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— Si, fais-je. Je crois que je peux pour l’excellente raison qu’elle n’est pas à moi.

Son toubib créchait dans une maison de parpaings assez simplette, cubique, avec un bout de véranda en verre cathédrale jaune. La partie professionnelle se situait à droite de l’entrée et la partie habitation à gauche. La veuvasse se sert de l’ancienne salle d’auscultation comme salon-bibliothèque, après y avoir installé des étagères de bambou chargées de bouquins anglais. Il reste encore, incorporé au mobilier, l’ancien fauteuil d’examen, avec « accoudoirs pour les jambes », comme dit Béru, lequel permettait au défunt d’avoir une vue plongeante sur ses patientes. Qu’on l’eût gratifié de quelques coussins et de la position verticale corrige peu sa destination initiale et il ressemble à un trône bizarre pour reine de sabat érotique.

Notre hôtesse, Mrs. Kalsong-Long (la plaque du toubib figure encore sur la porte), nous fait s’asseoir, comme on dit puis dans les — vieilles familles de la noblesse française.

— Whisky ? demande-t-elle.

— Pas d’alcool pour moi, l’en prie Jérémie.

— Et pour vous si, je parie ? qu’elle me demande en saisissant mon paquet de couilles d’une main sûre.

— Moi, j’accepte tout ce qu’on m’offre, l’en avisé-je.

Je me dis que, grâce à cette Britannique en manque, je vais pouvoir conjurer le malaise glandulaire consécutif aux fantaisies de la fille du marchand de snakes. Tiens, à propos : le deuxième remède de Jérémie a également fait merveille car le dos ne me chicane plus.

Elle lâche mes trois livres de bas morceaux pour servir deux scotches carabinés. Puis elle dit à Fleur de tunnel d’aller voir dans le frigo de la cuisine si un jus de fruits quelconque le tente.

— Fais le grand tour pour revenir, demandé-je à mon négro spirituel, j’ai des projets.

— J’ai cru le comprendre, assure l’exquis garçon.

La mère Kalsong-Long dénoue la ceinture de sa robe des champs et laisse glisser le vêtement à ses pieds. Elle est tellement nue dessous qu’en comparaison une pièce de cinq francs ressemblerait à un chat angora.

— Vous êtes capable de baiser debout ? me demande-t-elle en adoptant la posture émouvante du « Y » ren-versé. Car, ajoute-elle je ne fais jamais l’amour autrement.

Je lui assure que c’est toujours dans cette position que je prodigue mes faveurs à Elizabeth II et à Mrs. Thatcher, écluse mon glass et m’approche de la demanderesse, plein de bonnes intentions, certes, mais avec des timidités malencontreuses consécutives à sa précipitation catégorique. Elle pallie ma nonchalance par quelques manœuvres onanistes, toujours en vogue dans la gentry. Ponctue celles-ci de rudes imprécations fouetteuses de sang, dont la plus courtoise est : « Tu vas me la mettre, ta grosse bite de salaud ! », crié sur un ton comminatoire auquel l’archevêque de Canterbury soi-même ne résisterait pas. Etant homme de bonne (et belle) composition (française), je ne tarde pas à devenir opérationnel et les produits de la ferme que je lui propose me valent une exclamation qui peut passer pour admirative.

Madame a raison de coïter à la verticale, son centre d’hébergement spacieux et confortable se prêtant admirablement à une telle prouesse. M’ayant acquis, elle quitte le sol d’une détente pour nouer ses jambes autour de mon bassin, avec grâce et souplesse.

— Marche ! Marche ! m’exhorte-t-elle.

Et me voilà en train de défiler dans le salon, avec la ridicule impression d’apprendre à jouer de l’hélicon basse. Me faudrait une marche militaire, genre Le Pont de la rivière Kwaï. Mémère, toujours est-elle ça lui procure des monstres sensations, la manière qu’elle déclame en anglais ! T’entendrais ce ramdam, l’aminche. Pas du pour rire ! La sérénade indonésienne version anglaise, payant ! Elle me lacère (tiens, faudra que j’aille bouffer chez Lasserre) ! Me déchiquéquette la chemise avec ses dents, parfois m’administre des coups de boule dans le thorax, la frappadingue ! L’amour, ça lui déclenche une sacrée crise.

