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Elle chercha Naïs du regard, désolée. Sa coéquipière la rejoignit et s’accroupit près d’elle.

— Il dit vrai. Je suis confuse…, murmura Grace. J’ai fait n’importe quoi.

— Non, tu aurais pu, mais tu ne l’as pas fait, parce que ce n’est pas dans ta nature. En revanche, tu as sacrément besoin de faire le ménage dans ta tête, avec cette histoire de Yan, ou la prochaine fois, cela va très mal tourner.

Grace approuva en silence, bien qu’il lui soit impossible de renoncer à son inquiétude à l’égard du garçon.

Naïs fouilla dans la poche de son manteau et en sortit un boîtier en plastique qui contenait quelques bandes adhésives, un pinceau et de la poudre noire pour faire une dizaine de relevés d’empreintes.

— Tu sais bien que l’on fait un métier qui demande parfois de faire des entorses à ses principes, ajouta Naïs. À ce que j’appelle la conscience idéale. Cependant, la culpabilité ne mène qu’à de mauvais choix. La preuve, tu as fait souffrir un innocent parce que tu voulais à tout prix que le coma de ton jeune guide ait au moins servi à quelque chose… Tu n’as pas l’impression d’avoir enclenché le mauvais engrenage ?

Grace n’aurait pas mieux analysé la situation et elle fut reconnaissante à Naïs de le lui dire sur un ton amical.

— Aie confiance en toi et en tes choix, ce sont les bons. Avance ! Et accepte de ne pas être parfaite. Ce n’est pas possible.

Naïs ne toucha pas Grace, mais elle posa sur elle un regard sincère et doux qui eut le même effet qu’une caresse.

Pour la première fois depuis des années, Grace accueillit le don d’humanité qu’on lui faisait. Puis, irriguée d’un sentiment de soutien nouveau pour elle, elle se leva, rangea son arme et alla retrouver Gregor Frazer.

Elle s’assit près de lui sur le canapé.

— Je vous prie de m’excuser pour ce qu’il vient de se passer. Vous n’aviez pas à subir cette violence. Je suis profondément désolée de tout ça… Vous avez l’air d’être une bonne personne, alors surtout, ne changez pas. La société a besoin de gens comme vous et puis, nous, ça nous fait moins de travail, conclut Grace avec un sourire qui tirait sur la grimace.

Il hocha la tête sans la regarder, les mâchoires serrées, les yeux rougis.

Profondément peinée par l’état dans lequel elle avait jeté ce jeune homme, elle se promit de mieux se contrôler à l’avenir.

Elle rejoignit Naïs, qui achevait de scanner les relevés d’empreintes sur son téléphone.

— Je me suis dit que tu n’allais pas faire appel aux services de police, compte tenu de l’avertissement du ministre de la Défense. J’envoie donc les traces papillaires à mon bureau de Perth. S’il y a une correspondance quelque part, ils le sauront, les empreintes sur la calculatrice sont de bonne qualité.

Naïs se redressa et jeta un regard vers le salon en direction de Gregor Frazer.

— Il est déjà un peu moins pâle et puis, je suis sûre que sa chérie prendra soin de lui.

Au même moment, le portable de Naïs sonna. En voyant le numéro, elle arbora le même visage contrarié que dans la voiture une heure plus tôt, et fit signe à Grace qu’elle avait besoin d’être seule.

— Puis-je téléphoner dans votre chambre ?

Le jeune homme se contenta d’un signe de main, l’air de dire qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait.

Grace se demanda qui pouvait bien provoquer une telle réaction chez sa coéquipière. Un supérieur ? Un mari ? Encore qu’elle avait beaucoup de mal à l’imaginer vivre en couple.

En attendant, Grace s’attarda sur les biographies présentes dans la bibliothèque. On y trouvait Picasso, Mozart, Einstein, Léonard de Vinci, Newton, Marie Curie, Beethoven, Edison, Poincaré, Nikola Tesla, Ada Lovelace, Socrate, Platon, Shakespeare, Nietzsche et d’autres encore que Grace n’eut pas le temps de recenser avant que Naïs soit de retour dans le salon.

