Выбрать главу

Voilà. Ma bonne est servie ! Chacun son tour. En me retirant, je constate qu’elle se trouvait dans une posture vachetement triquante, Maria. Une jambe par-dessus l’accoudoir du canapé, l’autre allongée sur la moquette, les bras en croix, la chemise roulée jusqu’au menton, mais avec un superbe nichemard en vadrouille cependant. Composition de prestige ! Dans ces cas suprêmes, tu files un ultime petit bizou à ta partenaire en lui roucoulant une délicate fadaise. Moi, j’étudie notre post coïtum. S’agit pas d’engager l’avenir, non plus que de se montrer mufle. J’opte pour une gentille tape sur la joue, ponctuée d’un mutin :

— Eh bien, c’est du joli, petite friponne ! Si maman savait ça…

On est lâche, hein ? Et même pleinement dégueulasse, je trouve. En somme, par cette phrase je lui fais endosser la pleine responsabilité de notre étreinte. Le péché est tout à son crédit, je ne suis que le faible et presque repentant complice de cette galipette. Ah ! salaud d’homme ! J’ai honte. Mais c’est tellement mieux ainsi.

Maria se retire à petits pas courts dans ses appartements. Moi, je monte passer le pantalon du pyjama et ma robe de chambre en pomme de terre. Que déjà le négro carillonne, ce grand glandeur.

Il est là, somptueux, le nouvel inspecteur : jean qui moule son cul et ses longues jambes de danseur noir, polo blanc, blouson de faux cuir dans les rouge-bordeaux. Sur le polo, y a écrit en anglais « Oui, j’en ai une grosse, et alors ? ». J’aime bien ces espèces de messages indirects : ils situent celui qui les véhicule.

— Tu te laisses pousser la moustache, monsieur Blanc ?

— Ouais, un nègre avec des baffies, ça fout davantage les foies, je trouve, pas toi ?

— Peut-être bien. Alors, cosaque, ta nouveauté urgentissime ?

Il déballe une langue rose-frifri, la promène sur les craquelures de ses énormes lèvres noires ; bien s’humecter l’orifice avant de mouliner.

— Tu te souviens que j’étais balayeur avant que tu me fasses entrer dans ta putain de police de merde ?

— Je sais : toutes les commerçantes de Saint-Germain-des-Prés se masturbaient en te regardant usiner.

— Commence pas avec tes dégueulasseries, bordel ! Tu ne sais parler que de cul et de baise. Vous avez aucun respect pour l’amour dans ce pays de minables !

— On ne pense qu’à ça, mon pote, plaidé-je. Mais que ça ne te retienne pas de me narrer ta petite affaire.

— J’ai été remplacé par un collègue à moi : Melchior Troulala. Je passe de temps en temps, le matin dans le quartier, voir comment il s’en tire. Il est un peu con, mon vieux, un tout petit peu seulement, et alors il ne sait pas placer son sac derrière la bouche d’égout du caniveau pour arrêter l’eau, tu piges ? Sa foutue marotte de chiasse, c’est de le mettre trop en biais, ce qui fait que l’eau continue plus loin. J’ai beau lui dire… C’est pas qu’il soit franchement con, Melchior, mais il n’est pas très intelligent !

— C’est intéressant, approuvé-je, je suis heureux que tu viennes au milieu de la nuit pour me raconter ça. Quand je pense que j’aurais pu dormir bêtement !

— Arrête tes vannes, ça c’est le préambule.

— Si la suite est de cette qualité, on met tout ça noir sur blanc et on attend le passage du prochain Goncourt !

Jérémie hausse les épaules.

— C’est dur d’avoir une conversation sérieuse avec toi. Tu veux que je te fasse un café ? Moi, j’en boirais bien un.

— Je suggère que tu fasses comme chez toi, permets-je.

Nous nous déplaçons jusqu’à la cuisine où Jérémie se met à vaquer, trouvant sans problème les différents éléments d’ingrédients dont il a besoin.

— J’en reviens à mon pote Melchior, fait-il en garnissant la cafetière.

— J’allais t’en prier car j’ai une nostalgie folle de lui.

— Melchior a été intrigué par l’installation sur le trottoir de la rue Piquebise, d’une cabane de cantonnier.

