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— Ne bouge plus, CONNARD ! Si tu fais le moindre geste, je te vide le chargeur dans le ventre, espèce de sale enfoiré de merde !

Il eut un rire mauvais. Ses yeux étaient deux puits de ténèbres, ils fixaient le trou noir du canon dans le dos de Ziegler, sourcils froncés.

— Et tu comptes faire quoi, maintenant ? ironisa-t-il. Me tuer ? Ça m’étonnerait… On va rester là longtemps ? C’est moi qui ai ton iPhone, je te le rappelle. Et la clé de tes menottes. T’as vu ta position ? Dans deux minutes, ton bras sera complètement ankylosé !

Il la regardait avec l’assurance tranquille du prédateur qui a tout son temps. Il avait raison. Le sang avait déjà du mal à circuler dans son épaule coincée sous elle, et la main qui tenait l’arme dans son dos était agitée de petits tremblements. Bientôt, elle tremblerait trop pour pouvoir viser correctement et, de son côté, il aurait récupéré suffisamment pour se jeter sur elle.

— Tu as foutrement raison, décréta-t-elle en souriant.

Il lui lança un regard étonné. Aussitôt après, le coup partit et il hurla de douleur quand son genou explosa, sa rotule pulvérisée par la balle.

— Putain, t’es cinglée ! hurla-t-il en se tordant de douleur et en se tenant la jambe à deux mains. Tu aurais pu… tu aurais pu me tuer, merde !

— Exact, lui lança-t-elle. Dans cette position, j’ai tiré au jugé, tu t’en doutes. J’aurais pu te toucher n’importe où… Au ventre, à la poitrine, à la tête… Qui sait où la prochaine balle t’atteindra ?

Elle le vit pâlir. Sans plus s’occuper de lui, elle tira ses deux bras menottés en arrière selon un angle de quarante-cinq degrés par rapport à son dos, l’arme à une quarantaine de centimètres du sol, et elle garda le doigt appuyé sur la détente, tirant à l’aveugle à travers la petite pièce derrière elle, en direction de la fenêtre qu’elle avait aperçue en passant. Le tonnerre assourdissant des déflagrations fit siffler ses tympans et ricocha comme une balle de squash sur les murs du couloir. Dans son dos, elle entendit les vitres de la petite pièce exploser bruyamment. Les oreilles bourdonnantes, il lui sembla percevoir des cris dans la rue en contrebas.

— Cette fois, je crois que la cavalerie ne va pas tarder à arriver, répliqua-t-elle, satisfaite.

Une nouvelle idée jaillit, évidente, spontanée, terrifiante s’il avait raison, il était en danger lui aussi. Là, tout de suite. Dans cet hôpital. Car, contrairement à ce qu’il pensait, l’assassin savait où le trouver. Savait qu’il était plus vulnérable que jamais. Savait que c’était une chance unique.

Servaz songea, avec un haut-le-cœur, qu’il était probablement déjà en route.

Assis au bord du lit, il sentait la terreur couler en lui. Il n’y avait pas une minute à perdre, il fallait déguerpir d’ici. Vite. Se planquer quelque part. Il tâta ses vêtements : il portait une sorte de pyjama léger en coton. Il chercha de nouveau la sonnette à tâtons, appuya dessus. Rien.

Fumiers !

Son regard se porta instinctivement autour de lui, bien qu’il ne vît rien, et il se leva, les mains tendues en avant. Il tâta les murs. Sentit sous ses doigts un revêtement granuleux, des tuyaux en pagaille, et finit par repérer une chaise près de la tête du lit sur laquelle était posé un grand sac en plastique. Sa main plongea à l’intérieur. Ses vêtements… Il se dépêcha de retirer son pantalon de pyjama et d’enfiler son jean à la place, récupéra son téléphone portable sur la table de nuit proche et le glissa dans sa poche, puis il se chaussa. Quand il eut terminé, sans même nouer ses lacets, il se dirigea vers l’endroit où était censée se trouver la porte.

Il l’ouvrit. Le couloir lui parut étrangement silencieux. Il se demanda où était passé le personnel. Puis un mot s’alluma dans son cerveau : football. Il y avait sans doute d’autres matches que ceux de l’équipe de France à regarder. À moins qu’ils n’aient été appelés à un autre étage. Manque de personnel, crédits en berne : l’éternelle rengaine… Il se faisait tard, le personnel de jour était rentré chez lui. L’angoisse l’envahit, il tourna la tête à droite et à gauche. Il se sentit tout à coup très exposé, vulnérable au milieu de ce couloir désert.

Tous les sens en alerte, il tendit les bras devant lui jusqu’au moment où ses mains trouvèrent le mur d’en face. La même surface granuleuse que dans la chambre. Il décida de la suivre et choisit arbitrairement de partir vers la gauche. Il finirait bien par tomber sur quelqu’un. Il faillit trébucher sur un chariot rangé contre le mur, le contourna, reprit sa progression, ses mains toujours au contact du mur. Des tuyaux, des papiers épinglés sur un panneau de liège, un boîtier avec une clé et une chaînette — peut-être pour l’alarme incendie… Il envisagea un instant de tourner la clé. Puis il atteignit un angle. En fit le tour. Se redressa.

— Il y a quelqu’un ? S’il vous plaît, aidez-moi !

Personne. Sa poitrine l’oppressait, une sueur froide descendait le long de son dos, sous la chemise d’hôpital qu’il portait pardessus son jean. Il continua le long du mur, à tâtons. Tout à coup, il s’immobilisa. Ses doigts venaient de rencontrer une plaque de métal qui faisait saillie, un bouton… Un ascenseur ! La main tremblante, il s’empressa d’appuyer sur le gros bouton carré et perçut un ping en guise de réponse. Ses oreilles captèrent le vrombissement de la cabine se mettant en mouvement. Les portes s’ouvrirent quelques secondes plus tard en chuintant. Il fit un pas à l’intérieur lorsqu’une voix derrière lui le héla.

— Hé ! Où allez-vous comme ça ?

Il entendit l’homme entrer à son tour dans la cabine et les portes de l’ascenseur se refermer sur eux.

— Quel étage ? demanda la voix à côté de lui.

— Rez-de-chaussée, répondit-il. Vous êtes un membre du personnel ?

— Oui. Et vous, vous êtes qui ? Comment ça se fait que vous êtes arrivé ici dans cet état, d’ailleurs ?

Le ton de l’homme était soupçonneux. Il hésita, cherchant ses mots.

— Écoutez. Je n’ai pas le temps de vous expliquer. Mais il faut que vous me rendiez un service : appelez la police.

— Quoi ?

— Je dois quitter cet endroit. De toute urgence. Conduisez-moi à la gendarmerie.

Il devina que l’homme, décontenancé, l’examinait attentivement.

— Si vous commenciez par me dire qui vous êtes…

— C’est un peu compliqué… Je… je suis…

Les portes s’ouvrirent. Une voix de femme enregistrée et sirupeuse dans un haut-parleur : « Rez-de-chaussée/accueil/cafétéria/presse. » Il fit un pas à l’extérieur, perçut des voix un peu plus loin et devina au léger écho qu’elles produisaient qu’ils se trouvaient dans un vaste espace, probablement le hall d’entrée de l’hôpital. Il se mit en marche.

— Oh là, doucement ! lança l’homme derrière lui. Pas si vite ! Où est-ce que vous comptez aller comme ça ?

Il s’immobilisa.

— Je vous l’ai dit : je ne peux pas rester ici.

— Ah bon ? Et je peux savoir pourquoi ?

— Pas le temps. Écoutez, je suis flic et…