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— Monseigneur ?

Un messager, venant de l’autre direction, arriva hors d’haleine.

Valentin hésitait encore devant l’entrée du souterrain.

— Qu’y a-t-il ? aboya-t-il.

— Monseigneur, je suis envoyé par le duc Nascimonte. Nous avons découvert Dominin Barjazid barricadé dans l’Observatoire de Kinniken, et il vous demande de venir rapidement pour diriger la capture.

Valentin hocha la tête. Cela était préférable que de rester ici à ne rien faire. S’adressant à un aide de camp, il lui dit :

— Dites à Elidath que je remonte. Il a toute autorité pour atteindre les machines de climatisation de toutes les manières possibles.

Mais Valentin avait à peine commencé à rebrousser chemin dans les galeries que l’aide de camp de Gorzval arriva pour lui annoncer que l’on disait que l’usurpateur était dans la Cour Pinitor. Quelques minutes plus tard, Lisamon Hultin lui fit savoir qu’elle poursuivait le faux Coronal dans un passage en spirale menant à la salle des miroirs de lord Siminave. Dans le grand hall, Valentin trouva Deliamber suivant l’action avec un air de fascination stupéfiée. Après avoir fait part au Vroon des rapports contradictoires, il lui demanda :

— Peut-il se trouver à trois endroits différents ?

— Aucun des trois, plus vraisemblablement, répondit le magicien. À moins qu’il ne soit séparé en trois. Ce dont je doute, bien que je sente ici sa présence forte et maléfique.

— Dans une zone particulière ?

— C’est difficile à dire. La vitalité de votre ennemi est telle qu’il rayonne de chaque pierre du Château et ces interférences me troublent. Mais je ne pense pas qu’elles me troubleront beaucoup plus longtemps.

— Lord Valentin ?

Un nouveau messager – et un visage familier, d’épais sourcils se rejoignant au centre du visage, un menton en galoche, un sourire franc et assuré. C’était une nouvelle pièce du passé disparu qui se remettait en place, car cet homme n’était autre que Tunigorn, le plus proche après Elidath des amis d’enfance de Valentin, devenu un des principaux ministres du royaume, et qui regardait l’inconnu se tenant devant lui avec des yeux brillants et pénétrants, comme s’il essayait de retrouver le vrai Valentin sous les traits de cet inconnu. Shanamir l’accompagnait.

— Tunigorn ! s’écria Valentin.

— Monseigneur ! Elidath m’avait dit que vous aviez changé, mais je ne m’attendais pas…

— Te sens-tu très dépaysé de me voir avec ce visage ?

— Il me faudra m’y habituer, monseigneur. Mais cela viendra en son temps. Je vous apporte de bonnes nouvelles.

— Te revoir est déjà une bonne nouvelle.

— Je vous apporte mieux que cela. Nous avons découvert le traître.

— C’est ce que l’on m’a déjà annoncé trois fois en une demi-heure. Il semblerait qu’il se trouve en trois endroits différents.

— Je ne suis pas au courant de ces rapports. Nous le tenons.

— Où ?

— Barricadé dans les chambres intérieures. Le dernier à l’avoir vu est son valet, le vieux Kanzimar, loyal jusqu’au bout, qui l’a vu bégayer de terreur et a fini par comprendre que ce n’était pas un Coronal qu’il avait devant lui. Il a condamné toute la suite, depuis la salle du trône jusqu’au vestiaire, et il est seul là-bas.

— Quelle bonne nouvelle ! dit Valentin. Puis il demanda à Deliamber :

— Est-ce que votre magie peut confirmer cela ? Deliamber fit vibrer ses tentacules.

— Je sens une présence aigrie et maléfique dans ce haut bâtiment.

— Les chambres impériales, fit Valentin. Bien. Se tournant vers Shanamir, il lui dit :

— Préviens Sleet, Carabella, Zalzan Kavol et Lisamon Hultin. Je les veux près de moi quand il sera cerné.

— Oui, monseigneur ! fit le garçon, le regard brillant d’excitation.

— Qui sont ces gens que vous venez de nommer ? demanda Tunigorn.

— Mes compagnons d’aventure, mon vieux. Pendant ma période d’exil, ils me sont devenus très chers.

— Alors, ils me seront chers aussi, monseigneur. Quels qu’ils soient, ceux qui vous aiment, je les aime aussi.

Tunigorn s’enroula dans son manteau.

— Quel froid ! Quand cela va-t-il cesser ? J’ai appris par Elidath que les machines de climatisation…

— Oui.

— Et peuvent-elles être réparées ?

— Elidath est en bas. Qui sait quels dégâts a pu commettre le Barjazid ? Mais nous pouvons faire confiance à Elidath.

Valentin leva la tête vers les appartements impériaux, plissant les yeux comme si cela lui permettait de voir à travers les nobles murs de pierre jusqu’à la cynique créature terrorisée qui se dissimulait derrière.

— Ce froid m’inquiète terriblement, Tunigorn, dit-il, l’air sombre. Mais le remède est maintenant entre les mains du Divin… et d’Elidath. Allez. Voyons si nous pouvons arracher ce vil individu de son nid.

14

L’heure du règlement de comptes avec Dominin Barjazid allait bientôt sonner. Valentin avançait, montait et traversait rapidement tous ces lieux merveilleux et familiers.

Ce bâtiment voûté était la salle des archives de lord Prestimion, où ce grand Coronal avait constitué un musée de l’histoire de Majipoor. Valentin sourit à l’idée d’exposer ses massues de jongleur à côté du sabre de lord Stiamot et de la cape chamarrée de pierreries de lord Confalume. Plus loin s’élevaient les stupéfiantes volutes du beffroi frêle et élancé construit par lord Arioc, une construction vraiment bizarre, peut-être un signe avant-coureur de la bizarrerie d’une tout autre envergure qu’Arioc allait commettre lorsqu’il serait devenu Pontife. Ce double atrium avec son bassin central surélevé était la chapelle de lord Kinniken, contiguë à l’élégant bâtiment de tuiles blanches qui était la résidence de la Dame lorsqu’elle venait rendre visite à son fils. Et là-bas, ces toits de verre inclinés miroitant sous la clarté des étoiles étaient ceux de la serre de lord Confalume, le jardin secret de ce monarque épris des pompes de la cour, un endroit où avaient été rassemblées des plantes fragiles venues des quatre coins de Majipoor. Valentin pria pour qu’elles survivent à cette nuit de rafales glacées, car il lui tardait de se promener au milieu d’elles, de les contempler d’un regard rendu plus connaisseur par ses pérégrinations, et de retrouver les merveilles qu’il avait vues dans les forêts de Zimroel et sur les côtes de la Stoienzar. Et ils montaient toujours…

Ils continuaient leur marche à travers un enchevêtrement apparemment sans fin de passages, d’escaliers, de galeries, de tunnels et de dépendances.

— Avant de retrouver le Barjazid, c’est de vieillesse que nous allons mourir, et non de froid ! grommela Valentin.

— Ce ne sera plus long maintenant, monseigneur, dit Shanamir.

— Encore trop à mon goût.

— Quel châtiment lui réservez-vous, monseigneur ?

— Un châtiment ? Un châtiment ? demanda Valentin en tournant la tête vers le garçon. Quel châtiment peut-il y avoir pour ce qu’il a commis ? La flagellation ? Trois jours au pain de stajja sec ? Autant châtier la Steiche pour nous avoir roulés sur les rochers.