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– C’est un grand ami d’Hilaire. Nous pouvons avoir confiance en lui.

– Je m’en suis aperçu! acquiesça le Subdamoun en hochant la tête… Mais comment se nomme-t-il?

– Je ne sais pas. Nous l’appelons: Le marchand de cacahuètes!

XXXIII CHÉRI-BIBI RETROUVE SA FEMME

Chéri-Bibi regarda la limousine s’éloigner. Quand il ne la vit plus et ne l’entendit plus, il poussa un soupir.

Il se mit à marcher et à penser aux devoirs qu’il avait encore à accomplir avant que de se reposer: 1° le Subdamoun, même hors de prison, n’était point au bout de ses peines; 2° sa mère, la divine marquise du Touchais, attendait toujours dans la cave de M. Hilaire qu’on la vînt délivrer; 3° M. Hilaire lui-même était à son tour la proie des ennemis de la nation, au fond de cette Conciergerie où un geste de mauvaise humeur de Chéri-Bibi l’avait si fâcheusement replongé!

Chéri-Bibi allait-il abandonner le fidèle la Ficelle, l’ami des mauvais jours? Cela ne lui ressemblait pas!

Tout à coup, il poussa un cri.

Il venait tout simplement de penser à ceci que «la véritable mission de M. l’inspecteur général Hilaire à la Conciergerie étant dévoilée, les officiers municipaux allaient faire une perquisition chez le traître et qu’ils allaient y trouver Cécily!»

Chéri-Bibi courait comme un fou. Des gens couraient également devant lui, derrière lui, sans s’occuper de lui. Une clameur montait dans le quartier. Une lueur fulgurante éclatait vers la droite comme un bouquet de feu d’artifice. Et il entendit quelqu’un qui disait:

– C’est la Grande Épicerie moderne qui brûle.

Alors il fit sa trouée, droit comme un obus.

Chéri-Bibi ne pensait plus qu’à la cave de M. Hilaire et aux dépôts d’huile et de pétrole et autres essences qu’elle contenait, tous propres à alimenter un incendie au milieu duquel la figure divinisée de la marquise du Touchais apparaissait, les yeux au ciel, telle Jeanne d’Arc sur son bûcher!

Arrivé au coin de la rue, Chéri-Bibi se heurta, ou plutôt heurta le service d’ordre et de telle sorte que les gardes crurent à un fou qui courait se jeter dans les flammes.

Deux officiers municipaux se précipitèrent, mais durent bien vite reculer devant l’ardeur du foyer.

Les pompes, cependant, faisaient leur œuvre, jetant au centre du brasier des trombes d’eau qui semblaient, par un curieux effet de brasillement affreux, alimenter le sinistre. Les pompiers, debout sur les toits, et, de-ci, de-là, dans les encoignures de fenêtre, frappaient de la hache et aidaient certaines poutres à se détacher.

Or, la cave dans laquelle étaient enfermés nos réfugiés se trouvait sous la Grande Épicerie moderne.

Nous avons dit, en son temps, qu’on y pouvait descendre par une petite porte à ras du pavé qui donnait sur une étroite ruelle fort peu passante et qui servait à la descente directe des fûts dans le sous-sol. C’était à grand-peine que l’on s’approchait de cette ruelle, qu’une véritable voûte de feu recouvrait. Chéri-Bibi, bravant le danger, parvint à se glisser dans un endroit où nul n’osait plus se risquer.

À ce moment, il se rendit compte que toutes les explosions qu’il entendait ne venaient point seulement du brasier, car il fut frappé à la main gauche par une balle qui la traversa de part en part. De la rue d’en face, on tirait sur le feu!

Et il n’eut que le temps de se jeter dans l’encoignure d’une porte pour éviter une nouvelle salve.

Lors, voilà que la porte céda sous son poids et qu’il entendit la voix bien connue de son affreux galopin de Mazeppa qui disait:

– Par ici, patron, si vous n’aimez pas les pruneaux!

Dans le même moment, il découvrait qu’il se trouvait chez le bougnat.

Dans la boutique, où l’on commençait à cuire, il y avait des corps de femme, par terre, étendus, râlants ou à demi-asphyxiés au-dessus desquels deux êtres, noirs de l’incendie qu’ils avaient traversés, étaient penchés.

Il reconnut le lieutenant Frédéric Héloni et l’un des gardes formidables du Subdamoun, à qui il avait donné la garde de la cave, depuis que la marquise y était enfermée avec les femmes: Polydore.

Il se jeta par terre, cherchant Cécily.

Il ne trouva là que deux corps, celui de Mlle Lydie de la Morlière et de son amie Marie-Thérèse.

– Où est la marquise? hurla-t-il.

– Jean-Jean l’a sauvée! lui dit Polydore.

– C’est bien vrai?

– Vous pouvez être tranquille… Nous sortîmes arrivés à temps! exprima rapidement Frédéric.

– Et le Subdamoun n’est pas là?

– Non! Il ne sait rien. Nous sommes allés où l’on nous attendait. Là, j’ai trouvé Mazeppa qui venait m’avertir de ce qui se passait chez Hilaire… J’ai laissé les chefs délibérer, et je suis accouru sans rien dire au commandant!

– Malheur à ceux qui mentiront! gronda Chéri-Bibi en agitant sa main ensanglantée. Où est la marquise?

Polydore s’expliqua, cependant que Frédéric recommençait à donner ses soins aux jeunes filles, qui, peu à peu, revenaient à elles.

– Pendant qu’on se carapatait du feu, on nous tirait dessus! Moi, je portais la demoiselle Lydie, Jean-Jean avait la marquise; on s’est séparé pour débander les sorgues. Je l’ai vu grimper avec la marquise dans ses bras sur les toits, par-delà les Produits alimentaires; il était hors de danger; moi, j’étais arrivé trop tard derrière lui pour passer par là. Je suis revenu par ici, le long du mur, sachant que Mazeppa m’attendait et que le bougnat, not’lieutenant, avait porté icite la demoiselle Marie-Thérèse. Ah! pouvez être content, patron, on a bien défendu ces dames! Demandez à Mazeppa. Maintenant, faudrait songer «à les mettre», car ça commence à tourner au four de boulangerie, ici!

Mais Chéri-Bibi ne paraissait, pas s’en apercevoir. Il, demanda, ne s’occupant pas plus des jeunes filles qui étaient étendues là et auxquelles le lieutenant prodiguait ses soins que si elles n’existaient pas:

– Il y a longtemps qu’on vous tire dessus?

Il avait collé ce voyou de Mazeppa contre le mur et il fallut bien que le galopin lui donnât des explications, pendant que Polydor se mettait à déblayer le fond du caveau de tous les sacs qui l’encombraient, découvrant ainsi une espèce de boyau souterrain qui donnait sur une cour ordinairement déserte et propice à la fuite.

– Ben, v’là l’affaire! fit l’autre… Mais, por sûr, dab, on va s’brûler les tifs, ici! L’bougnat (il désignait Frédéric Héloni) venait donc de me quitter avec mission de le rejoindre avenue d’Iéna au moindre événement quand j’aperçus des officiers municipaux et toute une bande de sectionnaires, suivie d’une grosse troupe de gnafs…