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La lampe électrique de Fantômas projetait sa lumière blafarde tout alentour, et celle-ci se réfléchissait sur les murailles, donnant à l’intérieur de la grande salle souterraine une éblouissante clarté.

Dès lors Fantômas donnait sa lampe à tenir au Bedeau.

Puis, s’approchant du notaire, et les bras croisés, l’œil farouche, il interrogea.

— Gauvin, il dépend de toi, désormais, de vivre ou de mourir !

— Ah ! vivre ! À n’importe quel prix ! articula faiblement le notaire.

Fantômas haussa les épaules.

— Les mots ne servent à rien, et je sais que les promesses humaines sont fallacieuses ; il s’agit de me dire si oui ou non tu peux me livrer la fortune de M me Verdon ?

Une lueur d’espoir brilla dans les yeux terrifiés du notaire.

— Je puis le faire, articula-t-il ; à la condition que vous m’aidiez, Fantômas. Cette fortune est chez moi, il ne s’agit plus que de la prendre…

— Parbleu ! s’écria Fantômas en ricanant d’un air sinistre.

Puis il ajoutait, imitant la voix tremblante du notaire :

— Cette fortune est chez toi, il ne s’agit plus que de la prendre ! Faut-il la prendre ? Qui donc la détient à l’heure actuelle ?

— Juve ! balbutia imperceptiblement le notaire.

Fantômas fronça le sourcil.

— C’est donc vrai ? Bien vrai ? dit-il. Tu as donné à Juve la garde de ce trésor ?

Le notaire protesta énergiquement :

— C’est Juve qui s’en est emparé, Fantômas, et je ne songeais en aucune façon à lui confier cet argent !

— Je l’entends bien ainsi, répliqua le bandit, mais en tout état de cause, j’étais volé, moi. Car, si Juve n’avait point pris la fortune de M me Verdon, c’est toi qui t’en allais avec. Est-ce exact ?

Le notaire se rendait compte qu’il n’y avait pas moyen de nier, que Fantômas comprenait ce qui s’était passé, et qu’il savait la vérité… la vérité tout entière !

Et dès lors il tomba à genoux, terrifié, devinant qu’il allait subir la vengeance du Maître de l’effroi, et que cette vengeance allait être terrible.

— Grâce !… commença-t-il encore, épargne-moi, Fantômas ! et je te jure que je serai toujours dévoué à ta cause !…

Le bandit haussa les épaules.

— Un homme comme moi, fit-il, n’a que faire d’un poltron de ton espèce, qui se sauve lâchement lorsqu’il rencontre un adversaire ! Tu n’es bon à rien mon garçon, même pas à faire un notaire voleur !

— Fantômas !… Fantômas !… hurla Gauvin, qui se tordait sur le sol rocailleux, comme un ver, que va-t-il m’advenir ? Qu’allez-vous faire de moi ?

Le Génie du crime dédaignait de répondre à sa future victime.

Fantômas se tourna vers le Bedeau et dit :

— Une balle de revolver vaut trop cher pour qu’on en perde une dans la cervelle de cet imbécile !

» Je ne daigne même pas y toucher, tant il est indigne. Le Bedeau, fais ce que je t’ai dit ! Qu’il périsse par la corde, comme les plus infâmes et les plus vils malfaiteurs !

Dès lors, Gauvin tombait à la renverse, projeté en arrière par le Bedeau, dont la main brutale s’était appesantie sur son épaule.

L’infortuné notaire voulut crier : sa gorge ne put laisser échapper un seul son…

Gauvin suffoquait brusquement. Avec une habileté de bourreau, merveilleusement exercé, le Bedeau avait passé autour du cou du malheureux Gauvin un solide nœud coulant fait avec une grosse corde, et dès lors, un pied posé sur sa poitrine et s’arc-boutant, le Bedeau serrait !

Gauvin, tout d’abord, essayait de lutter, de résister à la mort, qui le prenait à la gorge.

Un flot de sang afflua à son cerveau, troubla sa vue, sa langue sortit toute rouge hors de sa bouche.

Il eut quelques convulsions, puis il retomba inerte.

Fantômas considérait ce spectacle horrible d’un œil calme et tranquille.

— Est-il mort ? demanda-t-il au Bedeau.

— Pas encore, patron ! fit l’apache.

— Je l’espère bien, déclara Fantômas en ricanant… Ce serait aller trop vite en besogne. Desserre-lui sa cravate de chanvre, mon ami, redonne-lui de l’air !

