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— Pardon », marmonna Conciliant.

Le juge fit signe à l’équipe de terrassiers qu’il avait fait venir de commencer à creuser. Ils seraient payés sur le budget du comté, mais avec quatre hommes, on n’allait pas tarder à savoir qui avait raison.

Ils creusèrent, creusèrent, et la terre vola. C’était une terre plutôt sèche, encore légèrement humide de la dernière pluie qui ne remontait qu’à une semaine, mais aucune trace de nappe d’eau. Et soudain : cling.

« Le coffre au trésor ! » s’écria Conciliant.

Quelques instants plus tard, après avoir raclé et farfouillé, le chef de l’équipe des terrassiers lança : « D’la pierre, Votre Honneur ! Aussi loin qu’on peut aller. C’est pas un gros caillou, non plus… Pour moi, ça m’a tout l’air d’une plaque rocheuse. »

La figure de Hank Dowser s’empourpra. Il se fraya un passage jusqu’au trou et se laissa glisser le long du bord escarpé. Il sortit son propre mouchoir pour balayer le terreau de la pierre. Au bout de quelques minutes d’examen, il se releva. « Votre Honneur, j’fais mes excuses à monsieur Smith, avec autant d’bonne grâce qu’il m’a fait les siennes tout à l’heure. Y a pas seulement ce soubassement – que j’avais pas vu, par rapport que j’ai jamais trouvé une nappe d’eau pareille sous du caillou d’même – mais je r’marque en plusse des vieilles traces de grattage sus la pierre, ce qui m’prouve que l’apprenti a bien creusé là, comme il l’a dit, et qu’il a rencontré d’la roche, comme il l’a dit aussite.

— Ça prouve pas qu’il a pas trouvé d’or en route ! s’écria Conciliant.

— Récapitulations aux jurés ! lança le juge.

— Tous les points que nous avons pu vérifier, dit En-Vérité Cooper, ont démontré qu’Alvin Smith n’a pas menti, qu’il était digne de confiance. Et tout ce dont le comté dispose contre lui, ce sont les spéculations impossibles à prouver d’un homme dont le principal mobile reste apparemment de mettre la main sur de l’or. Il n’existe pas d’autre témoin en dehors d’Alvin lui-même pour dire comment l’or a été façonné en soc, ou comment le soc s’est retrouvé en or. Mais nous en avons huit, sans parler de Son Honneur, de moi-même et de mon estimé confrère, plus Alvin en personne, pour vous jurer que ce soc n’est pas seulement en or, mais qu’il est aussi vivant. Quel droit de propriété pourrait revendiquer Conciliant sur un objet qui n’appartient visiblement qu’à lui-même et qui ne tient compagnie à Alvin que pour sa propre sécurité ? Vous avez davantage qu’un doute raisonnable, vous avez la certitude que mon client est un homme honnête qui n’a commis aucun crime, et que le soc devrait rester avec lui. »

Ce fut ensuite le tour de Marty Laws. Il donnait l’impression d’avoir bu du lait tourné au petit déjeuner. « Vous avez entendu les témoins, vous avez vu les preuves, vous êtes tous des hommes de sagesse et vous êtes capables de vous faire votre opinion sans mon aide, dit-il. Que Dieu bénisse vos délibérations.

— C’est ça, vot’ récapitulation ? demanda Conciliant. C’est comme ça qu’vous rendez la justice dans l’comté ? J’m’en vais soutenir votre adversaire dans la prochaine élection locale, Marty Laws ! J’vous jure qu’vous avez pas fini d’en entendre causer !

— Shérif, intervint le juge, ayez l’obligeance de remettre monsieur Conciliant Smith en état d’arrestation, trois jours cette fois, pour outrage à la cour, et je me demande si je ne vais pas l’inculper de tentative d’entrave au cours de la justice pour avoir proféré des menaces à l’encontre d’un homme de loi en exercice afin d’influer sur l’issue d’une affaire.

— Vous vous liguez tous contre moi ! Tous, vous êtes complices ! Il a fait quoi, Votre Honneur, il vous a acheté ? Vous a proposé d’partager un peu d’cet or avec vous ?

