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— Voilà qui aurait fait une investiture mémorable, dit Calvin.

— Mais ça ne serait pas une bonne idée pour vous d’attenter à la vie d’un autre homme, fit Honoré. Blague à part, mon ami, il n’est jamais bon de prendre goût au sang.

— Mon frère Alvin a tué un homme. Il a tué un homme qu’il fallait tuer, et personne ne lui a rien dit.

— C’était dangereux pour lui, mais ça l’est sans doute encore davantage pour vous. Parce que vous êtes déjà rempli de haine – je ne dis pas ça pour vous critiquer, c’est un des côtés qui m’intéressent chez vous –, vous êtes rempli de haine, donc il est dangereux pour vous d’ouvrir le robinet du meurtre. Vous auriez du mal à le refermer.

— Pas d’inquiétude », fit Calvin.

Ils traînèrent plusieurs autres semaines à Philadelphie, tandis que le mauvais rhume de Harrison dégénérait en pneumonie. Le Président lutta, c’était un vieux dur à cuire, mais il finit par mourir, à peine un mois après son investiture, sans même avoir recouvré assez de santé pour former un gouvernement.

Comme c’était la première fois qu’un président des États-Unis mourait durant son mandat, on se heurta à un point litigieux dans la Constitution : le vice-président devait-il simplement agir comme président ou vraiment endosser la charge ? Andrew Jackson résolut la question : il pénétra dans l’enceinte du Congrès, posa la main sur la Bible qu’on y gardait pour rappeler toutes les vertus dont on tenait tellement à se parer aux yeux des électeurs, et d’une voix forte prêta serment devant tous les membres qu’il mettait au défi de lui dénier le droit d’agir ainsi. Pendant quelque temps des blagues circulèrent sur « monsieur le Président par accident », mais Jackson n’était pas homme qu’on traitait à la légère. Tous les acolytes de Harrison se retrouvèrent avec le derrière endolori après avoir dévalé une à une les marches de l’immeuble George Washington où les services administratifs du gouvernement avaient leurs bureaux. Les projets de Harrison pour l’Amérique ne verraient jamais le jour, pas tels qu’il les avait prévus, en tout cas. Jackson n’était dans d’autre manche que la sienne.

Calvin et Honoré reconnurent qu’ils avaient rendu un signalé service à la nation.

« Personnellement, je n’ai joué qu’un tout petit rôle, dit Honoré. J’ai juste souillé un mot. Une suggestion. » Calvin savait pourtant qu’en son cœur le romancier s’en attribuait le seul mérite, du moins pour tous les bénéfices qui en résulteraient. Mais de le savoir ne l’embêtait pas trop. Plus grand-chose ne l’embêtait désormais, car au fond de lui son pouvoir avait trouvé confirmation. J’ai renversé un président et personne ne le sait. Rien de brouillon, rien de maladroit comme la mort de ce pisteur qu’Alvin a tué de ses mains nues. Sur le Continent, j’ai appris davantage qu’aiguiser mon talent. J’ai acquis de la finesse. Alvin n’aura jamais ça, rustre de la frontière qu’il est et qu’il restera toujours.

Comme c’était facile. Facile et sans risque. Il y avait un homme qui devait mourir, il a suffi d’agir un peu sur ses poumons, et voilà. Enfin… et aussi de procéder à quelques réglages pendant que l’homme gisait sur son lit de douleur, dans la résidence présidentielle. Il aurait été mal venu que son organisme combatte l’infection et se rétablisse, pas vrai ? Mais je n’ai jamais eu besoin de le toucher. Jamais eu besoin de lui parler. Jamais eu besoin même de me tacher les doigts d’encre, comme le pauvre Honoré dont les personnages ne respirent et ne respireront jamais vraiment malgré tout son talent.

La dernière nuit qu’Honoré et lui passèrent à Philadelphie, Calvin se laissa aller, allongé sur son lit, à imaginer la mort d’Alvin. Une mort lente et atroce, après une maladie sordide comme le tétanos. Je pourrais faire ça, songea Calvin.

Puis il se dit : Non, je ne pourrais pas. Et il s’endormit.

