étaient rassemblées dans la pièce. Aucune d’entre elles n’avait jamais vu un homme en Contact. C’est en vain que le technicien leur avait expliqué avant l’arrivée de Jerry qu’il n’y aurait rien à voir. Jerry s’étendrait simplement sur sa couchette et ajusterait le casque sur sa tête. Le technicien, alors, pousserait un levier et, pendant quarante minutes, il n’y aurait rien à voir en dehors de Jerry, immobile et silencieux. Plus tard, bien sûr, les renseignements transmis par l’esprit de Jerry jusque dans le casque seraient enregistrés par la machine et traduits en langage clair. Tous pourraient alors obtenir des informations sur la nouvelle créature. Ce serait le seul moment intéressant. Nul ne gagnerait rien à observer le jeune homme aux cheveux prématurément blanchis (bien qu’il n’eût que la trentaine) tandis qu’il serait plongé dans ce qui pouvait être à leurs yeux une tranquille sieste de quarante minutes.