— Dépêchez-vous, shérif Doggly, fit le juge, avant que cet homme me pousse à bout. »

Quand les cris de Conciliant se furent suffisamment éloignés pour que le procès puisse reprendre, le juge demanda aux jurés : « Est-il utile que nous nous traînions jusqu’à la salle de tribunal pour délibérer pendant des heures ? Ou est-ce que nous nous écartons pour vous laisser réfléchir ici même ? »

Le président chuchota quelques mots à ses collègues jurés ; ils lui répondirent de même. « On a un verdict unanime. Votre Honneur.

— Et ce verdict… etc., etc. ?

— Non coupable à tous les chefs d’accusation, répondit le président.

— Affaire classée. Je félicite les deux avocats pour leur excellent travail dans une affaire délicate. Et aussi les jurés qui ont su voir la vérité dans cet embrouillamini de mensonges. Vous êtes tous de bons citoyens. La séance est levée jusqu’à la prochaine accusation qu’on portera contre un innocent, comme je suis prêt à le parier. » Le juge fit du regard le tour des personnes présentes, lesquelles attendaient toujours debout. « Alvin, vous êtes libre, dit-il. On rentre tous chez soi. »

* * *

Bien sûr, ils ne rentrèrent pas tous chez eux ; pas plus qu’Alvin n’était libre à proprement parler. Pour l’heure, entouré d’une foule de gens, gardé par une dizaine d’adjoints, il jouissait d’une certaine sécurité.

Mais lorsqu’il saisit le sac contenant le soc, il sentit presque la convoitise des autres envers l’objet, envers l’or chaud et frémissant.

Il n’y pensait pas, pourtant. Il regardait plus loin Margaret Larner dont le bras entourait la taille de la jeune Ramona. Il entendit qu’on s’adressait à lui : En-Vérité Cooper, s’aperçut-il, qui le félicitait ou quelque chose comme ça, mais l’Anglais comprendrait. Il posa une main sur l’épaule de son avocat pour l’assurer de son amitié même s’il lui fallait l’abandonner un instant. Et il se dirigea vers les jeunes femmes.

Au dernier moment il fut pris de timidité : alors qu’il n’avait pas quitté Margaret des yeux tandis qu’il traversait la foule, ce fut à Ramona qu’il s’adressa une fois devant les deux amies. « M’zelle Ramona, vous avez été courageuse d’vous présenter, et honnête aussi. » Il lui serra la main.

Ramona se fendit d’un large sourire, mais elle était en même temps un peu ennuyée et nerveuse. « Toute cette affaire avec Amy, c’est d’ma faute, j’crois bien. Elle m’racontait ces histoires sus toi, et moi, j’la croyais pas, et ça faisait qu’elle insistait d’plusse en plusse. Et comme elle en démordait pas, j’ai cru un moment que c’était p’t-être vrai, alors j’l’ai dit à ma parenté et c’est ça qu’a lancé les on-dit. Seulement, après, quand elle s’en est allée avec Thatch sous la tente des monstres et qu’elle est revenue en ceinture en clamant que c’était toi qui l’avais mise de même, là, j’avais l’occasion de dire que c’étaient des inventions, non ? Et pourtant, j’ai pas voulu témoigner !

— Mais t’en as causé à mes amis, fit Alvin, comme ça l’monde qui compte le plusse pour moi connaissait la vérité, et en même temps fallait pas faire du mal à ton amise Amy. » Au fond de lui-même, pourtant. Alvin ne pouvait se défaire de la certitude pénible qu’il se trouverait toujours des gens pour croire les accusations de la fille, tout comme il ne doutait pas qu’elle ne se rétracterait jamais. Elle continuerait de répandre ses mensonges sur lui, certaines personnes continueraient d’y donner foi, et il aurait beau mener une vie exemplaire, il resterait un malotru voire pire. Mais le mal était fait, inutile de revenir là-dessus.

Ramona secouait la tête. « M’est avis qu’elle s’ra pus mon amise.

— Mais t’es tout d’même son amise, que ça y plaise ou non. Tellement que t’aimerais mieux y faire du mal plutôt qu’la laisser faire du mal à quèqu’un d’autre. Ça, c’est pas rien, m’est avis. »