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— Je l’espère bien, grogna le journaliste. Conduisez-moi à la porte de votre cabinet.

Gauvin obéissait.

Toutefois, si Fandor était joyeux, surexcité à l’idée que l’on allait peut-être avoir à subir une lutte violente, le notaire avait peur, très peur.

— Allons ! Allons !… ordonna Fandor, dépêchons-nous !

Lentement, d’une main tremblante, Gauvin introduisait la clé dans la serrure de la porte de son cabinet de travail.

Il l’ouvrit avec précaution ; les deux hommes, sans bruit, se glissèrent dans la pièce. Gauvin allait tourner le commutateur électrique, Fandor l’en empêcha.

— Pas de blague ! fit-il à voix basse ; on est toujours mieux dans l’obscurité pour attaquer et surtout pour se défendre ! Dites-moi quelle est la situation des lieux ?

— Voilà ! fit Gauvin. Si vous vous avancez tout droit, vous vous heurtez dans le fauteuil placé devant mon bureau. En tournant à gauche, c’est ma bibliothèque avec le placard en bas. Méfiez-vous, il y a tout un paquet de dossiers par terre… À droite se trouve la malle, et c’est de cette malle que m’a semblé provenir le bruit dont j’ai eu tellement peur…

Gauvin s’arrêtait brusquement de parler, un léger bruit venait de retentir.

— Entendez-vous ? balbutia-t-il d’une voix affolée, cependant qu’il reculait, prêt à quitter la pièce.

Mais, au même moment, une détonation retentit, un coup de feu…

— La lumière ! hurla Fandor, qui, dès lors, se précipitait sur le commutateur, car Gauvin, terrifié, n’avait pas fait un mouvement.

Et aussitôt, la pièce s’illumina.

Le journaliste avait l’arme au poing, le doigt sur la détente, il s’arrêta, stupéfait : il n’y avait personne dans la pièce…

Fandor constatait simplement qu’elle était plongée dans le plus grand désordre.

Mais, alors qu’il jetait les yeux autour de lui, il remarqua la grande malle dont lui avait parlé le notaire, et à ce moment précis cette malle se remua.

— Oh ! oh ! clama Fandor, c’est de là qu’est parti le coup de feu ! Allons-y donc à tout hasard !

Et Fandor ripostait à son tour par un coup de feu.

— Montrez-vous donc ! grogna-t-il, ou alors rendez-vous !

Mais, à ce moment, une voix retentit et l’émotion de Fandor fut si forte, qu’il lâcha son revolver…

— Fandor ! avait crié une voix.

Cette voix provenait de l’intérieur de la malle, cette voix, c’était celle de Juve !

— Ah ! nom de Dieu de nom de Dieu ! jura Fandor, qu’est-ce que tout cela signifie ?

Le journaliste avait reconnu cependant la voix du policier, et il se précipitait sur la grande malle d’osier.

Plus vif que la pensée, il en arrachait les courroies ; le couvercle se souleva, et aussitôt, renversant le casier supérieur surchargé de dossiers, Juve surgit de l’intérieur de la malle, rouge comme une pivoine, transpirant à grosses gouttes, soufflant comme un soufflet de forge…

— Eh bien ! fit-il paisiblement, voilà des acrobaties qui ne sont plus de mon âge ! Je commençais à être courbaturé par cette effroyable mécanique !

— Juve, Juve, criait Fandor, que diable faisiez-vous là-dedans ?

— Pas grand-chose !… Je ne peux pas te dire que je me promenais… mais enfin, c’est tout comme…

— Juve, ce coup de revolver, quand nous étions dans l’obscurité, est-ce vous qui l’avez tiré ?

Le policier tressaillit, regarda Fandor d’un air affectueux :

— C’est moi, petit, et je le regrette ; certes, j’étais à cent lieues de songer que tu étais à proximité. Je tirais uniquement dans le but de briser ces courroies de cuir qui m’empêchaient de sortir de cette malle.

— Juve, poursuivit alors Fandor, dont le visage exprimait une touchante inquiétude, j’ai riposté, j’ai tiré dans la malle… ne vous ai-je pas blessé ?

— Tu es très maladroit, fit Juve, tu ne m’as même pas effleuré, mais enfin, pour cette fois, je ne t’en ferai point le reproche…

Le policier, cependant, se dégourdissait les jambes, les bras, il regarda autour de lui.

