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Le technicien approuva. « Ce qu’il y a de dangereux avec le soleil, c’est que vous n’êtes que légèrement rose tant que vous restez dans la lumière. Ce n’est qu’après, lorsque vous rentrez ou que le soleil se couche, à l’instant où vous vous rhabillez, que les brûlures commencent à se montrer. »

— « C’est l’effet de la pression lumineuse, » dit Jana. « Tant qu’un flux d’ultra-violet persiste, la peau continue de l’absorber sans réaction particulière. Mais dès que vous n’êtes plus exposé aux rayons, les brûlures apparaissent… À part cela, je me demande comment Norcriss s’en tire. »

4

« Ainsi, » dit l’étranger à Jerry, « tu veux dire que toutes les expériences que tu vis en Contact restent dans ton esprit, sous la surface, attendant de ressurgir ? »

— « C’est cela, » dit Jerry, pitoyable. « Lors de certains Contacts, j’ai vécu des moments plutôt douloureux. J’ai eu un œil arraché, un bras dévoré et digéré, j’ai été empoisonné, près d’être étranglé et presque mort. J’ai connu tout cela. »

— « Et ta réaction ? » demanda l’esprit.

— « Nulle, » dit amèrement Jerry. « Lorsque je m’éveillais d’un Contact, mes souvenirs demeuraient au stade mental. Tout comme si je venais de lire un livre. Je n’éprouvais aucune réaction émotionnelle quelle qu’elle fût. Mon cœur battait à son rythme normal, mes glandes sécrétaient suffisamment de sueur et mes muscles étaient détendus. Je ne portais aucune trace de choc ou autre. »

— « Et plus tard ? » demanda doucement l’esprit.

— « Une fois sur Terre, » dit Jerry, « les Zoologistes se rendent dans ce que nous appelons une Chambre de Connaissance. C’est une pièce meublée de couchettes avec des casques où nous pouvons apprendre, grâce à des enregistrements sur microbandes, tous les Contacts effectués par nos confrères. Peut-être apprendre est-il un mot bien faible. En fait, nous sommes en Contact tant que la microbande défile. Je pensais que cette pièce était un merveilleux complément à notre éducation, rien de plus. Au début, j’y allais souvent. C’était encore plus agréable que le Contact réel, car il n’y avait aucun danger de périr. Les enregistrements des Zoologistes morts en Contact ne figurent jamais dans la Chambre. »

L’esprit de l’étranger attendait, attentif et patient.

« Et, une certaine semaine…» L’esprit de Jerry eut l’équivalent d’un frisson physique. «…Une certaine semaine, j’en eus assez. Je décidai de ne pas me rendre à la Chambre de Connaissance. Je sortis. Le tennis, le cinéma, tout ça… Le troisième jour, en m’éveillant, il me sembla que mon cœur allait me défoncer les côtes. Mes draps étaient humides de transpiration. Les yeux me faisaient mal, j’avais une main paralysée par la douleur et mes poumons étaient brûlants…»

— « Réaction retardée, » dit l’esprit.

— « Oui. C’était cela. Je reconnaissais exactement les douleurs que j’avais éprouvées en Contact à peine un mois auparavant. Je devinai l’horrible vérité. J’appelai les docteurs du Quartier Général Spatial avant de m’évanouir. Ils vinrent, m’injectèrent de la morphine et me placèrent pendant vingt-quatre heures sous un casque, afin d’ensevelir la réaction de souffrance sous un afflux de Contacts enregistrés. Cela réussit parfaitement. Lorsque je m’éveillai, la souffrance avait disparu. Mais mes nerfs, ensuite, ne furent plus les mêmes. J’avais pris l’habitude d’attendre les Contacts parce qu’ils m’étaient agréables. À présent, je les attendais avec impatience, parce que j’avais peur de ce qui pouvait arriver si je n’en avais pas d’autre à temps. »

— « À temps ? »

— « J’ai découvert que je dois effectuer un Contact – réel ou enregistré – au moins une fois toutes les quarante-huit heures. Je suis pris au piège de mon travail. Condamné à le faire sous peine d’une mort horrible. Certains Zoologistes ont quitté le Corps pour tenter de briser ce cercle. Ils ont essayé de lutter contre cet effet retardé. Aucun n’a réussi. Ils ont tous été retrouvés, morts de façons différentes. Écrasés, brûlés, déchirés…»

— « Pressions psychosomatiques ? » demanda l’étranger.

