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— Lâche tout !

Une nouvelle fois, Marcus freina à mort et puis donna plusieurs coups de pédale rapides. La terre se mit à glisser d’un bloc. Les guérilleros comprirent la menace, lâchèrent le F.M. pour s’enfuir au plus vite. Kovask avait sauté sur eux, juste comme ils abandonnaient l’arme. Il la ramassa au passage, juste comme la masse de terre quittait la benne. Il fit un saut de côté, ferma les yeux à cause de la poussière tout en appuyant sur la détente. La secousse faillit le renverser, mais cela suffit pour jeter les deux guérilleros à terre. Quant au troisième, emporté par la terre, il se débattait avec désespoir pour ne pas étouffer.

Kovask remonta vers le G.M.C., fit signe à Marcus qui accourait de reprendre le volant. L’absence de pare-brise, cassé la veille par les balles de Roy et ses hommes, lui permit d’installer le F.M. devant lui.

— Fonce !

Il tira quelques balles en direction des autres maquisards installés plus loin. Ils se terrèrent, ne bougèrent plus jusqu’à ce que le G.M.C. soit hors de portée.

— Un joli coup ! commenta Marcus en se tournant vers Kovask.

Il riait en silence.

— On les a bien eus, reconnut son compagnon. Maintenant, un petit tour d’honneur dans le chantier pour impressionner un peu ces bandes de couards, et puis, directement à la baraque administrative.

Kovask tira une courte rafale en l’air pour annoncer leur arrivée. Tous les chauffeurs immobilisèrent leurs camions et sortirent en hâte de leur cabine pour trouver une planque. Les deux agents de l’O.N.I. riaient comme des fous. Et puis, les autres découvrirent leurs visages, furent plus surpris que s’ils avaient eu affaire à des guérilleros.

Devant la baraque E et les voisines, tous les gars à la sieste se bousculaient. Rowood leva sa main en l’air, index et majeur en V en signe de victoire.

Marcus fit pile devant la baraque administrative et ils entrèrent ensemble. Manuel et Eusebio, les deux hommes de Roy, levèrent tout de suite les mains au ciel, effarés, tandis que les filles se mettaient à crier d’effroi.

Roy arriva, furieux :

— Non, mais, que se passe-t-il ?

Puis il les vit, s’immobilisa, vert de peur.

— On a pris ça à tes copains, dit Kovask. Le coup était joliment monté puisque nous étions les seuls sur la piste du retour. On a bien failli y rester définitivement.

Il tira une balle au-dessus de la tête du géant qui, instinctivement, la baissa.

— Le grand Roy, dit Marcus, le courageux et le grand dur.

— On a dit qu’on partait à la fin de la semaine, le jour de la paye, dit lentement Kovask. Pourquoi revenir là-dessus et essayer de nous intimider ? Ce qui est dit est dit. Ni avant ni après, compris ?

Roy avala sa salive.

— Répète devant tes employés, insista Kovask, baissant le canon du F.M. vers son ventre.

— Compris, fit Roy.

Kovask ôta le chargeur et jeta le F.M. aux pieds du géant. Puis ils sortirent.

CHAPITRE XI

Heureusement, il y avait la plage toute proche, à leur entière disposition, car les gens du hameau ne se baignaient guère. Ils passaient des heures dans l’eau, guettant malgré tout la route qui reliait San Antonio à ce village de pêcheurs et de récolteurs de sel. On leur avait dit que Huchi possédait une Cadillac noire.

Marcus Clark plongea à plusieurs mètres, fouilla dans le sable et remonta avec des palourdes énormes.

— Tu as vu ces clams ?

Il les jeta à Kovask qui les ouvrit d’un coup de pierre sur une autre. Il suça la chair rafraîchissante, puis alluma une cigarette. Des cocotiers très hauts projetaient sur la plage une pluie d’ombre mélangée à des ronds de soleil.

— Aujourd’hui, tu crois ?

— Je n’en sais pas plus long que toi. Leur irritation croissait de jour en jour.

Déjà, un voyage infernal pour atteindre la Colombie, et puis cette attente. Le señor Huchi n’était pas chez lui. Absent pour une semaine, peut-être deux. Nul ne savait, même pas son secrétaire.

