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— Oh!

— Cette fois, il fallait se battre. Contre Henri, en premier lieu, qui est venu la mine pateline me confier que sa « fille Fosseuse » souffrait de ballonnements d’estomac et qu’elle aurait grand besoin d'un petit séjour aux Eaux-Chaudes où il serait utile que je l’accompagne ! Comme je comptais, moi, faire une cure à Bagnères, je l’ai envoyé promener. Les Eaux-Chaudes n’ayant produit aucun effet, quand nous nous sommes retrouvés à Nérac en juillet, il était évident, même pour les plus myopes, que les ballonnements tenaient bon. Prise de je ne sais quelle pitié stupide, j’ai proposé alors à cette fille de l’emmener passer les deux derniers mois dans un château éloigné, le Mas-d’Agenais, mais elle m’a répondu qu'elle était très bien à Nérac et qu’elle n’était pas grosse. Je l’ai donc abandonnée à son sort jusqu’au jour où Henri est venu me supplier de la loger dans une chambre écartée de celle des filles d’honneur. Il était temps : la nuit suivante cette petite dinde accouchait d’une fille qui mourut à peine née tandis qu'Henri chassait dans les environs.

— Vous deviez être soulagée ? avança la duchesse.

— Même pas ! Henri n'est revenu que pour me transmettre les plaintes de l'accouchée qui voulait être transportée dans mon propre appartement afin de « préserver sa réputation » ! On croit rêver, n’est-ce pas ? Naturellement, j'ai refusé avec indignation mais, de la sorte, j'avais déchaîné les fureurs de l’enfer sur moi. Cette idiote n'a cessé de me dénigrer auprès d’un époux qui buvait ses paroles comme les évangiles. C’en est venu au point que j’ai écrit à ma mère. Elle m’a répondu : « Revenez et prenez avec vous cette Fosseuse ! Navarre suivra ! »

— Et il a suivi ?

— Non. Je crois qu’il craignait un peu l’hospitalité de sa belle-mère mais surtout il avait changé d’amour : cette fois il s’agissait de la belle Corisande, la comtesse de Guiche, qui menait Henri à la baguette. Altière et cruelle, c’était un véritable danger. Je m’en suis aperçue quand je suis rentrée à Nérac : elle a tout simplement tenté de m’empoisonner avec un bouillon. C’est une pauvre servante qui est morte à ma place. J’ai alors décidé de m’enfuir. D’autant plus qu’à ce moment, la mort de mon frère Alençon faisait d’Henri l’héritier présomptif de la couronne de France. Je me suis réfugiée à Agen qui m’appartenait et jamais je n’ai revu Nérac.

Sa voix se fêla sur une petite note triste. Alors Lorenza osa poser la question :

— Qu’est devenue la Fosseuse ?

— Ma mère s’est chargée de la marier à un certain François de Broc, seigneur de Saint-Marc, et on n’a plus entendu parler d'elle.

— A quoi ressemblait-elle ? interrogea Mme d’Angoulême.

— A votre Charlotte justement ! Même peau laiteuse, même chevelure d’or roux, même âge aussi. Depuis que cette histoire a pris les proportions que nous savons, je me suis demandé à maintes reprises si son souvenir n’entre pas pour une part dans cette folle passion d’Henri qui met le royaume au bord de la guerre et qui fait si peur à la Reine ! Je ne dirais pas que je l’aime celle-là, bien qu'elle me reçoive toujours aimablement, mais j’ai vécu ce qu’elle vit et je la comprends !

— Il y a pourtant une sérieuse différence, fit doucement la duchesse. Le Dauphin Louis va avoir neuf ans, elle est sa mère... et elle va être sacrée ! C’est Henri, plutôt, qui devrait avoir peur !

— De quoi, mon Dieu ? Le peuple l’aime et il a déjà échappé à je ne sais combien d’attentats ! C’est un atout inappréciable que la chance !

En se levant pour prendre congé, Margot eut un geste maladroit qui remonta soudain sa collerette et fit basculer légèrement sa coiffure, qu’elle se hâta de remettre en place. Lorenza ouvrit de grands yeux.