— « Oui. Leur esprit, dominé par leurs émotions, les forçait à revivre leurs expériences. Et leur corps, trompé par l’esprit, réagissait. Chez un homme normal, une brûlure suggérée par hypnose peut provoquer l’apparition de cloques. Chez un homme dont l’esprit s’est ouvert au Contact… le corps peut se briser, brûler, se dissoudre et même s’évaporer. »

— « Pauvre Jerry, » dit l’esprit étranger, tendrement. Une sensation de douceur apparut doucement dans l’esprit de Jerry. Une tiédeur, la caresse d’une totale affection. L’étranger le consolait, lui offrait son amour. Il comprenait ses peines et le fardeau de sa vie. Tout ce qu’il désirait, c’était le garder auprès de lui pour lui répéter de ne plus avoir peur, pour le rendre heureux, ici, dans la sécurité et le confort… À l’abri, loin du danger, et…

Le silencieux éclat de lumière traversa l’esprit de Jerry, le tirant de la torpeur qui avait envahi ses pensées. Quelque chose de dur le frappa au front. Il réalisa qu’il venait de se redresser sur la couchette et que le casque était tombé au moment où il avait rompu le Contact.

— « Lieutenant ! » s’exclama le technicien. Il débrancha la machine du circuit avant de se laisser tomber à côté de lui. « Qu’a-t-il pu arriver ? Je ne vous ai jamais vu rompre le Contact de cette façon ! Avez-vous vu l’étranger ? Peut-on le détruire ? »

Jerry eut un grognement, essaya de parler puis retomba sur le matelas, inconscient.

— « Que se passe-t-il ? » demanda Jana, percevant la frayeur du technicien.

— « Je l’ignore, » murmura-t-il. « Jamais je ne l’ai vu ainsi, auparavant. Quelle que soit la chose à laquelle nous avons affaire, nous n’avons jamais rien rencontré de semblable. Appelez vos docteurs pour qu’ils l’examinent. Je vais m’occuper de cette bande ! »

Jana s’élança, le visage blême. Le technicien se remit à la machine pour opérer la traduction de la microbande.

Jerry Norcriss demeurait étendu sur la couchette, gémissant et grognant comme un homme sous la torture, bien que son esprit fût plongé dans une inconscience bienfaisante.

* * *

— « Un bébé ? » s’exclama le technicien. « Cette chose est un bébé ? »

— « La bande a-t-elle jamais menti ? » soupira Jerry. Il se relaxait, appuyé contre l’oreiller blanc que Jana avait disposé derrière ses épaules.

— « Ma foi, non, » dut admettre le technicien. « Mais un bébé ! Un bébé haut de cent cinquante mètres… et invisible… et capable de mener une conversation intelligente ! »

— « À ce propos, » dit Jerry gravement, « je vous demanderai de garder secret cet enregistrement ainsi que la conversation qu’il comporte. Il vaut mieux que les gens ne connaissent pas la vérité sur mon travail et ses effets. Quant à vous… Ma foi, je ne peux vous ordonner d’oublier ce que vous venez de lire. »

— « Je n’en dirai rien, lieutenant, si c’est ce que vous désirez, » dit le technicien. « Ce n’est pas un secret si lourd à garder. Tous les hommes de l’équipage savent que votre travail cache quelque chose de terrible. La seule réaction que j’obtiendrais en révélant ce que je sais serait à peu près : « Oh ! c’est donc ça ! » Ce qui n’en vaut pas la peine. »