Выбрать главу

— Et après ? Dieu seul sait où il se rendait. Peut-être chez cette femme qui l’a appelé…

— Non, ce n’est pas la direction non plus. Ce qui est intéressant, c’est qu’à partir de là, plus aucune borne-relais n’a été activée malgré les nombreux appels passés par sa fiancée désespérée.

— Comme si son téléphone avait été détruit ou mis hors service et abandonné quelque part, pigea Espérandieu.

— Exact. Et ce n’est pas tout. Élargis encore.

Espérandieu fit descendre un peu plus le curseur et le territoire représenté continua de s’agrandir. Servaz fit courir son doigt du restaurant à la borne-relais, puis prolongea sa trajectoire.

— Merde, dit son adjoint en voyant le doigt de son patron se rapprocher de plus en plus d’un lieu dont ils avaient lu le nom une bonne centaine de fois au cours des dernières heures : le lac de Néouvielle.

Ziegler enfourchait sa Suzuki devant le tribunal en pensant à la façon dont elle avait mouché l’avocat de la défense commis d’office, et en observant le ciel noir quand Chantons sous la pluie retentit dans sa poche. Elle fit glisser la fermeture de son blouson de cuir. Considéra l’écran de son iPhone : Martin.

— Tu as bien fait de la plongée en Grèce ? demanda-t-il dans l’appareil. Avec ou sans bouteilles ?

Elle fut tout à coup aux aguets, malgré ou à cause de l’incongruité de la question.

— Avec, répondit-elle, sa curiosité s’éveillant instantanément.

— Tu te débrouilles bien ?

Elle émit un petit rire sec.

— Ah ! ah !… Je suis moniteur fédéral 1er degré et, de ce fait, moniteur 2 étoiles à la confédération mondiale des activités subaquatiques.

Elle l’entendit émettre un sifflement.

— Ça sonne rudement chic. Je suppose que ça veut dire oui ?

— Martin, pourquoi tu veux savoir ça ?

Il le lui dit.

— Et toi, tu as déjà plongé ?

— Avec un masque et un tuba, oui, une ou deux fois…

— Je suis sérieuse. Et avec des bouteilles ?

— Euh… oui, plusieurs fois, mais il y a longtemps…

C’était un mensonge. Il n’avait plongé en tout et pour tout qu’une seule fois avec des bouteilles, au cours de sa vie… au Club Med… dans une piscine… en compagnie d’Alexandra et d’un moniteur.

— C’était quand ?

— Mmm… il y a une quinzaine d’années, je dirais… Peut-être un peu plus…

— C’est une très mauvaise idée.

— C’est la seule que j’ai. Et on ne peut pas se permettre d’attendre d’avoir l’aval du parquet et une équipe de plongeurs à disposition. La presse va s’emparer de l’affaire dans les heures qui viennent. Ce n’est qu’un tout petit lac, après tout… Et il n’y a pas de requins, tenta-t-il de plaisanter.

— C’est une putain de mauvaise idée.

— Tu as ce qu’il faut, côté matos ? Une combinaison pour moi ?

— Ouais… Je dois pouvoir trouver ça.

— Très bien. Je passe te prendre dans combien de temps ?

— J’ai rendez-vous chez le commandant de la compagnie. Donne-moi deux heures.

Elle s’occuperait de Zlatan Jovanovic plus tard. Elle brûlait de savoir ce que Martin avait trouvé.

Des bouteilles, de la plongée, un lac…

Avec un trésor au fond, se dit-elle.

44.

Plongée

L’après-midi était déjà bien avancée quand ils empruntèrent le chemin de terre. De plus en plus de nuages orageux avançaient par l’ouest. Ils roulèrent en cahotant jusqu’à la chaîne tendue entre deux plots et pourvue d’un cadenas. Un écriteau rouillé se balançait au milieu :

« BAIGNADE INTERDITE »

Le lac et le barrage surgirent devant eux. Servaz regarda l’autre rive, à deux cents mètres de là, surplombée par la route qui décrivait un virage serré. C’était à cet endroit que l’autocar l’avait quittée pour verser dans la pente. Impossible d’atteindre le lac par cette voie : la rive en contrebas de la route décrivait un surplomb abrupt d’environ dix mètres auquel seuls quelques vieux arbres se cramponnaient ; leurs racines mises à nu par les effondrements successifs du rivage trempaient dans l’eau ; un matelas de bois mort et de détritus flottait à la surface, entre leurs ramifications. Tout autour, la pente était moins escarpée, mais encore trop importante, et surtout la végétation de sapins et de taillis trop dense pour accéder au lac en tenue de plongée.

Il n’y avait qu’un seul accès : le chemin où ils se trouvaient.

Servaz coupa la clim, ouvrit sa portière et aussitôt la chaleur du jour tomba sur ses épaules comme un vêtement oublié au soleil. Irène avait déjà fait le tour du Cherokee et soulevé le hayon. Elle se dépêchait de retirer ses vêtements et Servaz constata qu’elle était très bronzée. Il regarda son corps, de longues jambes musclées et un torse délié, un ventre plat, de petits seins. Elle enfila sa combinaison de caoutchouc noir par-dessus son string et son soutien-gorge roses et il entreprit de se déshabiller à son tour.

— Dépêchons-nous, dit-elle en regardant les nuages.

Le tonnerre grondait et tournoyait au loin. De temps en temps, la lueur d’un éclair silencieux. Mais toujours pas de pluie. Elle sortit le deuxième équipement du coffre et l’aida à enfiler sa combinaison. Il n’aima pas le contact froid du Néoprène sur sa peau qui se couvrit de chair de poule. Il essaya de se remémorer les explications qu’elle lui avait répétées à plusieurs reprises dans la voiture, et commença à regretter son initiative.

— On dirait que l’orage est sur le point d’éclater, fit-elle remarquer. Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.

— Je n’en ai pas d’autre, répéta-t-il.

— On pourrait peut-être attendre demain. Une équipe de plongeurs ratissera le lac. S’il y a quelque chose à trouver, ils le trouveront.

— Demain, La République de Marsac va publier un article expliquant que la police cherche un rapport entre l’accident et le meurtre de Claire Diemar, et toute la presse va s’emparer de cette histoire. Je ne veux pas, s’il y a quelque chose là-dessous, que la presse soit là pour le voir.

— Si tu me disais ce qu’on cherche.

— Une Mercedes grise. Et peut-être quelqu’un à l’intérieur.

— Rien que ça.

L’espace d’un instant, il faillit renoncer. Mais un reste de fierté le retint de se dégonfler tout à fait. Elle le lut dans ses yeux et secoua la tête en soupirant. Mais sans rien ajouter. Elle répéta ses explications au sujet de l’octopus et de la respiration, plaça la bouteille sur son dos, la redressa. Puis elle régla les sangles et disposa les tuyaux de l’octopus, le masque et le tuba sur ses épaules et sur son torse.

— Ça, c’est le Stab, dit-elle en montrant le gilet stabilisateur. Tu le gonfles et tu le dégonfles avec ces poussoirs, là, comme je t’ai montré. Toujours gonflé à la surface. Il te permettra de rester hors de l’eau sans effort. Le Stab est attaché par cette sangle à la bouteille. Elle-même reliée au détendeur. Tu l’insères comme cela dans ta bouche. Mords légèrement le caoutchouc si tu crains de le perdre.

Il essaya de respirer. L’air lui parut offrir une résistance dans le tuyau, mais c’était sans doute dû au stress. Son cœur battait à coups très lourds. Irène vérifia sa ceinture, ses palmes ; elle fit glisser l’ordinateur de plongée — une grosse montre — autour de son poignet.