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— Si vous les demandez à Roy, je crains que nous ne puissions faire affaire.

— Je me moque de l’avis de Roy. Mais je saurai ce qui s’est passé entre vous et lui. Etrange qu’il soit allé si loin alors qu’il a tant besoin de camions en ce moment.

Il les couva d’un drôle de regard.

— Je souhaite que vous n’ayez rien fait pour le provoquer. On va vous raccompagner à la fonda. Vous avez très bien choisi l’endroit. A San Antonio, vous auriez été un peu trop visibles. Je vous demande d’y aller le moins souvent possible. A un de ces jours.

Pedro et le moustachu les raccompagnèrent jusqu’à la Cadillac seulement. Ils ne jugèrent pas utile de les escorter jusqu’à la petite auberge.

Arapel parut heureux de les revoir et leur servit d’autorité un punch glacé.

— Tout va bien, señores ?

— Au poil, mon pote ! répondit Marcus en lui donnant une grande claque sur l’épaule. Maintenant, on va aller prendre un bon bain pour nous rafraîchir un peu.

Ils parcoururent le sable brûlant en courant jusqu’à l’ombre d’un cocotier.

— Drôle de type, hein ?

— Une belle façade, oui. Ou je deviens complètement crétin, ou ce type a de drôles de responsabilités dans la lutte clandestine des pays latins. On en reparlera un jour, très certainement. Ce contraste entre son aspect et le laisser-aller de l’entreprise m’a frappé.

Marcus piqua une tête dans l’eau scintillante et chaude, parcourut cent mètres, rejoint par Kovask. Rien de mieux pour échanger quelques constatations. Dans leur chambre, ils ne pouvaient se fier à la minceur des cloisons.

— Ça va marcher ?

— Nous n’avons que deux solutions à envisager. Ou ça marche, ou bien nous serons descendus dans quelques jours. Et je ne vois pas comment nous pourrions éviter cette dernière éventualité dans un pays à l’entière dévotion d’Huchi.

Préférant ne pas l’envisager, Marcus piqua en profondeur, agita comiquement ses pieds en surface avant de disparaître par quelques mètres.

CHAPITRE XII

Un coup tapé contre le toit de la cabine fit ralentir Kovask. Marcus sortit le torse par la portière pour interpeller Caracas, l’un des trois guérilleros qui les accompagnaient.

— Quoi encore ?

— Arrêt.

— Pourquoi ?

— On s’arrête. Fini pour la journée. Marcus sentit la colère lui monter à la tête.

Il fit un effort pour se calmer.

— Mais on peut encore rouler sous le couvert.

— Non. Là-bas, plus d’arbres, rien du tout. Nous roulerons à vue pendant une heure au moins.

Ayant déjà compris, Kovask s’arrêtait. La piste, taillée dans la jungle de la sierra Perija, n’était pas de tout repos et il n’était pas mécontent de la pause.

— Tu te rends compte ! s’indignait Marcus.

— Faisons comme eux. Il n’y a pas de quoi s’emballer.

— Si Gary Rice t’entendait…, chuchota Marcus en sautant à terre.

Les trois guérilleros se dérouillaient les jambes, allumaient des cigares. Mais Caracas les dépassait soudain, s’approchait d’un arbre.

— M…, dit Marcus, un téléphone.

C’était bien un combiné que le chef tenait dans sa main, et il parlait avec la véhémence habituelle des Ladinos. Il enfouit ensuite le téléphone dans un creux, rabattit le couvercle d’aluminium encollé d’écorce.

— Incroyable comme organisation !

Ils roulaient depuis deux jours, avaient parcouru près de deux cents miles dans des conditions assez bonnes, excepté les arrêts fréquents. La veille, à partir de midi, ils avaient attendu la nuit pour franchir un col dans un dédale de rochers marqués d’une peinture phosphorescente, invisible de jour et que seule la lueur des phares à iode faisait ressortir. Ce qui expliquait les changements apportés au CMC. par les employés de Huchi.