— Pourquoi ?

— Il ne la trouvait pas conforme.

— Conforme à quoi, mon sombre ami ?

— Aux autres dont les services de la voirie se servent pour travailler sur la voie publique. Il me l’a montrée et, effectivement, c’est une copie plus ou moins approchante de la cabane 28 ter améliorée actuellement en exercice dans la capitale. Quand on est du métier, on mesure la différence.

— Alors ?

— Toutes sont numérotées. J’ai pris le numéro de celle-ci et suis allé vérifier au dépôt. C’est le numéro 608 A tiret 08.

— Très bien, ensuite ?

— Ensuite, écoute ça, mon vieux avec tes putains d’oreilles de flic : la cabane 608 A tiret 08 existe bien, mais elle se trouve actuellement place du 29 Juin à Courbevoie[3] où l’on procède à des réparations de canalisations.

Une bonne odeur du caoua chaud se répand dans l’air à la ronde, attisant mon énergie défaillante.

— Eminemment intéressant, monsieur Blanc.

— N’est-ce pas ? Maintenant, il faut revenir à la fausse cabane. Elle est plantée devant une succursale du Crédit Lyonnais.

— Je l’aurais parié.

— En ce moment, des hommes travaillent sous terre. On entend des pics pneumatiques, très assourdis. Si tu veux mon avis, grand chef, une bande de petits rigolos refait le coup des égouts de Nice. Une fourgonnette est stoppée près de la cabane et deux types sont à l’intérieur, qui font le guet, prêts à intervenir si un os se produit.

— Tu n’as prévenu personne d’autre, monsieur Blanc ?

— Pour me faire griller l’affaire ? T’es de plus en plus con, toi, mon vieux, ça s’arrange pas. Je raconte ça à nos supérieurs, ils organisent une traque et je suis marron !

Mon sourire l’agace.

— Mouais, je sais que je le suis de toute manière, ricane Jérémie, mais ce coup-là, c’est moi qui l’ai levé. C’est mon affaire, m’sieur le commissaire. Je ne veux pas qu’elle soit réglée en dehors de moi. C’est pourquoi je t’ai attendu. On opère nous deux, vite fait bien fait, d’accord ?

— A deux, c’est un peu chétif, surtout si tes zèbres sont sur le qui-vive. Il nous faut Bérurier et Mathias. Mais tu es certain de ton fait, au moins ?

— Putain de merde, tu es comme saint Thomas !

Je tressaille. Saint Thomas ! L’oncle Tom !

Jérémie verse le café. Ça renifle chouette. Et il est corsé à souhait, heureusement, parce que c’est pas encore cette nuit que je vais battre le record du monde de la pioncette sur Epéda multispires.

Une heure plus tard, tout est paré. Je veux pas me moucher du coude, pas davantage me balancer des coups de tatane dans les chevilles, mais comme organisateur, franchement je mérite mon grade et ma répute.

Bérurier ronchonne à s’en décaper les muqueuses. Il dit qu’un mec comme moi, très peu merci ! A la longue, ça flanque des rhumatisses auriculaires aigus. Bon, je pars pour le Brésil en loucedé. Qu’à peine si j’en informe le Vieux. Les potes ? Zob ! Zob ! Et Bite ! Et puis je refais surface à des quatre plombes du mat’ pour réaliser un coup de main, style commando suicide, contre des gars qu’un con de nègre, flic de deux jours à peine, répute malfrats de haut niveau ! Lui, il s’a endormi à point d’heure, biscotte Apollon-Jules, son rejeton, a la rougeole et qu’il bieurle comme un veau ! Et dites donc, les gars : il se fendrait le pébroque, Alexandre-Benoît, si les faux égoutiers c’étaient des vrais ! Il parie que le négro s’est foutu le doigt dans l’œil qu’il a énorme, ce grand serin. Alors là, il voudrait se claquer les jambons, le Gros, qu’on joue les Rambo contre d’honnêtes manars ! Cette crise dans la Rousse !

вернуться

3

Je précise pour les incultes qui, éventuellement se seraient glissés dans la foule de mes lecteurs, que le 29 juin est la date de mon anniversaire. Je remercie la municipalité de Courbevoie qui s’est plu à l’immortaliser.

San-A.