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Le gendarme paraît attiré par ce fourbi comme une mouche bleue par une merde fraîche. Il va droit à l’arsenal, sourcille, dégaine aussi sec son feu et intime à Black d’attraper les nuages.

Black s’exécute pour se donner le temps de la réflexion. Un flot de bile envahit son gosier. C’est trop con ! Trop con ! Trop con !

Tout en le couchant en joue, le gendarme va à sa grosse moto pour prévenir son compagnon par radio. Black se gaffe que voilà l’occase. Tu ne peux braquer convenablement un homme quand tu exécutes simultanément un numéro de phonie. Black plonge superbement sur la route, tête première, exécute un roulé-boulé et se redresse derrière une femme badaude qui en prenait plein les châsses. Il s’agit de l’épouse de l’emplâtreur. Genre congé mal payé, en petite robe imprimée avec auréoles sous les bras.

Le pandore n’a pas eu le temps de réagir. Tout ça trop prompt ! Et maintenant la gonzesse sert de bouclier à Black.

Celui-ci fait avancer la femme jusqu’au coffiot. Il s’empare des deux flingues, en glisse un dans sa ceinture, garde le second en pogne puis, après réflexion, se saisit également du stylet. C’est à cet instant que sa rogne se développe en lui, qu’elle monte, qu’elle l’étouffe. Saloperie de bagnole jaune de merde ! Il avait eu le pressentiment, en la louant à l’aéroport, qu’elle était porteuse de poisse ! Il avait même failli en exiger une autre, moins voyante. Et puis il s’était dit qu’il ne devait pas tomber dans la superstition de bas étage !

Alors, il est là, à chiquer les sombres héros de films d’aventures, son feu en pogne, la gonzesse collée à lui. Se faire piquer comme un petit malfrat de banlieue, lui, un super-crack dont on prononce le nom en baissant la voix dans le Milieu américain.

Bon, il va s’en tirer, mais quel contretemps ! Heureusement qu’il a voyagé et loué la Volvo sous une fausse identité. Heureusement qu’il a des « points de chute » en France et ailleurs en Europe. Il loue intérieurement son esprit d’organisation, ses manières méthodiques. Tout ça, le temps d’un éclair, tu penses.

Il visionne la tire qui vient de le percuter : museau écrasé, essieu avant faussé, probable, la manière dont la roue avant droite dit merde à l’autre.

— Jette ton feu dans le champ, sinon je brûle madame ! dit-il.

Docile, le motard balance son revolver à dache. Très loin. Il aurait fait un bon lanceur de poids.

— O.K., approuve Black. A présent va le chercher !

L’autre hésite, conscient des regards braqués sur lui car trois bagnoles sont maintenant stoppées derrière les deux autos endommagées. Black se dirige vers la plus rapide : une Mercedes 500 de couleur saumon métallisé, conduite par un frimeur de trente ans. Il ouvre la portière arrière et enfourne la femme dans l’auto. Quelque part un mari proteste, mais en chiant dans son froc, donc c’est pas grave. L’automobiliste a repéré le feu de fort calibre et ne moufte pas. Black prend place au côté de la femme, claque la portière et dit au conducteur :

— Bon, ben on y va, hein ?

— Où ça ? balbutie le frimeur.

— Ailleurs, fait Black.

Il abaisse la vitre et place une balle dans le boudin avant de la moto du flic.

— Appuie ! ordonne-t-il au conducteur.

Le mec obéit. Peut-être que ça le grise, dans le fond, de vivre cette épopée. La femme, elle, sanglote ; chacun son métier ! Le conducteur murmure, d’une voix pâlichonne mais qui s’essaie à la désinvolture :

— On va se faire piquer au péage !

Le « on », employé ici comme pluriel, est destiné à se concilier la clémence du bandit en s’associant délibérément à son sort.

Black qui est psychologue en sourit de pitié. Devant eux, c’est libre parce que l’incident a formé bouchon.

— Tout de suite après le virage, là-bas, ralentis, franchis le buisson qui sépare les deux voies et reviens dans le sens contraire. Si tu réussis bien la manœuvre, t’auras droit à une récompense : peut-être que ce sera la vie sauve.

Le gonzier n’est pas fier.