— La reine Marguerite porterait-elle perruque ? S’étonna-t-elle quand on eut raccompagné cette dernière à sa voiture.

— Bien sûr, voyons ! répondit Mme d’Angoulême. Jeune, c’était une superbe brune mais elle pense que le blond rajeunit. N’avez-vous pas remarqué que les cheveux de ses pages sont de longueurs diverses ?

— Si, mais...

— C’est parce qu'elle les fait tondre à tour de rôle pour confectionner ses perruques, conclut la duchesse en riant. La reine Margot ne laisse jamais rien au hasard !...

Chapitre IV.

L'assassinat

Quand le baron Hubert revint de la chasse à Vincennes, sa belle humeur habituelle l’avait quitté. Il était même, visiblement, très soucieux.

— Seigneur ! s’exclama Clarisse, que vous est-il arrivé? On dirait que vous portez Dieu en terre.

La duchesse Diane étant absente ce soir, elle et Lorenza se tenaient seules dans le salon où l'on avait coutume d’attendre les repas. Clarisse brodait, sa nièce lisait.

— Ce n'est pas tout à fait ça, marmotta-t-il, mais on n’en est pas loin ! Votre histoire m’inquiétait, Lorie, mais cette fois j’ai vraiment peur ! On prétend que le Diable rend fous ceux qu’il veut perdre et je commence à y croire !

— Si vous essayiez d’être un peu plus clair ? Le Roi ne vous a pas écouté ?

— Si, mais il m’a éclaté de rire au nez et s’est écrié : « Encore ? C’est une gageure ma parole ? Depuis une semaine on me rebat les oreilles d’une folle qui se répand partout en annonçant que Satan, sous l’apparence d’un escogriffe vert, va me faire passer de vie à trépas après le sacre ! »

— Et il n’y ajoute pas foi ?

— Non. Le coup - si coup il y a ! - est monté judicieusement ! Voilà des mois que mages et devineresses prédisent sa fin à l’envi. On a dû lui présenter l’histoire du grand homme vert à la manière d’une bonne plaisanterie...

— Une plaisanterie ? Sa mort ? Cela n’a pas de sens !

— C’est également mon avis ! D’ailleurs, il riait un peu trop fort et je jurerais qu’au fond il a peur. Mais Joinville, avec son sourire enjôleur, a détourné son attention en lui parlant de sa grande passion et j’ai compris que je perdais mon temps !

— Avez-vous évoqué Epernon en spécifiant que l’homme venait d’Angoulême ?

— Le moyen ? L’ancien mignon était au coude du Roi et ne le lâchait pas d’une semelle. Il m’aurait sauté à la figure et comme notre Sire interdit les duels depuis quelques semaines... J’aurais eu contre moi tout ce monde pour qui je jouais les trouble-fête. Quant au Roi, il est tellement épris que la seule évocation de sa bien-aimée suffit à chasser ses idées les plus noires. Songez donc, ajouta-t-il avec un ricanement, qu’il va combattre pour elle, se couvrir de gloire peut-être sous ses yeux et la conquérir de haute lutte !

— Le grand maître était là ? S’enquit Clarisse.

— Sully ? Non. Il a suffisamment à s’occuper avec le départ prochain des troupes. Je suis d’ailleurs passé chez lui en revenant mais il n’y était pas !

— Alors il faut y retourner, l’adjurer d’entendre la d'Escoman et obtenir au moins que l’on ajourne le sacre !

— Il ne demanderait pas mieux parce qu’il le redoute ! Ainsi que le Roi ! J’en suis intimement persuadé. Bellegarde l’a entendu répondre à Bassompierre qui l'interrogeait sur un détail du cérémonial : « Ah, maudit sacre ! Il me fera périr ! »

— Et cette aberration aura lieu quand même ?

— Il le faut bien, s’il veut prendre la tête de son armée ! Le Dauphin n’est que dans sa neuvième année et il faut quelqu’un pour garder le royaume jusqu’à ce qu’il soit en âge de régner ! Si seulement Thomas rentrait !

Clarisse en laissa tomber son ouvrage :