— Il faut attendre, dit Caracas en grimaçant un sourire. Un hélicoptère du gouvernement survole le coin. Il n’en a pas pour longtemps. Il y a une route officielle à traverser. Juste quatre secondes, mais des fois quatre secondes fatales.

Prudents comme des chats, en plus de ça ! Rien n’était laissé au hasard sur le parcours. Même pas le ravitaillement en essence, en eau et en vivres. Il y avait des points précis, astucieusement cachés. Mais jusqu’à présent, la piste n’avait nécessité que de menus travaux d’aménagements. Ainsi, cette partie tracée dans la jungle avait été conçue depuis des siècles par les Indiens insoumis. Ces derniers constituant le gros des troupes castristes. Ils avaient tout naturellement mis leurs secrets à la disposition des mouvements rebelles.

— Cigare ?

— Merci, répondit Kovask à la demande de Caracas. Qu’est-ce qui nous attend encore avant la tombée de la nuit ?

— On attend ici, et puis…

Il sourit. En deux jours, la confiance ne s’était pas installée totalement et le Commander n’insista pas. Il s’assit sur un tronc d’arbre abattu. Impossible de se souvenir de tout de mémoire, et ils dressaient une carte tout en roulant. Les trois guérilleros restaient toujours à l’arrière et les deux Américains opéraient à leur insu. Sur une carte routière, à l’aide d’un stylo à encre sympathique. Jusqu’à présent, ça n’avait pas trop mal marché et les deux marins, grâce à leurs connaissances de navigation astronomique, situaient toujours exactement leur position. Un problème les préoccupait pourtant. Les balises radio qu’ils devaient installer en certains points caractéristiques. Jusqu’à présent, ils n’en avaient pas eu besoin, mais bientôt il leur faudrait les semer sur leurs passage. Elles se trouvaient avec le restant de leur matériel dans une cache secrète du longeron. Il fallait faire sauter une plaque avec un ciseau à froid.

A cause des visites douanières très tatillonnes, on avait dû renoncer à la trappe amovible.

— Tu crois qu’ils ne comprennent pas l’allemand ? demanda soudain Marcus en venant s’asseoir à côté de lui. Il y en a pas mal, de réfugiés chleus dans le nouveau monde.

— Il faut tenter le coup, répondit Kovask, sinon nous ne pourrons pas communiquer.

— Je pense à la planque. Demain, il faudra tenter quelque chose. Sous prétexte de vérifier les amortisseurs, par exemple.

— Une fois ouverte, il faudra en sortir tout le matériel. Où le fourrerons-nous ?

— Ça, je n’en sais rien, mais si je pouvais coller une balise à une de ces caisses de grenades…, fit Marcus.

Ils regardèrent le chargement. Des caisses de grenades, de lance-grenades, d’obus de trente et de mitrailleuses démontées. Plus une tonne de conserves et de médicaments.

— Bonne idée, sourit Kovask. On pourrait la placer dans un nœud et mastiquer dessus. Cela permettrait de situer le maquis auquel elles sont destinées.

Caracas vint vers eux avec des boîtes de bière.

— A boire ?

— Volontiers, dit Kovask avec un sourire épanoui.

Il donna deux coups de couteau dans la sienne, fut étonné que la bière soit aussi fraîche.

— Vous trouvez le temps long ? demanda le chef. Mais quand vous serez rodés, vous prendrez mieux la chose.

— Certainement, dit Kovask. On nous avait dit que c’était mouvementé, plein de risques, mais jusqu’à présent…

— Oh ! attendez. Nous pouvons encore nous trouver nez à nez avec une patrouille de l’armée.

— Que faites vous, alors ? demanda Marcus.

— Nous tuons tous les soldats. Pas de témoins. Puis nos amis les transportent beaucoup plus loin pour égarer les soupçons. Personne ne doit se douter. Jamais.