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Martinez hurlait terriblement à l’intérieur, servant de stabilisateur. A chaque tour, il était entraîné, puis glissait le long de la toile, se brûlant sur tout le corps.

Roy entendit les cris. Et puis il vit Kovask qui arrivait derrière en courant.

— Arrête-le, si tu es un homme. Ton complice Martinez est à l’intérieur.

L’Américain en fut frappé de stupeur durant quelques secondes et le pneu fut sur lui. Il se jeta sur le côté, donna une poussée des deux mains. Le pistolet qu’il tenait dans la droite lui échappa, mais le pneu fut détourné de sa course au ravin et se dirigea vers la montagne. Au passage Kovask bouscula Roy, rafla le pistolet et, d’un coup de l’épaule, orienta définitivement la grosse masse de caoutchouc. Elle se déchiqueta contre les aspérités rocheuses, mais finit par s’arrêter. Le Commander se planqua derrière La lueur des phares, orientés pourtant dans l’autre sens, se reflétait contre une falaise blanche et illuminait toute la nuit.

— Doucement, Roy. Les mains en l’air !

L’autre hésita, mais Kovask lui tira entre les jambes, le faisant sautiller.

— Approche. Tu ferais mieux de ne pas faire le zouave. Martinez est dans ce pneu depuis une heure et il vaudrait mieux s’entendre pour l’en tirer rapidement.

— Que veux-tu ?

— Un échange. Martinez contre Marcus Clark.

— Martinez ? Je m’en fous.

— Tu bluffes. Il ne dépend pas de toi, mais directement de Washington. Il pourrait te causer beaucoup de désagréments, même mort.

Roy s’immobilisa :

— Ton copain est en vie.

— Je le souhaite, si tu ne veux pas comparaître devant la chambre des Blâmes de ton pays. Deux mille dollars par jour, que te rapporte ta combine ? Un agent de Langley enrichi ne peut pas être un bon agent.

L’autre restait impassible, mais la colère devait le faire trembler sur place.

— Qui êtes-vous ?

— Des petits malins.

Il se mit à rire :

— Je parie que vous nous avez pris pour des envoyés de Washington chargés de vous surveiller ? Martinez vous a bourré le mou, oui. Mais ce n’est pas une raison pour le condamner à mort.

Du coin de l’œil, il surveillait la portion de route derrière lui, le virage, et il remarqua la silhouette qui progressait vers lui.

— Si ton gars continue, je te flingue aux jambes.

— Suffit, Manuel, on est en train de discuter. Sortez de là avec Eusebio.

Ses deux collaborateurs directs pour la direction de l’entreprise. L’implantation de la C.I.A. dans ce pays paraissait parfaitement organisée.

— Ils feraient mieux d’aller chercher un cric pour donner de l’air à Martinez. Si vous ne le sortez pas rapidement, je ne réponds pas de lui.

Les deux Vénézuéliens se regardèrent, horrifiés. Kovask éclata d’un rire sauvage.

— Vous n’avez rien vu, les gars. Il y a longtemps qu’on se débarrasse ainsi des curieux. Il a failli terminer sa vie au fond d’un ravin, prisonnier de sa cage en caoutchouc.

Il les rappela comme ils filaient vers le Dodge.

— Ramenez mon copain, et aussi une scie à métaux. On sciera le jonc d’acier pour le libérer plus vite.

Puis il mit le pistolet dans sa poche, s’approcha tranquillement de Roy. Le géant restait visiblement sur la défensive.

— Tu nous as pris pour des billes ? Tu crois que je n’avais pas remarqué le manège de Martinez ? Ce n’est pas parce que nous avons eu quelques difficultés avec tes compatriotes que nous sommes des agents castristes. Mais, toi, tu voyais même plus loin, tu pensais qu’on venait te surveiller pour le compte de Washington ?

Roy grogna :

— Je ne sais pas qui vous êtes, mais je vous conseille de quitter le chantier cette nuit, sinon ça pourrait mal aller pour vous.