Elle venait tout juste de raccrocher quand son téléphone se mit à sonner de nouveau. Le visage de Naïs s’anima d’une vive attention.

— C’est mon bureau, et s’ils me rappellent si vite, c’est qu’ils ont trouvé quelque chose.

– 32 –

Les deux femmes s’isolèrent dans la chambre à coucher et Naïs activa le haut-parleur de son téléphone.

— Agente Conrad, John Decker, consultant analyste pour le bureau, commença une voix affirmée. Nous avons trouvé une concordance entre vos relevés papillaires et le fichier international des relevés d’empreintes.

Grace vit sa coéquipière serrer le poing d’impatience.

— Cela dit, le résultat est inattendu, poursuivit l’homme. Les empreintes que vous nous avez envoyées correspondent à celles de deux scènes de cambriolage au Groenland.

Le mot résonna comme une aberration dans la tête de Grace. Ce matin, elle découvrait des milliers de cercueils en plastique dissimulés dans un entrepôt secret, et maintenant, elle apprenait que son affaire avait un lien avec le Groenland. Jusqu’où tout cela irait-il ?

— Au Groenland… vous en êtes certains ? s’étonna Naïs. Quel est le pourcentage de correspondance ?

— 100 %, Madame.

— Où, quand et quoi ?

— Dans la capitale, Nuuk, le 12 juin 2019. Donc, il y a un peu plus d’un an. Vous voulez la liste précise des effets volés ?

— Oui.

— Chaque fois, ce sont des magasins d’équipements sportifs qui ont été cambriolés. Les propriétaires ont déclaré le vol de trois parkas haute résistance au froid, sept paires de chaussures de marche, trois pantalons, quatre coupe-vent, six paires de gants, cinq bonnets, cinq paires de lunettes glacier, plusieurs réchauds à gaz, deux couteaux de chasse, des boussoles, des bâtons de marche et deux paires de raquettes. À noter aussi la disparition d’une grande quantité de nourriture lyophilisée.

— J’imagine que le coupable n’a jamais été arrêté ?

— Non, le dossier a été classé sans suite.

— On a un bureau dans cette zone de la planète ?

— Non, Naïs.

— Transférez-moi l’intégralité de vos recherches et mettez-moi en évidence le nom des officiers groenlandais chargés d’enquêter sur les vols de matériel. Merci, John.

Naïs raccrocha.

— Le Groenland, répéta Grace avec une expression d’étonnement sur son visage. En même temps, c’est le lieu de fuite parfait pour qu’on ne vous retrouve jamais, mais avec quelle chance de survie ? D’autant qu’au vu des objets volés, il est clair que Neil préparait un voyage en dehors de la ville. Pour aller où ?

— Tu connais cette région du globe ?

— Je n’y suis jamais allée.

— Il faut réinterroger les policiers responsables de l’enquête sur ces cambriolages, chercher quelles sont les destinations possibles à pied de cette ville. Bref…

— … il faut se rendre sur place, conclut Grace.

— Je le crains, Neil est notre seule chance de remonter jusqu’à la tête d’Olympe.

Grace prit conscience que cette terre lointaine lui était si étrangère que jusque-là, elle ne lui avait au fond accordé qu’une existence fictionnelle où se mêlaient des images de films, de livres ou de reportages. Comme si ce pays n’était qu’un support onirique inventé pour aider l’esprit à approcher l’inimaginable infini glacé.

— Grace, il faut y aller.

— Oui, oui…

Les deux femmes saluèrent Gregor Frazer et regagnèrent leur véhicule.

— L’aéroport international se trouve dans la capitale à Nuuk, commença Naïs, qui s’était déjà connectée à un site de réservation de vols en ligne.