— Vous allez donc repartir, une fois que vous m’aurez assassinée, avec Sonia Derek à votre bras ? Pour quels rôles ? Pas celui d’Ophélie je suppose ?
— Croyez-vous vraiment que cette créature dépravée puisse être un jour comédienne dans ma troupe ? Cette traînée, cette putain à soldats ? Jamais. Elle est tout juste bonne pour faire s’esclaffer les paysans en montrant son cul…
Lorsque le brigadier Wasquehale arriva à la bergerie en ruine, alerté par ceux de la métairie de Cédeillan ayant entendu des coups de feu, il trouva le capitaine Jonas Savane mort et sa meurtrière prostrée sur le divan du fourgon. Zélie Terrasson se trouvait au-dehors, à côté de son cheval qu’elle tenait par le cou.
— Dès qu’il l’a insultée, sans la savoir à l’écoute derrière le rideau, elle a surgi comme une folle et a tiré sans arrêt. Il lui avait promis qu’elle serait la première actrice de son théâtre et elle y croyait.
— Comment en est-il arrivé à l’insulter ? s’étonna le brigadier.
Où avait-elle puisé tant de perfidie instinctive pour amener Savane à proférer les plus ignobles insultes alors qu’à côté Sonia ne pourrait en souffrir davantage ? Instinct de survie, de légitime défense ?
Dans les poches de Savane le brigadier trouva le fameux masque du commandeur et du roi du Danemark.
Lorsqu’elle en eut terminé avec le juge, les gendarmes, Zélie reprit la route de Lézignan, mais pas une fois ne put s’installer pour manger ou coucher dans le fourgon. Elle roula sans arrêt, marquant quelques étapes pour que Roumi se repose, mais elle atteignit Lézignan d’une seule traite.
Roumi une fois dans son écurie avec de l’eau, de l’avoine, de la paille fraîche, elle s’abattit sur son lit et dormit douze heures.
Les jours suivants lorsque Roumi hennissait elle essayait de découvrir quel sentiment l’animait. Avec le rouge du capitaine Savane il avait eu des hennissements presque effrayés, mais pour l’alezan de Julien Molinier il manifestait un agacement de jalousie. Elle fut désormais à l’affût de ses réactions d’humeur. En espérant ne pas trop attendre.
GLOSSAIRE DES MOTS LANGUEDOCIENS
AGANTTER : attraper, arrêter.
BOUSCASSIER : celui qui vit de braconnage, de cueillettes.
CABEZAL : torchon.
CABOURD : dérangé, fou.
CAPITELLE : abri, cabane creusés dans l’épaisseur d’un mur de clôture.
CARAQUE : gitan.
CASSE : louche (ustensile).
DRÔLE : enfant.
ESCAOUSSEL : houe.
ESCLOP : sabot.
FARNAT : pâtée pour les animaux, par extension plat mal préparé et aussi grosse quantité médiocre en général.
PËLHES : chiffons.
PELHAROT : chiffonnier.
PILHART : garnement.
POTAGER : rechaud bâti à côté de l’âtre rempli de braises pour faire mijoter, tenir au chaud.
RAMONET : valet-maître de culture.
RAJOLE : carreau en terre cuite rouge pour le sol.
REPASSE ou RAPASSE : son de blé.
ROUGNES : ordures.
SAGAN : vacarme.
TRIPOTAGE : ragot.