— Hé ! doucement. Le boulot n’est pas folichon, mais il paye. Nous avons l’intention de rester quelque temps.

— Non, fit l’autre en s’approchant, la mâchoire en avant. Jamais de la vie ! Vous allez filer tout de suite. Si vous attendez, demain, vous aurez la police au chantier.

— Tu oublies quelque chose, gros. Mon passeport est américain.

— Je te croyais Polak.

— Ouais ! Réfugié. Il a bien fallu me donner un passeport, et ce sont tes compatriotes qui me l’ont accordé. Si je suis arrêté, je peux demander à parler au consul américain. Ces gars-là détestent la C.I.A. en général, et il se fera un plaisir d’expliquer à Washington comment tu te mets de côté six à sept cent mille dollars par an.

Il crut apercevoir une lueur sanglante dans les yeux clairs de Roy :

— On se retrouvera.

— Quand tu voudras.

— Je te conseille de filer quand même.

— Lorsqu’on aura touché notre paye. Pas avant.

Les deux autres revenaient avec Marcus. Il souriait malgré son visage tuméfié.

— Les trois salopards m’ont passé à tabac. J’en ai dégueulé partout et je ne pourrai pas conduire avant plusieurs jours. Ces c… croyaient que nous appartenions à la D.I.A. Ils se moquaient bien que nous ayons eu des relations avec les Castristes.

Les deux Vénézuéliens commençaient à scier l’énorme jonc d’acier du pneu, glissaient un cric entre les deux lèvres épaisses. Kovask fit signe à Marcus et ils se dirigèrent vers le G.M.C.

— Foutez le camp, Kovask ! Foutez le camp avant que je n’aie votre peau.

Marcus s’affala sur son siège, visiblement épuisé mais souriant.

— Ce sont des imbéciles. Ils avaient surtout la trouille que nous soyons de la D.I.A.[1]. Ça les aurait soulagés que nous soyons des Castristes.

Kovask démarra tout en laissant retomber la benne.

— Dommage que nous soyons obligés de la boucler, pour l’instant ! Mais si un jour nous revenons à Washington…

— Je me le demande, maintenant. Et cette foutue piste secrète ?

— Nous avons un bon motif de quitter le chantier, non ?

— En ayant l’air de céder aux menaces de Roy ?

Le Commander soupira :

— Crois-tu que Gary Rice nous en voudrait de nous dégonfler ?

— Donne-moi une cigarette.

Il lui passa son paquet, lui demanda comment tout avait commencé.

— Un gars m’a dit que Roy voulait me voir.

A son bureau. C’est après la salle réservée au public…

— Avec un coffre énorme, je sais.

— Les deux types m’ont sauté dessus et ont commencé à cogner. Surpris, je me suis laissé assommer et j’ai été embarqué dans le Dodge. Là-bas, après le tournant, il y avait une carrière à l’écart de la route. Ils m’ont tabassé pour me faire dire qui j’étais. Roy crevait de frousse, mais s’il avait deviné qui j’étais réellement, il m’aurait liquidé sans hésiter. Je me demande jusqu’à quel point il n’a pas partie liée avec les maquisards du coin.

Ils pénétrèrent dans le chantier sans attirer l’attention. La ronde des camions se poursuivait dans la nuit. Kovask immobilisa le G.M.C. devant la cantine. Les clients et le patron regardèrent le visage tuméfié de Marcus sans poser des questions. Dans le coin, on n’était pas obligé de donner des explications.

— Des sandwiches et de la bière, dit Kovask, mais tout de suite deux scotches à l’eau.

Les deux hommes burent d’un trait, puis emportèrent ce qu’ils avaient commandé. Rowood devait les guetter non loin du bâtiment E qui leur servait de dortoir, car il surgit presque aussitôt devant eux. Il hocha la tête en voyant Marcus.

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1

Défense Intelligence Agency, organisme créé par J.F. Kennedy pour contrôler les services secrets, dont la C.I.A.