Ainsi s’achève Le compagnon, quatrième livre des Chroniques d’Alvin le faiseur

Remerciements

Ces dernières années, à chacune de mes conférences ou signatures de romans, on m’a posé une question plus souvent que toute autre : Y aura-t-il un quatrième Alvin le Faiseur ? La réponse a toujours été : Oui, mais je ne sais pas quand. J’avais depuis longtemps abandonné mon idée de départ pour Les chroniques d’Alvin le Faiseur, et même si je connaissais certains des événements à venir dans le présent ouvrage, je ne voyais pas encore assez bien ce qui allait arriver à Alvin, Peggy, Mot-pour-mot, Arthur Stuart, Mesure, Calvin, En-Vérité Cooper et d’autres pour pouvoir commencer à écrire.

La situation finit par se débloquer et l’histoire s’imposa rapidement, du moins aussi rapidement que me le permettaient mes moyens. Pendant tout le temps où j’en tissais la trame, je pensais aux centaines de lecteurs impatients de lire Le compagnon. Je me sentais encouragé à la simple idée qu’ils attendaient ce livre ; mais en même temps j’avais peur : chez certains les espoirs étaient si grands que tout ce que j’allais écrire les décevrait. Aux déçus, je peux seulement exprimer mon regret que la réalité ne soit jamais à la hauteur de l’attente (par exemple Noël) ; et à tous ceux qui ont espéré ce livre, j’adresse mes remerciements pour leurs encouragements.

Je remercie les nombreux lecteurs d’America Online qui nous ont rejoints à l’Assemblée générale des habitants de Hatrack River et ont téléchargé chaque chapitre du manuscrit à mesure que je l’écrivais, en me faisant part au passage de leurs commentaires judicieux. Ces lecteurs à qui rien n’échappe ont relevé des contradictions et des questions sans réponses – des situations créées dans les volumes précédents qu’il fallait dénouer. Newel Wright, Jane Brady et Len Olen, en particulier, ont droit à ma reconnaissance éternelle : Jane pour avoir établi une chronologie des faits survenus dans les trois premiers livres, Newel pour m’avoir évité deux bourdes épouvantables dans le déroulement de l’histoire, et Len en mettant à jour par une correction minutieuse des épreuves plusieurs erreurs qui nous avaient échappé, aux éditeurs et à moi. Mes remerciements vont aussi à David Fox pour sa lecture perspicace des neuf premiers chapitres à un moment-clé de la rédaction du livre.

Sans que je l’aie vraiment prévu, une communauté aussi étrange que charmante s’est formée au sein de l’Assemblée générale des habitants de Hatrack River sur America Online ; des gens sont arrivés, non pas en tant qu’individus, mais comme des personnages du monde d’Alvin, et se sont choisi une activité de commerçant ou de paysan dans ce village fictif. Hatrack River a ainsi commencé à prendre vie. Je n’ai pas résisté à l’envie de mentionner autant que possible ces personnages dans mon récit ; je regrette seulement de ne pas avoir réussi à tous les placer. Si vous désirez en savoir davantage sur les rôles merveilleux que ces gens ont créés, contactez-nous sur le Réseau (mot-clé : Hatrack).

Il n’y a qu’un personnage virtuel dont je me suis abondamment servi dans ce livre, que j’avais créé comme repoussoir imaginaire et auquel Kathryn Kidd (identité : DameTrader) et moi-même (identité : HoracGuest) faisions de temps en temps allusion pour rire, une mauvaise langue notoire : Vialatte Franker. Deux ans après que nous l’avons créée est arrivée une grande amie, Melissa Wunderly, qui s’est proposé d’endosser son rôle dans la communauté virtuelle ; c’est donc Melissa qui lui a donné vie, fausses dents, sortilèges et le reste. Mais la « meilleure amie » de Vialatte est de mon fait, et il ne faut pas rendre Melissa responsable de la conduite désagréable de Vialatte dans le roman. Je suis aussi reconnaissant à Kathryn Kidd de m’avoir permis d’utiliser son personnage, Dame Trader, à deux ou trois moments importants.