L’entreprise se trouvait entre San Antonio et le hameau. Des bâtiments construits légèrement, sans ordre, crasseux. Des ateliers huileux et des employés sans ardeur. Quelques camions dont certains paraissaient neufs et des hangars fermés, surveillés par des peones en armes. C’était tout ce qu’ils avaient pu voir. Quatre jours qu’ils attendaient. Les deux premiers, ils avaient réparé le G.M.C., vérifié le moteur. Maintenant, ils n’avaient plus rien à faire, sinon se baigner, boire du rhum coupé de jus de fruits et manger du poisson de toute sorte.

La fonda se composait de quatre bâtiments en carré avec un patio au milieu. Quelques palmiers rachitiques encadraient un jet d’eau épuisé depuis longtemps. Les chambres ouvraient là, sur la chaleur entassée dans cette cour fermée. Il y avait d’autres clients misérables, à plusieurs dans les chambres, et qui cuisinaient dans le patio. On ne savait pas ce qu’ils attendaient, de quoi ils vivaient, mais le soir, ils prolongeaient jusqu’à minuit de longues conversations bercées par une guitare malhabile.

— Mais qu’attendent-ils ? demandait Marcus au patron de la fonda, un nommé Arapel.

— Du travail.

— Quel travail ?

— La récolte du sel, la pêche, l’embauche dans les grandes fincas. De temps en temps, l’un d’eux réussit à se caser, et c’est du bonheur pour tout le monde. Il y a aussi le pétrole. Lorsqu’on fore un autre puits, ils partent tous, gagnent en quelques semaines de quoi vivre six mois et puis ils attendent à nouveau.

— C’est pas très intéressant pour vous ?

— Si, l’un dans l’autre, je m’en tire. Vous croyez que mes chambres seraient occupées, sinon ?

— Huchi embauche ?

Le visage brun d’Arapel semblait encore foncer. Il n’aimait guère parler du transporteur.

— Quelquefois, lorsqu’il connaît bien. Mais, ici, peu voudraient travailler pour lui.

— Et pourquoi ?

— C’est comme ça.

Il se butait, et on ne pouvait plus rien en tirer. On les considérait avec méfiance parce qu’ils parlaient d’Huchi et attendaient son retour.

— C’est Mc Honey qui nous envoie, expliquez-le-lui dès qu’il rentrera, avait répété deux fois Kovask au secrétaire.

— Oui, señores. De la part de Mc Honey. Je m’en souviendrai.

— Notez-le.

— Pas la peine, señores. Je me souviendrai. Ils étaient repassés deux jours plus tard.

— Oui, señores, de la part de Mc Honey, mais mon patron n’est pas encore rentré. Il a téléphoné qu’il s’attardait encore à Bogota. Il prendra l’avion pour Barranquilla.

Puis il leur avait crié :

— Inutile de repasser. Dès qu’il saura, il décidera lui-même. Moi, je ne peux rien pour vous.

Tandis qu’Arapel leur servait un énorme poisson grillé accompagné d’une sauce tomate explosive, Marcus singeait le petit secrétaire de Huchi :

— Moi, je ne peux rien pour vous, mais cet imbécile est bien capable de bouffer la consigne. Nous aurions dû lui laisser dix ou vingt dollars.

— Il se serait vexé.

— Penses-tu ! Ila l’œil cupide, et je me trompe rarement.

— Retournes-y, ce soir. Marcus grimaça.

— Pour me faire sortir… Mais on peut toujours essayer. Il y avait une jolie dactylo, dans un coin, et qui avait l’air de s’ennuyer terriblement.

Du patio leur parvenaient des pleurs de gosses et les cris des mères. Mais, dans quelques instants, la sieste apporterait deux ou trois heures de calme merveilleux. Le meilleur moment pour se reposer, les nuits étant plus bruyantes. Après les discussions du patio jusqu’à minuit, c’étaient les pêcheurs qui embarquaient et mettaient en route d’antiques moteurs à un cylindre qui martelaient la région durant des heures. Sans parler des lucioles qui tournoyaient dans la chambre en jetant des lueurs affolées. Mais il n’y avait pas de moustiques. Le pétrole abondait et on en avait recouvert tous les marécages.