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– Quoi? demanda Maurice.

– Ce que je sens dans l’œillet, donc! Ah! ah!

Et, aux yeux de Maurice stupéfait, Simon tira du calice de la fleur un petit papier roulé avec un soin exquis et qui avait été artistement introduit au centre de son épais panache.

– Oh! s’écria Maurice à son tour, qu’est-ce que cela, mon Dieu?

– Nous le saurons, nous le saurons, dit Simon en s’approchant de la lucarne. Ah! ton ami Lorin dit que je ne sais pas lire? Eh bien, tu vas voir.

Lorin avait calomnié Simon; il savait lire l’imprimé dans tous les caractères, et l’écriture quand elle était d’une certaine grosseur. Mais le billet était minuté si fin, que Simon fut obligé de recourir à ses lunettes. Il posa en conséquence le billet sur la lucarne et se mit à faire l’inventaire de ses poches; mais comme il était au milieu de ce travail, le citoyen Agricola ouvrit la porte de l’antichambre qui était juste en face de la petite fenêtre, et un courant d’air s’établit qui enleva le papier léger comme une plume; de sorte que, quand Simon, après une exploration d’un instant, eut découvert ses lunettes, et, après les avoir mises sur son nez, se retourna, il chercha inutilement le papier; le papier avait disparu.

Simon poussa un rugissement.

– Il y avait un papier, s’écria-t-il; il y avait un papier; mais gare à toi, citoyen municipal, car il faudra bien qu’il se retrouve.

Et il descendit rapidement, laissant Maurice abasourdi.

Dix minutes après, trois membres de la Commune entraient dans le donjon. La reine était encore sur la terrasse, et l’ordre avait été donné de la laisser dans la plus parfaite ignorance de ce qui venait de se passer. Les membres de la Commune se firent conduire près d’elle.

Le premier objet qui frappa leurs yeux fut l’œillet rouge qu’elle tenait encore à la main. Ils se regardèrent surpris, et, s’approchant d’elle:

– Donnez-nous cette fleur, dit le président de la députation.

La reine, qui ne s’attendait pas à cette irruption, tressaillit et hésita.

– Rendez cette fleur, madame, s’écria Maurice avec une sorte de terreur, je vous en prie.

La reine tendit l’œillet demandé.

Le président le prit et se retira, suivi de ses collègues, dans une salle voisine pour faire la perquisition et dresser le procès-verbal.

On ouvrit la fleur, elle était vide. Maurice respira.

– Un moment, un moment, dit l’un des membres, le cœur de l’œillet a été enlevé. L’alvéole est vide, c’est vrai; mais dans cette alvéole un billet bien certainement a été renfermé.

– Je suis prêt, dit Maurice, à fournir toutes les explications nécessaires; mais, avant tout, je demande à être arrêté.

– Nous prenons acte de ta proposition, dit le président, mais nous n’y faisons pas droit. Tu es connu pour un bon patriote, citoyen Lindey.

– Et je réponds, sur ma vie, des amis que j’ai eu l’imprudence d’amener avec moi.

– Ne réponds de personne, dit le procureur.

On entendit un grand remue-ménage dans les cours.

C’était Simon, qui, après avoir cherché inutilement le petit billet enlevé par le vent, était allé trouver Santerre et lui avait raconté la tentative d’enlèvement de la reine avec tous les accessoires que pouvaient prêter à un pareil enlèvement les charmes de son imagination. Santerre était accouru; on investissait le Temple et l’on changeait la garde, au grand dépit de Lorin, qui protestait contre cette offense faite à son bataillon.

– Ah! méchant savetier, dit-il à Simon en le menaçant de son sabre, c’est à toi que je dois cette plaisanterie; mais, sois tranquille, je te la revaudrai.

– Je crois plutôt que c’est toi qui payeras tout ensemble à la nation, dit le cordonnier en se frottant les mains.

– Citoyen Maurice, dit Santerre, tiens-toi à la disposition de la Commune, qui t’interrogera.

– Je suis à tes ordres, commandant; mais j’ai déjà demandé à être arrêté et je le demande encore.

– Attends, attends, murmura sournoisement Simon; puisque tu y tiens si fort, nous allons tâcher de faire ton affaire.

Et il alla retrouver la femme Tison.

XXIII La déesse Raison

On chercha pendant toute la journée dans la cour, dans le jardin et dans les environs le petit papier qui causait toute cette rumeur et qui, on n’en doutait plus, renfermait tout un complot.

On interrogea la reine après l’avoir séparée de sa sœur et de sa fille; mais elle ne répondit rien, sinon qu’elle avait, sur l’escalier, rencontré une jeune femme portant un bouquet, et qu’elle s’était contentée d’y cueillir une fleur.

Encore n’avait-elle cueilli cette fleur que du consentement du municipal Maurice.

Elle n’avait rien autre chose à dire, c’était la vérité dans toute sa simplicité et dans toute sa force.

Tout fut rapporté à Maurice lorsque son tour vint, et il appuya la déposition de la reine comme franche et exacte.

– Mais, dit le président, il y avait un complot, alors?

– C’est impossible, dit Maurice; c’est moi, qui en dînant chez madame Dixmer, lui avais proposé de lui faire voir la prisonnière, qu’elle n’avait jamais vue. Mais il n’y avait rien de fixé pour le jour ni pour le moyen.

– Mais on s’était muni de fleurs, dit le président; ce bouquet avait été fait d’avance?

– Pas du tout, c’est moi-même qui ai acheté ces fleurs à une bouquetière qui est venue nous les offrir au coin de la rue des Vieilles-Audriettes.

– Mais, au moins, cette bouquetière t’a présenté le bouquet?

– Non, citoyen, je l’ai choisi moi-même entre dix ou douze; il est vrai que j’ai choisi le plus beau.

– Mais on a pu, pendant le chemin, y glisser ce billet?

– Impossible, citoyen. Je n’ai pas quitté une minute madame Dixmer, et, pour faire l’opération que vous dites dans chacune des fleurs, car remarquez que chacune des fleurs, à ce que dit Simon, devait renfermer un billet pareil, il eût fallu au moins une demi-journée.

– Mais enfin, ne peut-on avoir glissé parmi ces fleurs deux billets préparés?

– C’est devant moi que la prisonnière en a pris un au hasard, après avoir refusé tout le bouquet.

– Alors, à ton avis, citoyen Lindey, il n’y a donc pas de complot?

– Si fait, il y a complot, reprit Maurice, et je suis le premier, non seulement à le croire, mais à l’affirmer; seulement, ce complot ne vient point de mes amis. Cependant, comme il ne faut pas que la nation soit exposée à aucune crainte, j’offre une caution et je me constitue prisonnier.

– Pas du tout, répondit Santerre; est-ce qu’on agit ainsi avec des éprouvés comme toi? Si tu te constituais prisonnier pour répondre de tes amis, je me constituerais prisonnier pour répondre de toi. Ainsi la chose est simple, il n’y a pas de dénonciation positive, n’est-ce pas? Nul ne saura ce qui s’est passé. Redoublons de surveillance, toi surtout, et nous arriverons à connaître le fond des choses en évitant la publicité.

– Merci, commandant, dit Maurice, mais je vous répondrai ce que vous répondriez à ma place. Nous ne devons pas en rester là et il nous faut retrouver la bouquetière.