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« Tristement dort une mandore.

Au creux néant musicien »

murmurai-je d’une voix voilée.

— Vous pouvez peut-être essayer de trouver une façon élégante de mourir, vous aussi, dit Newt.

Ce qui était fort bokononiste.

Je lui confiai de but en blanc mon rêve d’escalader le mont McCabe avec un symbole magnifique que je planterais au sommet. Je lâchai un instant le volant pour lui montrer à quel point mes mains étaient vides de symboles.

— Mais que devrait-il être, ce symbole, Newt ? Que devrait-il être, bon Dieu ? (Je repris le volant.) C’est la fin du monde, et me voici, moi, l’ultime être humain ou presque, et voici là-bas la plus haute montagne en vue. Je sais maintenant ce qu’a manigancé mon karass, Newt. Il a œuvré jour et nuit depuis peut-être cinq cent mille ans pour me faire escalader cette montagne. (Je secouai la tête, au bord des larmes.) Mais pour l’amour de Dieu, que suis-je donc censé tenir dans mes mains ?

Tout en posant cette question, je regardai aveuglément par la vitre de la voiture, si aveuglément que je fis plus d’un kilomètre avant de m’apercevoir que j’avais regardé dans les yeux d’un vieux Noir, d’un homme de couleur vivant assis au bord de la route.

Alors, je ralentis. Je stoppai. Je me couvris les yeux.

— Que se passe-t-il ? demanda Newt.

— J’ai vu Bokonon.

Fin

Il était assis sur une pierre, pieds nus. Ses pieds étaient givrés de glace-9. Pour tout vêtement, il portait un dessus de lit blanc parsemé de flocons de laine bleue qui épelaient les mots « Casa Mona ». Il ne prêta pas attention à notre venue. Il tenait un crayon dans une main, du papier dans l’autre.

— Bokonon ?

— Oui ?

— Puis-je vous demander à quoi vous pensez ?

— Je pense, jeune homme, à la phrase finale des Livres de Bokonon. Le temps d’écrire cette phrase est venu.

— Et ça vient bien ?

Il haussa les épaules et me tendit un morceau de papier. Voici ce que j’y lus :

Si j’étais plus jeune, j’écrirais une histoire de la bêtise humaine ; et je monterais jusqu’au sommet du mont McCabe, où je m’allongerais sur le dos avec mon histoire en guise d’oreiller ; et je prendrais par terre un peu du poison bleuâtre qui transforme les hommes en statues ; et je me transformerais en un gisant au sourire sardonique, un pied de nez dressé vers Qui vous-savez.

FIN