— Applique-toi, lui conseille froidement Stephen Black. Sinon, en cas de pépin, ça risque de saigner.

La femme pique une vraie crise de nerfs. Black lui balance une formidable torgnole d’un revers de main.

— Arrête, connasse ! enjoint l’Américain de son ton glacial.

— Je peux pas, c’est plus fort que moi, je vous jure ! pleurniche la gonzesse.

Black la guigne du coin de l’œil.

— Branle-toi, ça te changera les idées.

Elle en est médusée, la pauvrette, tellement sans histoire jusqu’alors.

L’automobiliste vient de ralentir, il prend large et entame le franchissement de la séparation médiane. Le danger est constitué par la circulation inverse. Les plantes destinées à couper l’éblouissement des phares, la nuit, ne permettent pas de voir arriver les bagnoles.

— Tu t’engages mollo, qu’ils aient le temps de voir ton capot et de s’écarter ! conseille Black avec un calme forcené.

Le type obéit. Il porte une veste de daim beige, en provenance d’une grande maison. Les manches en sont retroussées et dégagent celles d’une chemise de lin bleu. Une montre Cartier scintille à son poignet. Sa nuque brune sent la lotion riche. Il a une bonne coupe de cheveux. Black se dit tout ça pendant que le gars opère le changement de voie. Gros bol ! Tout se passe bien. Deux ou trois automobilistes sidérés par une telle audace vident leurs batteries à klaxonner pour exprimer leur farouche réprobation. Les voici enfin dans l’autre sens.

— Impec, approuve l’Américain, t’as une chance de voir demain.

Puis à la femme, qui continue de chougner comme une perdue :

— Je t’ai dit de te branler ; t’attends quoi ? Que je me fâche ?

Il promène le canon de son feu sur ses nichons pendouilleurs.

— Enlève ton slip et fais-toi un doigt de cour, la mère. J’adore ce genre de spectacle.

Mais elle ne se décide toujours pas. Il lui place alors la pointe du pistolet entre les cuisses, l’orifice de l’arme braqué sur la banquette, mais le canon contre le pubis de la malheureuse. Il presse la détente. La femme hurle.

— C’est juste le coup de semonce. Le prochain je te tire en plein dans la chatte.

Puis, au conducteur :

— Si tu veux régler ton rétroviseur pour profiter de la séance, tu peux. Mais fais gaffe à la route tout de même.

Anéantie, la femme relève sa robe imprimée et ôte avec des gestes grotesques un slip qui ne l’est pas moins.

Lorsque le participe passé

est employé sans auxiliaire,

il peut être considéré

comme un véritable adjectif verbal

qui s’accorde en genre et en nombre

avec le nom auquel il se rapporte[9].

Quand je rentre à l’hôtel, après ma conversation avec le comte Bellazzezzeta et les joyeusetés qui s’ensuivirent, je trouve Bérurier dans la posture exacte où je l’ai quitté, à savoir entre les ravissantes jambes d’Anita, occupé à la contenter avec la force de pénétration et l’application qu’on pourrait attendre d’une foreuse à pétrole.

Ma venue lui fait tourner la tête. Il me jette :

— On joue le troisième set, mec. Mam’selle est drôlement entichée.

Son formidable cul velu, vergeté, crevassé, raviné, constellé de bleus et de cicatrices nombreuses est une bielle infernale activant son phénoménal piston.

La môme a trouvé une posture ad hoc pour profiter au maximum de l’engin. En fin de course, elle a un râle sec suivi d’un « houiiii » enthousiaste. A croire que chaque « brassée » (Béru dixit) lui permet de capitaliser quelque chose dont elle tirera encore profit par la suite. Peut-être des souvenirs sensoriels, après tout ? Encore que ceux-ci soient les premiers à s’effacer de la mémoire qui a d’autres plus beaux chats à fouetter. Personnellement, mes souvenirs de cul ne sont pas collés à la coque de mon cerveau. Moi, les remémorances concernent des instants où le sentiment jouait du luth. La bitoune, c’est pour l’instant, juste pour l’instant. Le cœur, lui, c’est pour toujours.

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9

J’émets les plus grandes réserves sur cette définition que nous proposent MM. Sève et Perrot dans leur dictionnaire orthographique.