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Ainsi donc, M me Verdon se trouvait être la mère de Fandor, mais Juve était si abasourdi, si stupéfait de ce qu’il apprenait qu’à deux ou trois reprises, haletant d’émotion, il poussait des cris inarticulés !

Juve comprenait aussi ce que venait de dire la malheureuse femme à propos de l’imposteur.

Et le policier blêmissait de rage, car il savait, il comprenait : l’homme qui avait dupé la malheureuse M me Rambert, l’homme qui était venu la retrouver chez elle à brûle-pourpoint, pour lui dire : « Je suis votre mari », et qui, voyant qu’elle ne voulait pas admettre cette fable, l’avait fait enfermer comme folle, cet homme-là, ce monstre, cet imposteur, c’était encore, comme toujours, le Génie du crime, le Maître de l’effroi :

Fantômas !… Fantômas !… Fantômas !…

Juve, sans s’en rendre compte, avait quitté l’embouchure du tuyau à laquelle jusqu’alors son oreille était restée collée.

Il s’accroupissait au fond de la cabane de planches, se comprimait la tête dans ses mains.

— Mais alors, se disait-il, le professeur Marcus se trouve en présence actuellement de M me Verdon, du moins de M me Rambert ? L’homme qui l’appelle Alice et lui prodigue les plus tendres paroles, serait donc son véritable mari, Étienne Rambert, le père de Jérôme Fandor ?

Juve s’interrompait, serrait les poings, fronçait les sourcils.

— Brute que je suis ! grommela-t-il. Hélas, hélas !… le père de Fandor n’est plus de ce monde ; c’est lui qui vivait à Haarlem, c’était le noble et beau vieillard qui mourait au palais de la reine, étreignant dans ses bras son enfant éploré.

» Mais alors, poursuivait le policier, l’imposteur d’il y a dix ans n’a pas désarmé, et il manigance encore quelque effroyable machination. Parbleu, c’est évident, c’est certain, l’homme qui vient de se présenter à M me Rambert sous le nom d’Étienne Rambert, est le même malfaiteur qui, voici dix ans, avait voulu s’imposer par la force et se faire passer pour le mari de la malheureuse femme !

» Et, poursuivait Juve en serrant les poings, si elle était saine d’esprit en le repoussant jadis, et qu’elle l’accepte aujourd’hui, qu’elle le reconnaisse, c’est qu’elle est folle, folle à lier…

» Fantômas !… Fantômas !… hurlait Juve, Fantômas qui se donne pour Étienne Rambert, Fantômas qui se cache sous le déguisement du professeur Marcus, j’en ai la preuve désormais, oh ! tu vas expier tes crimes !

Juve ne bondissait pas, Juve ne se précipitait point hors de la cabane de planches pour courir jusqu’à la maison et se précipiter revolver au poing sur le terrible bandit.

Ce n’est point qu’il avait peur, mais il savait par expérience que Fantômas était sans cesse sur ses gardes, et le policier avait la conviction que les nouveaux domestiques de M me Rambert, dite M me Verdon, devaient être des gens à la dévotion du bandit.

Si Juve surgissait, il serait démasqué, obligé de lutter avec des adversaires avant d’atteindre celui qu’il visait, Fantômas aurait encore le temps de s’enfuir. Juve décidait de ne point bouger, et d’écouter encore, d’écouter toujours, d’en apprendre le plus possible.

Lorsqu’il accola son oreille au tuyau qui lui transmettait si merveilleusement l’entretien sensationnel des deux interlocuteurs, Juve entendait la voix du professeur Marcus, que désormais il reconnaissait pour être celle de Fantômas.

Et, en même temps, par analogie, le policier se disait :

— Voilà pourquoi il me semblait déjà avoir entendu M me Rambert, bien que je ne l’aie jamais rencontrée ! Sa voix à elle m’est familière, car c’est à peu de chose près, la voix de mon cher Fandor !

Juve pouvait à peine contenir sa rage en entendant les propos de Fantômas.

— Alice, articulait le bandit, je vous expliquerai plus tard par suite de quelles effroyables circonstances, je n’ai pas pu plus tôt me manifester à vous. Mais maintenant nous sommes près du bonheur, et comme une joie ne vient jamais seule, je puis vous annoncer qu’après avoir retrouvé votre mari, vous allez pouvoir embrasser votre enfant !

