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— … il n’y avait alors absolument aucune étoile dans le ciel, d’où l’anomalie.

— Exactement. Si je voyais ces signaux dans le ciel actuel, je m’arrêterais à peine dessus, puisque l’Univers est désormais composé de milliards d’étoiles qui se créent et meurent à tout moment en libérant des quantités d’énergie folles. Mais à l’époque de cette photo… ça n’existe pas ou ne devrait pas exister. Pour comparer, c’est comme si on me montrait la photo d’une centrale nucléaire à l’époque des australopithèques. Vous comprenez ?

— Et quelle hypothèse pourrait expliquer ça ?

Le professeur soupira.

— Je n’ai pas d’explication rationnelle. Si je devais me prononcer rapidement, je dirais que ces relevés n’ont aucun sens, inspectrice. C’est tellement bizarre que je me demande si ce n’est pas une supercherie ou si votre Anton ne travaillait pas sur une simulation qui ne repose sur rien de réel.

— Ce serait étonnant, commenta Grace après avoir consulté Naïs qui lui avait fait non de la tête. Donc, vous n’avez aucune piste explicative, finalement ?

Martin Barlow marqua un silence.

— Ah, je n’aime pas faire de conclusions hâtives. Surtout que les deux hypothèses que je vois pour le moment sont aussi folles l’une que l’autre.

— Allez-y quand même.

— Si ces relevés sont justes, et je dis bien si et seulement si, alors soit l’Univers n’a pas l’âge qu’on lui connaît, mais alors quel âge a-t-il vraiment et que s’est-il réellement passé qui puisse expliquer l’existence de ces points d’énergie ? Et avec des radiations aussi délirantes, ce n’est pas un microphénomène qui nous aurait échappé, c’est de l’ordre de la révolution.

— Soit ?

— Soit ces sources énergétiques ne sont pas le fruit de l’agencement naturel de l’Univers.

— Quoi ? Vous pensez que…

— Je vous ai dit qu’il s’agissait d’hypothèses très hasardeuses, mais puisqu’on est dans la prospective, on pourrait imaginer avec mille précautions que ces manifestations énergétiques ont été émises par, disons, une construction, une machine conçue par une forme d’intelligence capable de concentrer les gaz primordiaux de façon à produire des signaux de la puissance que l’on constate sur les relevés étudiés. Mais je vous en parle parce que vous m’y avez forcé. Personnellement, je n’y crois pas.

— Je comprends que cette seconde hypothèse doit dérouter un scientifique si rigoureux que vous, mais pourquoi ne voulez-vous pas l’envisager ?

— Parce que l’homme a toujours comblé son manque d’intelligence et de connaissances par la création de forces supérieures, ce furent d’abord les dieux, puis les extraterrestres. Or, pour les premiers, jusqu’à preuve du contraire, ils n’existent pas, et pour les seconds, le cheminement intellectuel qui a conduit à l’hypothèse de leur existence est sensiblement le même que celui à l’origine des divinités, et se trouve donc à mes yeux plus que suspect. Bref, ce n’est pas parce que tous les enfants ont des cadeaux à Noël que le Père Noël existe. Donc, il y a bien une explication rationnelle à tout cela, il faut juste que je fasse un peu plus travailler mon cerveau…

— Oui, oui, acquiesça Grace, malgré tout troublée.

— De toute façon, je vais essayer d’aller au bout du raisonnement de cet homme. Mais je vous le répète, j’ai besoin de temps pour comprendre ce qu’il calculait exactement et ce qu’il avait trouvé ou était sur le point de trouver.

— Je vous laisse travailler, professeur, et une fois encore, merci pour votre aide.

— Si tout ça n’est pas une vaste fumisterie, c’est moi qui vous remercierai, inspectrice Campbell. À bientôt, j’espère.

On entendit le bruit d’un téléphone que l’on raccroche et Naïs coupa le haut-parleur. Le silence se fit dans la voiture.

— Olympe n’aurait pas fait appel à un génie pour travailler sur de fausses données, finit par dire Grace. C’est donc qu’Anton œuvrait sur quelque chose de réellement révolutionnaire.

Naïs ne répondit pas, mais Grace s’était immédiatement plongée dans ses pensées. Cette enquête la soumettait à une telle quantité d’informations nouvelles et à peine croyables qu’elle sentait un besoin impérieux de se poser pour réfléchir, digérer, évaluer, classer. Après l’improbable découverte de l’entrepôt de cercueils, la collaboration du gouvernement avec la tentaculaire Olympe, elle était maintenant confrontée à des hypothèses existentielles vertigineuses. Comment pouvait-elle assimiler si vite ce qu’elle venait d’entendre : un Univers d’un âge complètement différent de celui que l’on croyait, une éventuelle preuve d’une intelligence extrahumaine ? Et dire qu’il y a moins de quarante-huit heures, elle se réveillait chez elle, prête à subir une nouvelle journée de banalités au travail pour rentrer le soir et se réfugier au plus vite dans la lecture d’un roman.

— Hey ! Grace !

— Hein ?

— Ça fait trois fois que je t’appelle, tu ne réponds pas et tu es un peu pâle. Ça va ?

— J’étais concentrée sur la route, mentit-elle.

— Tout va bien ?

Grace se redressa sur son siège, ouvrit grand les yeux, comme pour sortir d’un rêve éveillé, et resserra ses mains sur le volant.

— Je crois que j’ai besoin d’un peu de temps pour appréhender tout ce que l’on vient d’apprendre. Je ne suis qu’une humaine, pas une machine qui enregistre les informations sans émotion. Toi, ça ne te perturbe pas ce que Martin Barlow vient de nous dire ?

— On arrive, répondit abruptement Naïs, alors qu’elles venaient de passer sous le panneau indiquant la sortie de l’autoroute pour rejoindre le centre-ville de Glasgow. Concentrons-nous sur la tâche qui nous attend. Le reste n’est pas de notre compétence.

Grace eut l’impression que Naïs n’était pas à l’aise avec ces questions scientifiques et elle respecta son inconfort. D’autant qu’elle devait effectivement se préparer mentalement à l’intervention qu’elles allaient mener d’une minute à l’autre.

– 31 –

Quelques minutes plus tard, alors que dix-neuf heures venaient de sonner, elles se garaient à une vingtaine de numéros de l’adresse supposée du scientifique. Presque déçues de constater que le daimôn habitait un quartier des plus banals, composé de petites maisons mitoyennes alignées le long d’une rue calme et ombragée. Elles s’apprêtaient à sortir de la voiture, quand Grace reçut un nouvel appel. Naïs la regarda d’un air exaspéré, mais l’inspectrice avait reconnu le numéro des secours partis chercher Yan, et elle décrocha instinctivement. Son rythme cardiaque déjà sous tension s’emballa.

— Madame Campbell ? Secours d’Inchnadamph au téléphone.

— Je vous écoute, répondit-elle, le cœur gonflé d’angoisse.

— Nous avons retrouvé le jeune guide dont vous nous aviez indiqué la position.

— Comment va-t-il ?

— Il était en arrêt cardiaque quand nous sommes arrivés.

Grace sentit la panique l’envahir.

— Nous avons pu le réanimer, mais il est dans le coma et je ne peux pas me prononcer sur l’évolution de la situation.

Grace se mordit l’intérieur de la joue.

— Où est-il hospitalisé ?

— Nous sommes en route pour l’hôpital de Raigmore.

— Merci pour ce que vous faites. Je vous laisse contacter sa famille qui tient l’hôtel d’Inchnadamph.