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— J’ai une pommade qui n’est pas trop mal. Viens.

— D’abord, je vais prendre une douche. On verra ensuite.

Kovask s’installa à la table commune, au début du dortoir, et commença de mordre dans un sandwich ! L’Anglais attendait sans manifester d’impatience.

— Roy nous a foutus dehors.

— La cause ?

— La frousse. Il nous a pris pour je ne sais quels inspecteurs chargés de le surveiller, et maintenant, il ne veut pas en démordre.

— C’est un orgueilleux. Mais, un jour, il sera bien obligé de rendre des comptes.

Le Commander poussa la nourriture à coups de bière glacée.

— On attendra la paye pour partir. Ça ne va pas lui faire plaisir.

— Les guérilleros vont revenir. Il affronta calmement le regard stupéfait de Kovask.

— Tu veux dire qu’il les commande à volonté ?

— Ici, je suis le plus vieux de tous. Quand ça m’est arrivé… De la main, il tapotait son plâtre.

— Deux mecs avaient joué les gros bras. C’est nous tous qui avons écopé.

— Mais les deux autres ?

— Morts, écrasés sous la terre qu’ils transportaient. Faut dire que les secours ne sont pas allés très vite.

— Roy les a retenus ?

— Il avait expédié le service de sécurité à l’autre bout du chantier. Tout le service. Dans ces conditions, les deux chauffeurs n’avaient aucune chance. Du coup, les copains des deux lampistes ont préféré filer. Roy a mis une sourdine, mais vous venez tout bouleverser de nouveau.

Nu comme la main, Marcus vint prendre une bouteille de bière et but longuement. Rowood alla chercher un pot de grès dont le couvercle tenait grâce à du sparadrap.

— Un truc indien qu’on trouve dans le marché de Maracaïbo. C’est efficace.

Marcus le laissa faire, déclara au bout de quelques secondes qu’il éprouvait, du soulagement.

— Demain, tu recommenceras et on ne s’apercevra plus des coups. Et le gars Martinez ?

Les deux amis se regardèrent et éclatèrent de rire.

— Ils ont dû avoir du mal à le libérer. Pas sûr qu’il en réchappe, sinon physiquement, du moins moralement. Il y avait de quoi devenir dingue, à sa place.

Rowood regarda Kovask avec des yeux perplexes.

— Tu es un drôle de corps. J’ai vécu, et des types comme toi, j’en ai vu peu, mais j’en ai vu. C’étaient des durs, des vrais, mais ils avaient tous la foi, un idéal. Toi, tu fais ça pour le plaisir ? Ou bien ton imagination est vicieuse ? Jamais je n’aurais pensé à foutre un gars dans un pneu.

— Roy en a été tellement impressionné que j’ai pu lui faucher son pistolet sans difficulté. Il était tout ahuri. Mais Martinez était très important pour lui. Un délégué de Caracas. Il avait vraiment la frousse qu’il meure.

Rowood accepta une bouteille de bière, la but par petites gorgées gourmandes. Marcus s’empiffrait de sandwiches sans ôter les piments dont le patron de la cantina abusait. Il buvait beaucoup.

— Et si Martinez était le contrôleur que Roy appréhende ? S’il avait voulu faire du zèle ?

— Possible, dit Kovask en allumant une cigarette. De toute façon, nous ne pouvons pas rester ici, tu le comprends bien. Nous allons sauver la face, encaisser notre enveloppe et filer.

— Si les guérilleros ne vous descendent pas, ce sera possible. Où comptez-vous aller ?

Ils haussèrent les épaules en même temps.

— On ne sait pas. On tâchera de se fondre dans la nature quelque part.

— La nature, ricana Rowood.

Se retournant, il inspecta le dortoir où trois chauffeurs se trouvaient seulement, les autres préférant se crever à leur volant et dormir pendant les heures torrides.

— La piste « Fidel Castro », ça vous dirait ?