— Mon enfant, reprenait M me Rambert, mon petit Charles !… Est-ce possible ! Est-ce vrai, dites-moi, mon cher Étienne ?… J’ai cru comprendre, depuis que je m’occupe de bien des choses ayant trait à mon passé, puisque avec la liberté j’ai recouvré le calme d’esprit, que mon enfant avait changé de nom, qu’il s’appelait Jérôme Fandor, et qu’il était l’ami intime de ce grand policier devenu célèbre par ses poursuites acharnées contre Fantômas, du policier Juve…

Malgré l’émotion que Juve éprouvait, il ne pouvait s’empêcher de sourire en entendant ces propos.

— Voilà, pensait-il, qui ne doit pas faire plaisir à Fantômas !…

Et il s’attendait à ce que le bandit fulminât contre lui.

Il n’en fut rien ; de sa voix doucereuse et calme, Fantômas articula :

— Jérôme Fandor, oui, c’est en effet le nom qu’a pris votre fils, Alice, je puis dire notre enfant…

— Où est-il, qu’il vienne, que je le voie ?… cria la malheureuse, dupe plus que jamais de Fantômas.

— Hélas ! poursuivit le bandit, avec une tristesse admirablement bien feinte, nous allons avoir à lutter terriblement pour sauver notre fils…

— Le sauver ? Court-il donc quelque danger ?

— Un danger de mort ! affirma gravement celui qui se faisait passer pour Étienne Rambert.

Fantômas, au surplus, ajoutait :

— Votre enfant, ma chère amie, est actuellement le prisonnier d’une bande de criminels qui le feront périr dans les plus terribles tourments, si nous ne parvenons à l’arracher à leurs étreintes.

— Juve… il faut prévenir Juve… hurla M me Rambert.

Fantômas rétorqua :

— Juve, malgré son habileté, est impuissant et ne pourra jamais nous rendre Fandor, car c’est aux mains de Fantômas lui-même qu’il se trouve !

Un sanglot retentissait, M me Rambert gémit :

— Alors, que faut-il faire ? Comment arracher notre enfant au danger qui le menace ?

Son interlocuteur, lentement, rétorqua :

— Seule, une rançon énorme pourrait attendrir le Maître de l’effroi qui le détient prisonnier. En échange d’une fortune, Fantômas rendra Fandor, faute de quoi…

— Faute de quoi ?… reprit la voix angoissée de M me Rambert.

— Faute de quoi… fit son interlocuteur, dans deux jours, Fandor sera mort…

Un cri retentissait :

— Étienne !…

— Alice !…

— Étienne, il faut que je te dise ce qu’il faut faire pour sauver notre enfant.

Juve écoutait, de plus en plus attentivement, les propos que tenaient les deux êtres dont il avait surpris l’extraordinaire conversation.

— Parbleu, se disait-il, je vois où Fantômas veut en venir… Ah ! le misérable !

Et, une fois de plus, l’envie le reprenait de courir jusqu’à la maison, de foudroyer à bout portant le monstre, et de lui loger les six balles de son browning dans le corps.

Mais Juve se dominait, écoutait encore, écoutait toujours…

M me Rambert déclarait :

— Contrairement à ce que l’on croit, Étienne, je suis riche, immensément riche ; je possède de nombreux titres de rente, qui, pendant mon long séjour dans la maison de santé où j’étais prisonnière, ont fructifié et quadruplé leur valeur. Jusqu’à présent, depuis que je suis sortie de cette affreuse prison, j’ai dissimulé aux yeux de tous mon identité et ma situation pécuniaire. J’avais peur d’un retour de l’imposteur qui viendrait me faire remettre dans un cabanon, et qui s’emparerait des biens que je destine, que nous destinions à notre enfant…

— Sans doute, sans doute, affirma le bandit, mais où est-elle donc cette fortune ? et où voulez-vous en venir ?

Juve, qui entendait toujours, comprenait l’impatience de Fantômas.

M me Rambert expliquait à celui qu’elle prenait désormais pour son véritable mari :