Puis, brusquement, il interrogea Fandor :

— Comment es-tu ici ?

— Moi, Juve, c’est simple ! C’est Gauvin qui m’a amené.

— Gauvin ! hurla Juve. Où est-il, ce misérable ?

Et, avant que Fandor ait eu le temps de comprendre, le policier se précipitait vers l’entrée du cabinet de travail. Fandor le suivit quelques instants après.

Par deux fois, Fandor appela :

— Gauvin ! Gauvin !

Mais nul ne répondait.

— C’est curieux, se demandait Fandor, où donc est-il passé ? Je sais bien qu’il est plus poltron qu’une poule mouillée, mais enfin, il a dû nous entendre et comprendre que c’est vous qui étiez là. Rien que votre nom, Juve, devait le rassurer.

Le policier secouait la tête ironiquement.

— Tu te trompes, Fandor ; c’est mon nom qui l’a fait fuir.

— Ah bah ! fit le journaliste, pourquoi ?

— Parce que, articula Juve, Gauvin, tout bête qu’il est, a compris que, sitôt que je serais sorti de cette malle, mon premier mouvement consisterait à lui mettre la main au collet !

Le journaliste considérait le policier d’un air hagard.

— Je ne vous comprends pas, Juve ?

— Cela ne m’étonne pas, répondit le policier ; pour comprendre les gens, il faut savoir ce dont il s’agit… Tu arrives en retard au dénouement d’une pièce dont tu n’as pas vu les premiers actes, ce serait vraiment trop beau si tu y pigeais quelque chose. Mais, ne t’inquiète pas, je m’en vais te raconter l’affaire en quelques mots.

Fandor trépignait d’impatience.

— Parlez, Juve, parlez !

— Nous ne sommes pas pressés, déclara le policier. Ne t’étonne pas de ne pas me voir m’élancer à la poursuite de cette petite fripouille de notaire, c’est un bandit de minuscule envergure, que nous aurons quand nous voudrons… Et, au surplus, nous sommes beaucoup mieux ici, où je perçois encore l’espoir de recevoir la visite de quelqu’un qui s’intéresse à nous, autant que nous nous intéressons à lui… Tu devines, gros malin de Fandor, que je veux parler de Fantômas !

Juve avait l’air de plus en plus énigmatique, Fandor s’exaspéra :

— Parlez, Juve, parlez ! grogna-t-il en serrant les poings.

Mais le policier se faisait un malin plaisir d’énerver Fandor.

— J’ai beaucoup de choses à te dire, et quelques-unes à te cacher. Il faut que je réfléchisse, Fandor ! Donne-moi une cigarette…

Le journaliste se résignait.

— Dieu, que vous êtes insupportable, Juve ! commença-t-il.

Il espérait que le policier allait enfin prendre la parole, mais au préalable, Juve désigna l’ampoule électrique qui éclairait le cabinet du notaire.

— Va donc éteindre, Fandor ; l’obscurité est propice, nécessaire même, aux propos que je vais te tenir, et, au surplus si jamais Fantômas vient ici, nous serons mieux pour le recevoir dans l’obscurité…

Deux heures passaient pendant lesquelles Juve et Fandor s’entretenaient longuement.

Tout d’abord, le policier avait obligé le journaliste à lui faire le récit des extraordinaires aventures dont il avait été le héros à la morgue, puis ensuite la victime.

Juve alors avait commencé à expliquer à Fandor l’enchaînement compliqué des circonstances qui lui avaient fait découvrir le cadavre de Daniel, puis la dernière supercherie de Fantômas tentant de s’emparer de la fortune de M me Verdon, fortune désormais en sécurité dans la poche même de Juve.

Un point cependant demeurait obscur dans le récit de Juve. Était-ce à dessein qu’il l’avait laissé dans l’obscurité ?

Fandor le lui demanda :

— Cette M me Verdon, interrogeait le journaliste, qui me semble être une si grande et si noble figure, quel est son nom, sa véritable personnalité ?

La lune se levait à ce moment. Ses rayons argentés pénétrèrent dans l’intérieur du cabinet par les interstices des persiennes closes de la fenêtre.

Fandor alors pu considérer le visage de Juve et s’aperçut qu’il était très troublé, qu’il exprimait une émotion intense, et que, malgré ses efforts pour lutter contre cette émotion, les yeux de Juve se remplissaient de larmes.