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Et Juve ajoutait, ayant terminé cette étrange lecture :

— Et tout cela, Fandor, tout cela est signé : Fantômas…

Deux heures plus tard, Juve et Fandor se tenaient encore dans leur chambre d’hôtel, discutant avec ardeur au sujet de l’extraordinaire lettre qu’ils venaient de recevoir de Fantômas.

Assurément, les circonstances étaient extraordinaires, qui avaient amené le bandit à se livrer ainsi à Juve !

Assurément, si Fantômas avait été contraint de dire où était Hélène pour apprendre où était Vladimir, c’est que de graves nécessités l’obligeaient impérieusement à savoir ce qu’était devenu son fils.

Juve et Fandor, d’un commun accord, avaient donc décidé de fermer leur fenêtre, signal convenu qui devait apprendre à Fantômas qu’ils ignoraient complètement les dernières aventures de celui qui s’était fait passer pour le comte d’Oberkhampf.

Aussi bien, à l’instant où Fandor avait clos la fenêtre, il n’avait pu s’empêcher de soupirer :

— Bon Dieu, avait déclaré Fandor, quel dommage que nous ne soyons pas des crapules ! Car, en somme, si nous laissions cette fenêtre ouverte, nous serions à peu près sûrs que Fantômas viendrait ici et que nous pourrions l’arrêter. Toutefois, ce serait une canaillerie. Donnant, donnant, comme Fantômas dit lui-même. Il nous a appris où était Hélène, en échange de certaines conventions, nous devons respecter ces conventions.

C’était naturellement l’opinion de Juve, et c’est pourquoi le journaliste, sans hésiter, avait fermé la fenêtre, avertissant ainsi Fantômas qu’il n’avait pas besoin d’apparaître.

Qu’importaient d’ailleurs à Fandor, en cette minute, les aventures de Vladimir, les aventures de Fantômas lui-même ?…

Fandor, pour être franc, confessait lui-même à Juve que tout lui était désormais bien indifférent, puisqu’il était ainsi certain qu’Hélène était sauvée, qu’elle était hors de danger.

Et, joyeux, rasséréné, Fandor étourdissait Juve de projets.

— Vous comprenez, mon bon ami, disait-il, que maintenant tout me semble clair. Hélène est sur un voilier qui s’en va au Chili, ce voilier mettra deux mois à arriver à destination. Ma foi, je m’en moque bien. Un bon transatlantique me mènera, j’en suis certain, en quinze jours, trois semaines au débarcadère. Donc, Juve, dans un mois et demi au plus tard, je m’embarquerai, et je vous jure bien qu’alors quand j’aurai rattrapé Hélène, Fantômas ne nous la volera pas à nouveau, et cela pour la bonne raison que je ne la quitterai plus une minute…

Fandor se frottait les mains, dansait, jonglait avec une brosse à dents et des pincettes, cependant que Juve, un peu plus calme, mais tout aussi joyeux néanmoins, applaudissait à ces projets.

— Bon, très bien, disait le policier, c’est entendu, Fandor. Tu iras rattraper Hélène à son débarquement au Chili ; je n’y vois, pour ma part, aucun inconvénient. Seulement, si tu veux un conseil, en voici un et un bon…

— Lequel, Juve ?

Juve venait de s’asseoir dans un grand fauteuil, il eut pour répondre un sourire énigmatique :

— Voici, déclarait-il : Mon petit Fandor, dans deux mois tu retrouveras Hélène et tu la ramèneras en France. Votre mariage n’est pas du goût de Fantômas ; donc, dans deux mois, tu auras encore très probablement à lutter contre cet éternel ennemi…

À ce moment, Fandor donnait amicalement un coup de pincettes sur les genoux de Juve.

— Mon bon, vous radotez, faisait-il. J’ai, avant de partir, un mois et demi de disponible. Ce mois et demi, j’ai bien l’intention de le consacrer à la capture de Fantômas. Fantômas doit être arrêté avant qu’Hélène débarque, donc…

— Donc, conclut Juve, je rengaine mon conseil, car j’allais précisément te proposer, maintenant que nous sommes tranquilles sur le sort d’Hélène, de reprendre d’urgence, et cela dans ton propre intérêt, la lutte contre Fantômas.

Les deux amis causaient encore longuement. Ils étaient, comme le disait Juve, désormais libres entièrement de combattre encore Fantômas.