— C’est payé ? demanda Kovask avec prudence.

— Oui, à condition de partir de la côte nord de Colombie. Mais, c’est dur. Contrôle des guérilleros qui ne sont pas toujours tendres. On saute d’un côté à l’autre de la frontière. Des Colombiens aux Vénézuéliens, puis aux Colombiens, l’Equateur et le Pérou. Mais avant d’être dans ce dernier pays, vous pouvez y avoir laissé la peau. Voyage en compagnie de trois escorteurs au moins.

— Mais la paye ? insista Marcus.

— Un forfait. Au retour, vous ramenez du minerai rare et surtout de la cocaïne.

— Quel trafic ! s’étonna Marcus Clark. Le clandestin est presque aussi important que l’officiel, alors ?

L’Anglais approuva :

— Tu ne crois pas si bien dire. Les Indiens, tous les révoltés travaillent pour les maquis qui groupent les marchandises et les échangent contre des armes, des explosifs et de l’essence.

— De l’essence ?

— Paraît que, plus tard, des véhicules blindés et même des avions suivront, mais ce n’est peut-être qu’un coup de la propagande castriste.

Il but un coup de bière.

— Chaque voyage peut vous rapporter deux ou trois mille dollars chacun, mais attention, il dure bien quinze à vingt jours, parfois des mois.

— Mais comment le sais-tu ?

— Un copain. Nous devions recommencer l’expérience ensemble, mais il a eu un accident et s’est tué.

Kovask se pencha en avant :

— Pourquoi ne prennent-ils pas des types du pays et non des Blancs ?

— Ils en prennent, mais ça ne suffit pas. Il leur faut des durs, des gars habitués à lutter et surtout des apatrides. Mais pas de Ricains. Ça se comprend.

Les deux officiers de marine se regardèrent.

— Pourquoi pas, après tout, dit Kovask.

— Attention, murmura Rowood. Ce n’est pas du gâteau. Vous êtes surveillés tout le long du chemin. Il y a des difficultés énormes. La traversée des rios est épouvantable, paraît-il. Parfois, ils ont construit un radier invisible d’avion parce que sous cinquante centimètres d’eau. Mais le courant y est terrible. Ça glisse et il n’y a personne pour vous aider. La piste ne servira à fond que le jour où la bagarre sera déclenchée, mais pour l’instant un camion ou deux par jour environ. Marcus souriait :

— Et le bureau d’embauche ? Rowood hésitait.

— Ecoutez, les gars : je ne sais pas qui vous êtes, et je m’en fous. Je ne sais pas ce que vous cherchez exactement.

Un vent de panique souffla, mais les deux agents de l’O.N.I. surent rester impassibles.

— Tout ce que je sais, c’est que vous m’êtes sympathiques et que je ne voudrais pas faire votre malheur. Mais vous êtes assez grands pour vous débrouiller.

Sa voix baissa d’un cran :

— Il faut aller en Colombie, à San Antonio. Un petit port sur l’Atlantique, à cent quatre-vingts miles de Barranquilla. Là-bas, vous demanderez un certain Huchi. Il a une entreprise de transport. Vous lui direz que vous venez de la part de l’Ecossais. Ce n’est pas moi, mais mon copain qui est mort. Mc Honey. Je pense qu’à partir de ça, vous ferez affaire. Mais restez sur vos gardes. Si jamais il ne vous avait pas à la bonne, Huchi vous fera descendre sans plus de façons. Dans ce patelin, il est le roi, et même la police ne se mêle pas de ses affaires.

Il vida sa bouteille de bière.

— C’est tout. Faites-en ce que vous voudrez. Moi, je vais au lit.

Se levant, il ne quitta pas tout de suite la table.

— Et gaffe pour demain ! Roy ne va pas laisser passer l’histoire de ce soir. Vous feriez mieux d’aller ensemble. L’un conduira pendant que l’autre surveillera les parages.

CHAPITRE X