— Tue-moi ! qu’elle bieurle.

Allons bon, voilà du nouveau ! Moi, une femme m’adresse une supplique de ce genre, je lui réponds même pas.

Comme la situation se prolonge, elle crie :

— I want the negro ! I want the negro !

Voilà qui est déjà plus raisonnable.

— Jérémie ! hélé-je.

Il finit par se pointer. Flegmatique, il déclare en nous regardant défiler :

— Vous êtes chiés, tous les deux !

La veuve tend une main vers lui en écartant et refermant ses doigts sporadiquement et vice versailles.

— Come, boy ! Come !

— Madame souhaite poursuivre la route avec toi, traduis-je ; elle pratique le coït-relais.

Mais elle pige assez le français pour protester :

— Non ! Les deux ! Je veux les deux !

Je réfléchis à la proposition. Il est de fait que, dans la position où se trouve Mistress Kalsong-Long, il lui serait possible d’accueillir le manche à gigot de M. Blanc sans pour autant renoncer au mien. Mais Jérémie ne l’entend pas de cette oreille.

— C’est une truie en chaleur, cette bonne femme. Elle doit passer ses nuits à biberonner, tout en surveillant l’extérieur et elle se précipite sur tout ce qui bronche.

— Je réclame un temps mort ! fais-je à l’aimable Anglaise en la propulsant dans un fauteuil ; c’est prévu dans les conventions syndicales.

J’en peux plus, moi. Mort de fatigue, blessé, vidé !

La salope se met alors à nous invectiver bassement, nous traitant d’impuissants, de lopettes, de castrats, de sodomisés, de voyous, hiboux (garudas), cailloux, genoux (mais pas de choux, terme jugé trop affectueux).

Elle nous montre la porte en hurlant qu’on doit se barrer dare-dare, sinon elle va appeler la police et nous faire condamner pour viol ; n’étant pas à un contresens près. Elle nous déclare « couilles-molles », « débandeurs », « dépravés ».

De guère lasse, elle s’interprète « Je m’adore » à la mandoline frisée. Prend un confortable panard qui l’épuise et s’endort dans son fauteuil. J’éteins la lumière, m’installe sur l’ex-table d’auscultation (mais en chien de fusil), et finis par l’imiter. En ce qui concerne Jérémie, il est retourné aux questsches depuis un moment déjà.

(RÈGLEMENTS DE) COMPTES

DES MILLE ET UNE NUITS

Elle réveille mieux qu’elle n’endort, Gwendoline (c’est son prénom). J’adore me faire zorber le grec à mon petit lever ! Et tu vois comme elle est hôtesse émérite : du temps que j’en concasse encore malgré les chants des coqs, elle m’extrapole le Nestor et me le turlute, comme dans la flûte à six schtroumpfs. A jeun, elle est revigorée, plus du tout virago. M’est avis que son veuvage l’incite à la chopine, Mistress. Et qu’à force de gonfler les doses, elle s’embarque pour les cirrhoses mondaines. Pour l’heure, la chair le dispute encore au biberon, mais, inexorablement, le jour viendra où le second prendra le pas sur les frivolités, et la pauvre Anglaise se shootera au Black and White jour et nuit !

Là, elle me gouaille le nerveux de manière plutôt gloutonne, ce qui est rare pour la ressortissante d’un pays qui ne saurait manger du turbot sans couvert à poisson. Je me laisse haler et, en peu de temps, ma gentille maîtresse de maison cesse d’être à jeun.

Elle nous prépare alors des œufs au bacon et du café noir. Tandis que nous clapons, elle demande :

— Vous avez des ennuis, je suppose ?

Et moi, franc-jeu :

— Avez-vous entendu parler du Suey Sing Tong, Gwendoline ?