Le Bedeau obéissait, lâchait le nœud coulant ; un mouvement machinal de sa poitrine ramena dans les poumons de Gauvin une large bouffée d’air pur.

Les yeux à demi clos du malheureux s’ouvrirent, il put respirer, il reprenait ses sens, il balbutia :

— Tu me pardonnes, Fantômas ? Tu me laisses vivre ?

Le bandit se penchait vers Gauvin.

Son visage était transfiguré, tant il avait une expression hideuse et féroce.

— Te laisser vivre, dit-il, jamais ! Je veux que tu souffres, avant d’avoir la paix éternelle ! Je veux te torturer, te martyriser, jusqu’à ce que ma colère soit passée, que j’aie fait, moi aussi, mon deuil de cette fortune que je convoitais, et que j’espérais posséder dès ce soir !

Assurément, le Génie du crime était expert dans l’art de torturer ses victimes, mais jamais, jusqu’alors, il n’avait déployé tant de science et de cruauté pour mettre à mort l’un de ces malheureux !

L’agonie de Gauvin durait deux heures, deux longues heures, pendant lesquelles il était quinze fois étranglé, et quinze fois rappelé à la vie !

Enfin, à la quinzième fois, lorsque le Bedeau eut relâché le nœud coulant de chanvre, Gauvin demeura inerte, immobile sur le sol…

— Cette fois, déclara l’apache, je crois qu’il a tourné de l’œil pour de bon !

Et le Bedeau considérait Fantômas légèrement inquiet, à l’idée que peut-être le Maître allait estimer que sa malheureuse victime n’avait pas suffisamment souffert.

Fantômas s’approchait. Il considérait longuement le mort, puis avec un air méprisant il articula :

— L’imbécile !

Telle fut l’oraison funèbre du notaire Gauvin…

Le Bedeau cependant interrogeait :

— Que va-t-on faire du cadavre ?

— Il t’appartient ! déclara le Génie du crime.

Le Bedeau dès lors fouillait les poches, avec une rapacité, une voracité de fauve s’acharnant sur sa proie.

Il en extrayait une montre, quelque menue monnaie, puis, le repoussant du pied, l’envoyait rouler dans le torrent.

Fantômas déjà quittait le souterrain, la cuve devenue tragique de Sassenage.

Le Bedeau, suivant son maître, se glissa derrière lui par le petit orifice, qui accédait à la sortie…

Les premiers rayons du jour se levaient lentement éclaircissant l’horizon, que Juve et Fandor étaient encore en tête à tête, dans le cabinet en désordre du notaire Gauvin.

Ils avaient causé toute la nuit, ils s’étaient expliqué l’un et l’autre sur les diverses aventures, qui leur étaient respectivement survenues.

Fandor cependant rayonnait :

— Juve, Juve, répétait-il à chaque instant, qu’il me tarde d’être au lever du jour et de pouvoir embrasser ma mère. Juve quand partons-nous pour aller la trouver ?

Le policier souriait.

— Patience ! petit, patience !… Oh, je comprends combien il est cruel de te retenir, et de retarder le bienheureux instant où tu serreras dans tes bras cette digne femme, mais je t’ai dit combien elle était délicate, et avec quelles précautions il fallait s’approcher d’elle. La moindre émotion pourrait lui être fatale et il serait horrible de lui faire du mal avec du bonheur, songez-y bien, Fandor !

Fandor crispait ses mains sur les barreaux de sa chaise.

— Je ne bougerai pas d’ici, déclara-t-il, avant huit heures du matin !

— Bien ! fit le policier.

Les deux amis s’entretenaient encore de la nuit paisible qui venait de se passer.

Qu’allait devenir le notaire Gauvin ?

Comment se faisait-il que Fantômas ne soit pas encore venu à l’étude y chercher la fortune de M me Rambert ?

Longtemps le policier et le journaliste avaient espéré qu’ils recevraient, au cours de cette nuit, la visite du monstre.

Mais au fur et à mesure que naissait l’aurore, ils abandonnaient cet espoir.

Et dès lors une inquiétude nouvelle naissait dans leur esprit.

Si Fantômas ne venait pas immédiatement demander à Gauvin de lui livrer les titres constituant la fortune de M me Rambert, c’est que vraisemblablement il s’était produit quelque chose qui avait empêché le bandit de mettre son intention à exécution.