Et Juve, qui toujours se trouvait prêt à diriger le terrible combat, expliquait la situation à Fandor qui, d’ailleurs, demeurait quelque peu distrait :

— Mon petit, assurait Juve, l’essentiel, pour vaincre Fantômas, c’est évidemment de le retrouver. Pour faire un civet, il faut un lièvre. Donc, nous allons courir après Fantômas. Par malheur, Fantômas n’est point commode à découvrir. Ou le chercher ? Rien ne le retient plus très certainement en Hollande, mais rien d’autre part ne nous permet de croire qu’il va rentrer en France, à Paris plutôt que n’importe où. Nous n’avons en somme, Fandor, qu’un seul fil conducteur. Fantômas recherche Vladimir, pourquoi ? comment ? dans quelles conditions ? c’est ce qu’il faut savoir. Si Vladimir a disparu et si Fantômas veut le retrouver, c’est qu’évidemment quelque chose se manigance dans l’ombre, que nous ignorons totalement. Cherchons-le…

Juve interrogeait :

— N’est-ce pas ton avis, Fandor ?

Mais Fandor, à cet instant, ripostait avec une grande tranquillité :

— Avez-vous remarqué, Juve, comme Hélène était jolie lorsqu’elle portait le diadème royal à la cour ?

Cela prouvait évidemment que Fandor n’écoutait pas très attentivement Juve. Le policier le comprit ; il eut un sourire indulgent.

— Amoureux, va ! fit-il sur un ton de raillerie. Ce soir, tu n’es bon à rien, tu ne penses qu’à Hélène. Soit, nous causerons demain.

— Nous causerons demain, dit Fandor.

Le journaliste avait été chercher une photographie d’Hélène qu’il regardait avec des yeux extasiés. Juve, encore une fois, l’arracha à sa songerie.

— Un instant, demandait-il. As-tu rencontré à nouveau, Fandor, cet après-midi, l’étrange jeune homme que j’ai vaguement aperçu, que l’on m’a signalé, qui s’appelle Daniel, et qui, paraît-il, à des allures de policier ?

— Non, dit Fandor. Je n’ai vu personne répondant à ce signalement plutôt imprécis d’ailleurs. Pourquoi, Juve ?…

— Pour rien, répondit le policier, pour rien du tout. Cela n’a pas d’importance. Le personnage m’intriguait un peu, voilà tout…

Juve, peut-être, eût trouvé ce personnage beaucoup plus important et lui eût accordé un tout autre intérêt s’il avait pu se douter que Fantômas, l’homme brun, l’avait, lui aussi, remarqué, ce jour-là même, dans une tabagie hollandaise, s’il avait pu savoir ce que Fantômas faisait à cette heure même !

Chapitre IV

Nuit d’angoisse

Cette même nuit que Juve et Fandor employaient à causer longuement, à échafauder des hypothèses et des projets, relativement à la capture de Fantômas, qui, de plus en plus, de minute en minute, leur semblait nécessaire, des événements mystérieux, tragiques aussi, se déroulaient en effet à quelque distance d’Amsterdam, tout près d’Haarlem, dans la superbe propriété du malheureux M. Eair, ou plus exactement du père de Fandor, d’Étienne Rambert, puisque telle était en réalité l’identité de cet extraordinaire personnage .

Geoffroy la Barrique et Benoît le Farinier étaient toujours occupés à la cueillette des roses chez l’extraordinaire original.

Geoffroy la Barrique et Benoît le Farinier ne comprenaient naturellement rien aux événements qui se déroulaient, et dans lesquels ils jouaient, sans même le savoir, un rôle anecdotique.

Les deux excellents colosses, aussi bien, ne fatiguaient point leur intelligence à vouloir deviner des problèmes qu’instinctivement ils supposaient fort complexes.

Tout simplement, ils riaient parfois à la pensée de la surprise qu’ils avaient causée à Juve lorsqu’ils avaient frappé à sa porte, et de la façon merveilleuse, à leur avis, dont ils s’étaient acquittés de la commission dont M. Eair les avait chargés, puisque, en réalité, grâce à eux, Juve était venu voir le vieil homme.

Benoît le Farinier et Geoffroy la Barrique estimaient, en fin de compte, que ce qu’il y avait de plus clair dans toute leur aventure, c’était que, d’une part, Juve leur avait promis de retrouver Bobinette, ce qui leur ôtait toute inquiétude à cet égard, et que, d’autre part, ils avaient pu revenir bien tranquillement s’installer chez M. Eair, où ils se gobergeaient tout à leur aise.